Après plusieurs semaines d'attente, la cour d'appel de Rennes a finalement débouté Laure Marivain qui demandait une réévaluation de son indemnisation suite au décès de sa fille, morte en 2022 des suites d'une exposition prénatale aux pesticides. La famille a deux mois pour se pouvoir en cassation.
Une enfant tuée par les pesticides
« On est profondément accablés, mon mari et moi, par cette décision. » Ce mercredi 4 décembre, en conférence de presse, la voix de Laure Marivain s’étrangle et se brise. L’ex-fleuriste, dont la fille Emmy est décédée à l’âge de 11 ans en 2022 suite à une exposition prénatale aux pesticides, vient d’apprendre la décision de la cour d’appel de Rennes de rejeter sa demande d’indemnisation.
Comme nous l’expliquions récemment, Laure Marivain a travaillé pendant plusieurs années comme fleuriste puis représentante de fleurs dans les Pays de la Loire. Pendant sa grossesse, elle a été en contact avec des fleurs et plantes traitées aux pesticides en provenance des Pays-Bas et d’Amérique du Sud.
Une exposition prénatale aux pesticides qui a conduit sa fille, Emmy, à développer une leucémie dont elle est décédée en 2022. Alors que le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) avait reconnu « le lien de causalité entre la pathologie [de la petite fille] et son exposition aux pesticides durant la période prénatale », une indemnisation forfaitaire de 25 000 euros avait été proposée à chacun des parents au regard des préjudices subis par les « ayants droit ».
Une bataille judiciaire avec le Fonds d’indemnisation
Une somme que la famille a contestée devant la cour d’appel de Rennes le 9 octobre dernier, demandant une indemnisation de plus d’un million d’euros au regard des souffrances d’Emmy durant sa maladie. En vain, puisque la cour d’appel de Rennes a statué en défaveur de l’indemnisation des préjudices d’Emmy de son vivant. La juridiction a ainsi strictement respecté le cadre législatif, en indemnisant uniquement les parents pour le décès de leur fille.
« Ce que nous dit la cour, c’est que le Fonds d’indemnisation des victimes n’en a que le nom, a déploré Me François Lafforgue, avocat de la famille, en conférence de presse. Le Fonds indemnise les préjudices subis par les enfants vivants, mais pas les préjudices subis par les enfants qui ont été victimes de l’exposition aux pesticides de leurs parents et qui sont décédés dès suite de leur pathologie. »
Une situation que l’avocat, qui défend des victimes de pesticides depuis plus de dix ans, qualifie d’« absurde » et d’ « intolérable ».
« Ce Fonds d’indemnisation a un très joli nom, mais à quoi est-ce qu’il sert réellement ? a poursuivi Laure Marivain. Je pense qu’on est beaucoup à se poser la question aujourd’hui », a-t-elle continué, la voix nouée, regrettant que la décision de la cour d’appel ne fasse qu’ajouter « de la souffrance à la souffrance ».
Un point de vue largement partagé par l’association Phyto-Victimes, qui accompagne depuis plus de dix ans les professionnels victimes de pesticides, et qui suit le dossier de la famille Marivain depuis ses débuts.
« Il faut une révision du barème » d’indemnisation des victimes, a soutenu à ce propos Antoine Lambert, président de Phyto-Victimes, et ce « dans les plus brefs délais pour que personne n’ait à vivre ce que la famille Marivain vit actuellement. »
La possibilité d’un pourvoi en cassation
Désormais, la famille Marivain a deux mois pour former un pourvoi en cassation. Une décision qui doit être examinée « à tête reposée », a insisté l’avocat de la famille, qui préfère ne pas se précipiter.
« Si on en restait là ou si la cour de cassation devait confirmer la décision de la cour d’appel, la conclusion serait de dire qu’il faut changer le système pour que les préjudices des enfants décédés puissent être réparés à leur juste mesure », a conclu Me François Lafforgue.
En conférence de presse, l’avocat de la famille a d’ailleurs soulevé l’existence d’autres voies d’action, en parallèle d’un possible pourvoi en cassation.
« On réfléchit à toute autre voie envisageable contre tout responsable qu’on pourrait être identifié dans cette affaire, a-t-il dit, mais il y a encore beaucoup d’inconnus sur les produits réellement utilisés par les producteurs de roses à l’étranger », ainsi que sur l’identification même des producteurs.
Et de compléter : « il y a également des interrogations sur les responsabilités à l’échelle nationale, y compris au sein des autorités publiques qui ont laissé et qui laissent encore perdurer une situation d’exposition à des produits extrêmement dangereux pour des fleuristes ».
Pour rappel, contrairement aux fruits et légumes, il n’y a pour l’heure pas de réglementation européenne pour fixer des limites maximales de résidus. N’existe pas non plus de contrôle de ces résidus, notamment dans les fleurs importées, qui peuvent pourtant contenir des pesticides interdits d’usage en Europe.
Quelles que soient les nouvelles démarches engagées par la famille, « le combat va continuer au-delà de notre affaire », assure Laure Marivain, qui se dit « profondément touchée » des nombreux soutiens qu’elle a reçus depuis la médiatisation de l’affaire.
« Ce n’est pas normal qu’on laisse faire ça, ni aujourd’hui ni demain », conclut-elle.
De leur côté, les associations d’aide aux victimes, parmi lesquelles Phyto-Victimes, se disent déterminées à continuer à accompagner celles et ceux qui en feront la demande, au même titre que Me François Lafforgue, qui suit actuellement « d’autres procédures pour des enfants victimes de l’exposition de leurs parents aux pesticides ».
Reste à souhaiter que la décision de la cour d’appel de Rennes ne vienne pas « freiner des familles qui voudraient demander réparation », espère Antoine Lambert, président de Phyto-Victimes.
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