Ces provençaux passionnés d'agriculture et d'économie régénératrice se sont donnés une mission : réintroduire la culture de la pistache en France. Avec près de 500 ha implantés depuis 2018, ils souhaitent arriver à 2000 hectares d’ici 2035.
La pistache, une culture provençale pendant près de 1800 ans
Apparue il y a 4 000 ans au Moyen-Orient, la pistache a été introduite dans le Bassin Méditerranéen par les Romains. La Provence faisait partie des régions de culture du pistachier mais les dernières traces remontent à la fin du XIXème siècle. « On estime que l’arrêt de cette culture de niche est lié à la mécanisation et le développement d’autres cultures comme la vigne ou les pommiers » témoigne Jean-Louis Joseph, agriculteur et vice-président de l’association Pistache en Provence, pour la Relève et la Peste.
Connu pour ses bienfaits pour la santé et ses avantages culinaires, ce fruit à coque a le vent en poupe. Même si la majorité des pistaches consommées en France proviennent d’Iran, Tunisie, Espagne ou Californie, à l’échelle de 12 000 tonnes importées chaque année.
La pistache qui provient d’un arbre résineux présent dans les régions chaudes est peu gourmande en eau et résiste bien au froid et au gel. Elle nécessite beaucoup d’heures de soleil pour arriver à maturité, c’est pourquoi « la Provence et l’Occitanie font partie des régions qui peuvent la cultiver » ajoute Jean-Louis. « C’est un non-sens d’importer des pistaches, souvent de mauvaise qualité » en insistant sur « l’idée de retrouver les pistaches de Provence comme ça se faisait avant ».
La réintroduction de la culture du pistachier en Provence et la création de l’association Pistache en Provence commence par la rencontre entre des Provençaux, passionnés d’agriculture et d’économie régénératrice : Georgia Lambertin, première agricultrice ayant mené des recherches et des expérimentations variétales sur ses terres du Vaucluse; Jean-Louis Joseph, qui l’a tout de suite accompagnée dans ses recherches; André Pinatel, agriculteur engagé sur de multiples filières, ayant déjà porté des projets autour de l’olivier et de l’amandier; et Olivier Baussan, Président de Territoire de Provence, groupement d’entreprises agroalimentaires qui entretiennent un lien essentiel avec le terroir et les agriculteurs qui le font vivre.
Un quatuor complété par près de 70 actifs du secteur agricole qui ont également adhéré à cette initiative, en parallèle du soutien de la chambre d’agriculture du Vaucluse. Jean-Louis poursuit en expliquant que s’en est suivi « l’émergence et la structuration d’une filière : des pépinières à la mise en marché, en passant par l’expérience technique en culture et post-récolte » à travers la création d’un syndicat appelé France Pistache en 2021.
Comme aucune donnée sur le pistachier n’était répertoriée en France, tout était à reconstruire. C’est donc pour apprendre sur ses modes de culture que les fondateurs de cette association ont parcouru l’Espagne, l’Italie, la Grèce et Tunisie. « Il nous fallait comprendre le fonctionnement en connaissant les plantes et échanger avec des acteurs de la filière » continue Jean-Louis.
En plus d’être actif dans la recherche et l’expérimentation, ainsi que dans la promotion et la défense auprès des transformateurs et consommateurs, Pistache en Provence accompagne les agriculteurs. « On fait maintenant des ateliers techniques et ça commence à prendre ». Beaucoup de jeunes se lancent dans cette aventure agricole et on estime à ce jour que 30% de celle-ci est issus de l’agriculture biologique.
La culture de la pistache en France
« On doit être à 400-500 hectares aujourd’hui » livre Jean-Louis. La culture de la pistache ne représente à ce jour qu’une culture d’appoint mais « si ça fonctionne à long terme, on peut imaginer qu’il s’agira d’une culture à part entière qui fera vivre des exploitations ».
Avec le changement climatique, certaines régions manquent d’eau et voient de nouveaux ravageurs arriver. « Face à ces difficultés qui touchent plusieurs filières, les agriculteurs essayent de se diversifier » continue Jean-Louis. Réintroduire la culture de la pistache est donc une alternative de production et un défi positif pour les agriculteurs producteurs car elle est adaptée aux conditions pédoclimatiques locales et à leurs évolutions.
Grâce à la production de divers produits issus de pistaches locales, un cercle vertueux se créerait. « Avec la relance de la pistache en France, on espère retrouver de la pistache Made in France de qualité dans nos assiettes » continue Jean-Louis.
Pour pouvoir récolter les fruits du travail de réimplantation du pistachier, il faut s’armer de patience puisque six ans sont nécessaires. En septembre 2023 ont eu lieu les toutes premières récoltes de pistaches de Provence sur une parcelle expérimentale de pistachier plantée en 2018, « mais les vraies récoltes se feront cette année ainsi qu’en 2025, à hauteur de quelques centaines de kilos attendus » livre Jean-Louis.
Après avoir acquis la connaissance de ce fruit à coque et mis en place les pépinières, l’association Pistache en Provence souhaite développer les outils de transformation pour pratiquer la récolte. « Après la récolte, il faut laver et sécher la pistache. Et si elle n’est pas ouverte, il faut mettre en place des casseries » termine Jean-Louis.
Cette initiative portée par agriculteurs, bénévoles et partenaires a de l’avenir. L’objectif étant de co-construire une filière équitable en produisant une pistache agro-écologique à travers la plantation de 2000 hectares d’ici 2035.
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