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“Aides Covid” : les Prêts Garantis par l’État ont dramatiquement endetté des PME

“On a multiplié notre personnel, on est rentré dans un système d’insertion dans lequel on veut créer et maintenir l’emploi, on doit avoir des formateurs qui encadrent les personnes en réinsertion, on travaille 18 heures par jour, 6 jour par semaine, et pourtant l’État nous lâche”.

Restaurateur à Villeneuve-d’Ascq, Frédéric Mégnien est touché de plein fouet par la crise sanitaire depuis deux ans. En janvier, suite à l’arrêt des subventions de l’État, il a failli mettre la clef sous la porte. Pourtant, avant le début de la pandémie, il avait transformé son entreprise en structure d’insertion. Il a aujourd’hui le sentiment de s’être fait duper par le gouvernement. Dans une semaine, il pourrait s’abstenir d’aller voter. Symbole de cette France qui se bat mais se sent exclue des décisions politiques. Par Florian Grenon.

Les PGE, un facteur d’endettement

“On nous a demandé de fermer nos établissements avec des contreparties qui étaient ubuesques”. Pour sauver les entreprises pendant les confinements successifs le gouvernement d’Emmanuel Macron a accordé des PGE, Prêt Garanti par l’État.

Pour Frédéric, patron du restaurant Les jardins de l’Hamadryade, cette aide n’était “pas un soutien de l’État mais un crédit supplémentaire sur des entreprises” dans un secteur, celui de la restauration, qui est “compliqué” en terme de viabilité économique. 

Non, “l’État ne nous a pas aidés, il a aidé le système bancaire en faisant en sorte que des prêts soient pris de manière personnelle”. En d’autres termes, l’État a préféré inciter les entreprises à s’endetter plutôt que de leur accorder des subventions. 

Même si le prêt était garanti par l’État, une multitude de structures qui étaient dans l’incapacité de rembourser les banques ont dû hypothéquer leur bien, leur matériel, leur patrimoine, avant que les institutions ne viennent les aider. 

“Si on y réfléchit bien, la banque est ou gagnante ou gagnante ” explique Frédéric.

Les PGE accordés par l’État ont reporté les dégâts de la crise sanitaire de deux ans. Ils ont permis à des structures de survivre dans un premier temps mais aujourd’hui celles-ci doivent rembourser les prêts contractés. Le piège s’est refermé. 

“Aujourd’hui l’État ne joue plus le jeu, il y a deux ans c’était le quoi qu’il en coûte, on aide nos entreprises, maintenant on est laissés à l’abandon.” 

Frédéric Mégnien a acheté son fonds de commerce il y a 14 ans en empruntant 170 000 euros à la banque. Il lui a fallu sept ans pour rembourser ce prêt. Sept ans de travail acharné pour enfin voir le bout du tunnel, avant de contracter un nouveau prêt d’un montant approximativement similaire, le fameux PGE. 

“A 55 ans, quand tu es soulagé d’avoir remboursé ton fond de commerce et que du jour au lendemain tu te dis que tu dois bosser comme un acharné à nouveau pour rembourser le PGE, ce qui prendra environ sept ans, c’est très difficile moralement”

Le restaurateur a bien essayé de se tourner vers l’État, mais deux ans après la contraction du prêt, le gouvernement réduit les possibilités d’accès aux aides pour les entreprises. 

“Mais alors à qui a servi le prêt bancaire ? pas à nous puisque nous nous sommes endettés, pas à l’État parce qu’il n’a plus les moyens de nous aider, à qui est-ce que cela a donc servi ? Au système bancaire”. 

En France, en 2018, les trois millions et demi de PME représentaient 99,8 % des entreprises, 45,7 % de l’emploi salarié en équivalent temps plein, et 40,3% de la valeur ajoutée. Beaucoup plus nombreuses que les grandes entreprises, elles sont donc indispensables à la vitalité du tissu économique et à l’emploi.

Frédéric Mégnien, restaurateur des Jardins de l’Hamadryade

L’abandon de l’État

Le télétravail de deux jours par semaine imposé en novembre a été particulièrement destructeur pour les restaurateurs. La structure de Frédéric Mégnien ouvre tous les midis du lundi au vendredi. A l’heure du déjeuner, sa clientèle est composée de salariés travaillant dans les entreprises de proximité. 

Avec deux jours de télétravail par semaine, le restaurateur perd deux cinquièmes de ses clients le midi, soit 40 % de son chiffre d’affaires sur ce créneau. 

Frédéric avait transformé sa structure en entreprise d’insertion juste avant le début de la crise sanitaire. Il a également créé l’association Graines de Bon Sens, qui propose des jardins partagés et une réinsertion via la permaculture. Il rencontre des instances qui subventionnent sa structure et le félicitent du projet. Un apprenti est engagé. 

Le Covid, le confinement, les restrictions sanitaires et les difficultés économiques arrivent : Frédéric décide de se battre pour ne pas renvoyer son apprenti. Pour sauver le poste de ce dernier ainsi que son entreprise, il lance un service traiteur à emporter, il revoit également sa carte et propose des bentos, il crée un afterwork, un salon de thé, une soirée thématique de plus le jeudi soir, il imagine des spectacles, des concerts, pour “rameuter”. Il travaille alors 18 heures par jour. 

