Vous cherchez un média alternatif ? Un média engagé sur l'écologie et l'environnement ? La Relève et la Peste est un média indépendant, sans actionnaire et sans pub.

Alcúdia interdit les corridas dans ses arènes, les plus anciennes de Majorque

Selon un sondage de 2019, près de trois français sur quatre sont favorables à la suppression des corridas, et 82% des Français souhaitent que les actes de cruauté envers un animal soit condamné sur l’ensemble du territoire français, sans dérogation pour la corrida.

Alcúdia (est-sud-est des côtes espagnoles, îles Baléares) n’organisera plus de corridas dans ses arènes. Elles accueillaient précédemment deux évènements taurins par an. Au cours de l’histoire, la corrida est interdite puis autorisée de façon fluctuante, présente majoritairement là où l’empreinte espagnole a été la plus forte, c’est-à-dire en Amérique latine, en Espagne et en France. Dans notre pays, elle est à nouveau autorisée dans certaines parties du territoire depuis 1951.

Une révolution culturelle

Construites en 1892, les arènes d’Alcúdia seront désormais reconverties pour accueillir des activités socio-culturelles. La nouvelle a été confirmée par Bàrbara Rebassa, la maire de la ville. Le dernier contrat de concession des arènes étant terminé, des appels d’offres ne seront pas relancés.

La maire a confirmé auprès du média Última Hora : « Bien que le projet final ne soit pas encore complètement défini, l’idéal pour nous serait d’en faire un centre d’activités pour les associations et les entités culturelles et, si possible, aménager des salles de répétition pour les musiciens. »

Elle précise que le lieu historique ne fera définitivement plus accueil aux évènements taurins, et ce malgré le soutien que la tauromachie peut avoir auprès de certains en tant que bien culturel ou même de son maintien au sein de la loi, étant donné qu’il n’est pas conforme  avec la règlementation en vigueur pour des arènes.

Cette décision suit l’interdiction d’octobre 2021 d’accès aux corridas au Portugal pour les personnes âgées de moins de 16 ans, auparavant fixée sur place à 12 ans. Le gouvernement a partiellement agi selon les recommandations de 2016 du Comité international du droit de l’enfant des Nations Unies, qui préconisait à chaque Etat :

« de redoubler d’efforts pour faire évoluer les traditions et les pratiques violentes qui ont un effet préjudiciable sur le bien-être des enfants, et notamment d’interdire l’accès des enfants aux spectacles de tauromachie ou à des spectacles apparentés ».

La député conservatrice Cecília Meireles estime aux côtés d’autres, pour qui la nouvelle est controversée, qu’il s’agit d’une atteinte aux traditions portugaises.

En ce qui concerne la France, à Béziers (Hérault), la mairie a promu en septembre une initiation à la tauromachie dans les centres aérés municipaux, proposant des visites du musée taurin, des arènes et de la manade Margé, qui élève les taureaux destinés à être mis à mort, à des élèves âgés de 6 à 10 ans.

Certaines familles déclarent ne pas avoir été informées de ces activités. Les manifestants de Béziers sont intervenus pendant les Journées Taurines, et certains se sont également rendus devant un centre de loisirs. Finalement, la mairie a annulé les évènements.

Le Comité de liaison biterrois pour l’abolition de la corrida (Colbac) a écrit au ministre de la jeunesse pour l’alerter sur ces pratiques. Robert Ménard, maire de Béziers, a expliqué qu’une autorisation des parents sera désormais demandée, mais justifie ces évènements qu’il dit ne pas être illégaux.

En effet, dans 12 départements du Sud de la France, et ce malgré une croissante prise en considération du bien-être animal, la tauromachie est autorisée, avec parfois la mise à mort de l’animal. Dans toutes les autres régions, elle est passible de lourdes peines.

Les arènes d’Alcudia – Crédit : vivooo

La souffrance animale dans la corrida

C’est depuis 1951 que la corrida est de nouveau autorisée dans certaines circonstances en France, quand : « une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ».

C’est donc le cas dans certaines régions de la France méridionale, sous couvert d’un rite qu’on dit parfois d’origine antique. Mais la corrida s’est en réalité grandement esthétisée au XXème siècle.

