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Avec 40°C en avril, la sécheresse des sols espagnols est équivalente à celle du Sahara

Cette vague de chaleur précoce n’est qu’un avant-goût de ce que va vivre l’Espagne les prochaines années, c’est l’un des pays européens les plus touchés par le changement climatique à un niveau tel que 75% de son territoire est en voie de désertification selon l’Onu.

Une vague de chaleur massive s’est abattue sur l’Espagne, poussant les thermomètres au-delà de 40°c, des températures jamais enregistrées si tôt dans l’année. Cette canicule historique a déjà de graves conséquences sur l’agriculture, dont de nombreux pays européens dépendent, les écosystèmes et la population.

Cette semaine, une masse d’air très chaud et sec, d’origine nord-africaine, a pénétré dans la péninsule ibérique et les îles Baléares. Cette masse chaude a provoqué une augmentation des températures supérieures de « 6 à 10°C » en moyenne aux normales de saison, notamment en Andalousie avec un pic prévu à 43°C aujourd’hui à Séville.

Dans la ville andalouse, les habitants et les écosystèmes souffrent, un cheval remorquant une calèche est littéralement « mort de chaud » sous l’effort. La population est extrêmement préoccupée par cette chaleur, qui cause près de 1300 morts humaines chaque année selon l’Institut de Santé Carlos III.

En effet, les réserves d’eau communales sont déjà au plus bas, les précipitations ayant été rares dans le pays le mois dernier. Les autorités ont dû mettre en place des restrictions sur l’usage de l’eau.

Les forêts sont elles aussi gravement touchées par cette canicule. En Espagne, la végétation brûle et risque de battre le triste record de l’an dernier. 54 000 ha de forêts ont déjà brûlé depuis le début de l’année, contre 17 126 ha à la même date selon le Système européen d’information sur les feux de forêt (Effis)

Ces températures hors-norme sont également un danger pour les campagnes espagnoles, qui traversent l’une des pires sécheresses de ce siècle. Si le manque de pluie est déterminant pour comprendre l’aridité et l’improductivité des cultures, la chaleur extrême est un autre facteur important, puisqu’elle augmente le taux d’évapotranspiration des cultures.

A tel point que « les indices hydriques des sols agricoles espagnols vont atteindre les niveaux du Sahara », alerte l’agro-climatologue Serge Zaka

 

« Une grande partie de notre pays est dans une situation catastrophique. À l’heure actuelle, il existe des zones telles que le bassin du Guadalquivir, où la disponibilité de l’eau d’irrigation est de 10 %. En d’autres termes, si vous avez dix hectares de cultures, vous ne pouvez essayer d’en cultiver qu’un seul », détaille Ignacio Huertas, secrétaire exécutif de l’Union des petits agriculteurs (UPA) pour le média espagnol Publico.

« Dans le bassin du Guadiana, environ 40 % des champs ne pourront pas être irrigués. De plus, nous souffrons encore des conséquences de la sécheresse de l’an dernier »

La Coordination des Organisations d’Agriculteurs et d’éleveurs (COAG) estime que 60 % des terres agricoles espagnoles sont asphyxiées par des pertes « irréversibles », les terres sèches étant pratiquement entièrement dégradées. Avec la crainte de l’été qui approche, les paysans ont déjà rencontré l’exécutif pour demander un pacte d’État.

Ils réclament notamment une plus grande flexibilité des aides et le report de certains des critères d’aide de la PAC pour garantir qu’aucun agriculteur ou entrepreneur ne soit laissé sans protection cette année, en plus d’un arrêté royal qui servirait à coordonner les aides régionales palliant aux dommages économiques causés par le manque de pluies.

Ainsi, l’exportation de fruits et légumes espagnols a fortement diminué, de 10% en 2022, remettant en cause la capacité du pays à continuer d’être le « maraîcher industriel » de ses voisins européens, France en seconde position, au cours des prochaines années. Le cas espagnol rappelle à quel point il est urgent de changer de modèle agricole et relocaliser les productions alimentaires des pays européens.

« Ces dernières années, ces épisodes de températures élevées typiques de l’été arrivent de plus en plus tôt. Cela correspond à ce que la science nous dit sur le changement climatique : la chaleur apparaît plus tôt et les extrêmes sont de plus en plus marqués et perceptibles » prévient Rubén del Pozo, porte-parole de l’agence météorologique espagnole (l’Aemet)

Cette vague de chaleur précoce n’est qu’un avant-goût de ce que va vivre l’Espagne les prochaines années, c’est l’un des pays européens les plus touchés par le changement climatique à un niveau tel que 75% de son territoire est en voie de désertification selon l’Onu.

Selon l’Aemet, ces températures estivales espagnoles durent désormais cinq semaines de plus que dans les années 1980. Une étude publiée dans The Lancet démontre, elle, comment les enfants nés au cours de la dernière décennie ont connu en moyenne 4,4 jours de chaleur extrême de plus que ceux qui ont grandi au cours des deux dernières décennies du 20e siècle.

Le phénomène pourrait même s’aggraver plus vite que les estimations scientifiques le président dans les pays du Sud de l’Europe, puisque le changement climatique est en train de modifier les courants atmosphériques selon le dernier rapport annuel sur le climat du programme européen Copernicus.

Les pays du Sud sont eux aussi rudement frappés par le changement climatique. Les 12 pays de l’Asie du Sud ont subi depuis début avril une vague de chaleur sans précédent pour la saison avec 45 degrés en Birmanie, 44 en Inde et en Thaïlande, 43 au Laos et au Vietnam, 42 au Bangladesh.

Ces températures hors-norme ont eu des conséquences sanitaires désastreuses (déshydratations, problèmes respiratoires ou dermatologiques, hausse de la pollution) avec d’importants déplacements de populations en quête d’un lieu plus sûr.

Aujourd’hui, la température mondiale a augmenté d’environ 1,1° par rapport à l’ère préindustrielle à cause des activités humaines. En finir avec un système économique mortifère est devenu prioritaire. Les conditions de Vie sur Terre telles que nous les connaissions sont en train de changer radicalement, et chaque dixième de degré supplémentaire évité sera une victoire cruciale pour l’ensemble du Vivant.

Sources : « EXPORTACIÓN HORTOFRUTÍCOLA EN 2022 : SE CONFIRMA EL FUERTE RETROCESO DEL VOLUMEN EN UN 10% Y EL VALOR CRECE MENOS DE LO ESPERADO, UN 1,6% », Fepex / « Temperaturas excepcionalmente altas para la época del año », Información elaborada el día 25 de abril de 2023, Aemet / « European State of the Climate 2022 Summary », Copernicus

Laurie Debove

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