Sept activistes du mouvement citoyen Alternatiba Paris et du collectif Non au Terminal 4 entrés sur le tarmac de Roissy pour dénoncer le projet d’extension de l’aéroport, étaient convoqués le 7 octobre devant la 16ème chambre du tribunal de Bobigny. L’audience a eu lieu presque un an jour pour jour après leur action de désobéissance civile. Devant les juges, ils et elles ont rappelé la responsabilité du secteur aérien dans la crise climatique et l’urgence d’agir pour réduire le trafic. Le procureur a requis des peines lourdes allant de 400 à 600€ d’amende et 1 à 3 mois de prison avec sursis pour entrave à la circulation d’un aéronef, dégradations matérielles en réunion et refus de prélèvement ADN. Le délibéré sera rendu le 12 novembre 2021 à 13H00. Face à ses poursuites judiciaires, ils s’expliquent. Voici leur communiqué.
Une audience de 5 heures
Après un report de l’audience initialement prévue le 24 juin, le procès de sept militants climat d’Alternatiba Paris et du collectif Non au Terminal 4, a eu lieu ce jeudi 7 octobre.
Les activistes, qui encourent des peines allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 18 000 euros d’amendes, ont rappelé aux trois juges la légitimité de leur action face à l’urgence climatique et l’irresponsabilité du secteur aérien.
Au cours de l’audience, qui a duré cinq heures, Sixtine Dano, Côme Mazin et Gabriel Boutan, respectivement âgés de 25, 22 et 20 ans, ont décrit ne pas avoir eu le choix que de désobéir à la loi pour se faire entendre par un gouvernement, qui restait jusqu’ici sourd aux demandes d’abandon du projet d’extension de l’aéroport Roissy.
Sous la pression citoyenne et en pleine crise sanitaire, le gouvernement a demandé à ADP en février dernier de revoir ses plans initiaux, visant à accueillir 40 millions de passagers supplémentaires par an d’ici à 2037.
Néanmoins, la menace d’un nouveau projet qui permettrait quand même d’augmenter les capacités de l’aéroport plane.
Audrey Boehly, figure de la lutte contre le projet d’agrandissement de l’aéroport, a rappelé : “Aujourd’hui, face à la crise climatique, des citoyennes et des citoyens comme nous n’ont pas d’autres choix que de prendre de tels risques pour obliger l’Etat français à respecter ses propres engagements. Ce n’est pas normal que nous devions nous rendre sur le tarmac d’un aéroport pour demander l’application par l’Etat français de l’Accord de Paris, accord international signé et célébré en 2015 en grandes pompes sur notre propre sol !”
Les témoignages d’Elisabeth Michel (climatologue), Dominique Bourg (philosophe et professeur à l’Université de Lausanne), Florian Simatos (enseignant chercheur à l’école d’aéronautique l’ISAE Supaero) et Françoise Brochot (Présidente de l’ADVOCNAR, association de défense des riverains de Roissy) se sont succédés.
“C’est l’action trop lente de l’État qui pousse les citoyens, conscients de l’urgence climatique, à des actions spectaculaires. Je remercie tous les citoyens qui alertent sur les mauvais projets et les mauvaises décisions et font pression pour les abandonner au profit de politiques publiques alignées sur la Stratégie Nationale Bas Carbone.” a déclaré à la barre Elisabeth Michel, climatologue, en revenant longuement sur les conclusions alarmantes du dernier rapport du GIEC, publié le 9 août dernier.
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En amont de l’audience, un rassemblement de soutien était organisé en présence de Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France et Nicolas Bourdeau, étudiant en aéronautique.
Le jour-même, plusieurs organisations représentant le secteur dont la coordination de la CGT aéronautique ont publié une tribune demandant au gouvernement de prendre ses responsabilités pour réguler le trafic aérien et planifier la reconversion des emplois avec les salariés.
Dans le tribunal, un des prévenus, Robin Cadeddu, a souligné:
« Nous n’avons pas le choix, nous devons réduire le trafic aérien. Et plus tard on le fera, plus les conséquences seront brutales pour les salariés« .
En parallèle, un collectif regroupant plus de 2000 scientifiques a publié une autre tribune de soutien à Jérôme Guilet, astrophysicien qui lui aussi poursuivi.
“Par ses actions, Jérôme a su incarner une forme de responsabilité des scientifiques que nous devrons continuer à faire vivre.” écrivent-ils.
La criminalisation des activistes
Le procureur a requis des peines allant de 400 à 600€ d’amende et 1 à 3 mois de prison avec sursis pour entrave à la circulation d’un aéronef, dégradations matérielles en réunion et refus de prélèvement ADN.
“Des peines sévères qui traduisent la volonté du ministère public de réprimer les militants climat et d’empêcher la contestation en matière de lutte contre le dérèglement climatique” selon Maître Arié Alimi, qui a plaidé aux côtés de Me Chloé Seynac et Me Alexis Baudelin l’état de nécessité et la liberté d’expression pour obtenir une relaxe.
Le jugement sera rendu le 12 novembre 2021 à 13h00, dernier jour de la COP26.
“Six ans après la COP21 et alors que la France viole ses propres engagements internationaux sur le climat, le ministère public n’a-t-il vraiment rien d’autre à faire que de criminaliser des citoyens qui mènent des actions non-violentes pour alerter sur l’irresponsabilité de nos gouvernants ?” s’interroge Sixtine Dano, activiste d’Alternatiba Paris poursuivie dans ce procès.
Aéroports de Paris, qui s’est porté partie civile, a demandé un euro symbolique.
La répression des activistes dénonçant l’impact du secteur aérien sur le climat ne se limite pas à ces poursuites pénales. D’autres participants à l’action du 3 octobre 2020 font l’objet de procédures administratives. La somme des amendes encourues s’élève à 88 500 euros.
Le 4 novembre prochain, ce sont les activistes de Greenpeace France ayant repeint un avion en vert pour dénoncer le greenwashing du gouvernement qui seront à la barre.
En juillet dernier, le gouvernement a introduit un nouveau délit dans une loi fourre-tout visant directement les actions de désobéissance civile menées sur le tarmac des aéroports.
“Une tentative claire de la part du gouvernement pour nous museler au lieu de prendre ses responsabilités face à la crise climatique” conclut Sixtine Dano.
Crédit photo couv : Benoît Derouet