L’anthropologue Frédéric Saumade explique pour le journal Le Monde en 2016 : « Telle qu’elle était alors pratiquée, la corrida serait insoutenable aujourd’hui. Il s’agissait d’un spectacle violent qui dégoûterait les amateurs actuels. Les jeux de cape et de muleta sont aujourd’hui beaucoup plus au cœur du rituel. »

Les pratiques des aficionados d’aujourd’hui sont inspirées par la vision fantasque de la génération intellectuelle de l’entre-deux-guerres, qui a réécrit et entretenu dans l’imaginaire commun une corrida prenant source dans un culte du taureau venu d’un passé lointain. Ce mythe a donc servi les aficionados pour imposer cette tradition de la corrida et non en conserver l’existence.

Eric Baratay, historien français spécialiste des relations hommes-animaux, explique : « Il s’agit de transformer le combat en une coutume millénaire, voire en une caractéristique originelle et essentielle de l’humanité. »

Taureau mis à mort – Source

Selon la Fondation droit animal, éthique et sciences : « La tauromachie met en scène la mise à mort d’un taureau. D’abord, la pointe de lances de bois lui est enfoncée entre le cou et les omoplates, suivies de 6 banderilles portant un harpon ; enfin, le matador, après avoir épuisé l’animal pendant une quinzaine de minutes avec sa muleta (cape rouge), lui enfonce une épée dans la cage thoracique pour trancher les gros vaisseaux cardiaques. S’il rate le coup, il fait tomber l’animal en le piquant dans la nuque au moyen de son descabello. L’animal est finalement achevé d’un coup de puntilla (poignard) derrière le crâne, ce qui le paralyse – en tranchant la moelle épinière – sans forcément le tuer. Parfois, le matador lui coupe la queue et les oreilles comme trophées avant même la mort du taureau. »

La souffrance de l’animal est donc absolument indéniable. Il s’agit d’infliger volontairement, et sans aucune nécessité, des blessures et la mort à un être vivant. La Fondation commente : « Des mœurs sanguinaires sont à l’opposé de la culture. »

Le torero Van de Sfroos – Crédit : Paolo Dallorso

Bien que la corrida soit retirée du patrimoine immatériel de la France depuis 2010, les défenseurs de la tauromachie sont tenaces, évoquant toujours la corrida comme une part essentielle de la culture française.

Pourtant, selon un sondage de 2019, près de trois français sur quatre sont favorables à la suppression des corridas, et 82% des Français souhaitent que les actes de cruauté envers un animal soit condamné sur l’ensemble du territoire français, sans dérogation pour la corrida.

Reha Hutin, Présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis affirme : « les mesures annoncées, pour certaines en passe d’être concrétisées à travers la proposition de loi n°3661 visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale, restent largement insuffisantes par rapport aux exigences exprimées par nos concitoyens en la matière : le temps des vœux pieux et des discours est révolu ; il est temps que ceux qui nous gouvernent prennent enfin des mesures concrètes. »

En attendant, la pétition de la fondation en faveur de l’abolition de la corrida se rapproche des 500 000 signatures visées.

Crédit photo couv : Murailles d’Alcudia, Espagne – Steve Wilson

Maïté Debove

Faire un don
"Le plus souvent, les gens renoncent à leur pouvoir car ils pensent qu'il n'en ont pas"

Votre soutien compte plus que tout

Découvrez Océans, un livre puissant qui va vous émerveiller

Plongez en immersion avec les plus grands scientifiques pour tout comprendre sur l’état de nos océans. Des études encore jamais publiées vous feront prendre conscience de l’incroyable beauté de nos océans. Tout cela pour vous émerveiller et vous donner une dose d’inspiration positive.

Après une année de travail, nous avons réalisé l’un des plus beaux ouvrage tant sur le fond que sur la forme. 

Articles sur le même thème

Revenir au thème

Pour vous informer librement, faites partie de nos 80 000 abonnés.
Deux emails par semaine.

Conçu pour vous éveiller et vous donner les clés pour agir au quotidien.

Les informations recueillies sont confidentielles et conservées en toute sécurité. Désabonnez-vous rapidement.

^