Pour le Téléthon, Frédéric Mégnien a organisé un concert de 30h avec de nombreux artistes locaux – Crédit : les Jardins de l’Hamadryade

Les contraintes sanitaires se multiplient. Il peut ouvrir sa terrasse mais ne peut pas recevoir de clients à l’intérieur. “On reçoit à -5 degrés dehors, les gens ont froid mais cela fait quand même 5 clients”. Puis viennent les contraintes de distanciation sociale, qui l’empêchent de faire plus de 30 % de fréquentations, ensuite le masque, le pass sanitaire, bref “c’est éprouvant”. 

En travaillant de manière acharnée et avec l’aide initiale du PGE, Frédéric réussit tout de même à engager 6 personnes, soit en insertion, soit en tant que formateur pour pouvoir encadrer les personnes en insertion. 

En décembre dernier, l’État annonce des aides de paiement des cotisations sociales et patronales. Frédéric est alors en grande difficulté. Deux types d’aides sont mises en place.

D’abord, une aide au paiement des cotisations à hauteur de 20 % de la masse salariale sur les mois de décembre et janvier pour les entreprises ayant perdu plus de 30 % de leur chiffre d’affaires par rapport à 2019 ; ainsi qu’une aide au paiement des charges salariales à hauteur de 20 % pour les structures ayant perdu plus de 65 % de chiffre d’affaires, pour ces deux mêmes mois par rapport à 2019.

les Jardins de l’Hamadryade

Le restaurant de Frédéric n’est pas éligible, son chiffre d’affaires ayant baissé de « seulement » 30 %. Mais sur la période 2019 et 2021, entre les personnes en insertion et les formateurs, l’équipe est passée de 6 à 12 employés. Même en étant subventionné à hauteur de 80% pour les emplois en réinsertion au sein de son association, et à 50 % pour ceux de son entreprise, Frédéric ne s’en sort pas. 

“On a multiplié notre personnel, on est rentré dans un système d’insertion dans lequel on veut créer et maintenir l’emploi, on doit avoir des formateurs qui encadrent les personnes en réinsertion, on travaille 18 heures par jour, 6 jours par semaine, et pourtant l’État nous lâche”. 

Depuis mars 2020, 697 000 entreprises, dont 90 % de TPE et PME, ont contracté un PGE. En janvier 2022, 3 à 4 % d’entre elles, soit entre 25 000 et 30 000 entreprises, avaient du mal à rembourser le prêt.

Bercy, la Banque de France et les établissements bancaires ont donc signé un accord permettant de prolonger de 4 ans le remboursement de l’emprunt. Au total, les entreprises les plus en difficulté peuvent échelonner leurs paiements sur 10 ans. 

En 2020, l’inflation s’est élevée à 1,5% et en 2021 à 1,6%. D’après les prévisions de l’INSEE, 2022 sera encore plus terrible puisque le taux d’inflation devrait atteindre 3,6 % notamment en raison des conséquences de la guerre en Ukraine. Les prix à la consommation sont en hausse, énergies, pétrole, matières premières. Des hausses qui vont avoir des conséquences directes sur les charges des PME, leur capacité de remboursement, et sur le pouvoir d’achat des français. 

Frédéric se sent dépourvu, incompris. Son entreprise qui “a vocation à être le plus solidaire possible dans différents domaines”, s’écroule. En janvier, il passe à côté de la faillite. A une semaine de la présidentielle, l’abstention le tente. Résultat non pas de dépolitisation mais d’un sentiment d’abandon. 

Une partie de l’équipe des Jardins de l’Hamadryade

Une structure d’intérêt général 

Le restaurant des Jardins de l’Hamadryade est une entreprise conventionnée par l’État qui entend “aider les gens en galère à retrouver du boulot” à travers la formation dans la restauration, en salle ou en cuisine. 

L’association Graines de Bon Sens a été mise en place juste à côté du restaurant avec pour objectif d’aider les personnes à retrouver un emploi avec un ACI, atelier chantier d’insertion, également conventionné par l’État. Cet ACI se base principalement sur la formation en permaculture. A côté du restaurant, une zone a été transformée par l’association en jardins partagés. 

L’association mène le projet avec Olivier Gruié, parrain du mouvement, fondateur de « mon jardin en permaculture » et cofondateur d’EcoWise, bureau d’étude qui conçoit des « design » en permaculture et accompagne leur réalisation. Le but est d’avoir le “maximum d’autonomie” alimentaire possible. 

Crédit : Graines de Bon Sens

Les citoyens qui vont obtenir une parcelle de ces jardins partagés vont en contrepartie donner une partie de leur récolte à l’association.

”Ils vont également découvrir ou redécouvrir la permaculture et vont pouvoir la transmettre aux générations futures  » explique Frédéric. 

La structure veut être la plus solidaire et la plus écologique possible. Elle alimente un frigo solidaire qui nourrit chaque jour 30 étudiants gratuitement en récupérant des invendus. De cette manière le restaurant “évite le gaspillage alimentaire”. Ces invendus permettent de recréer de l’emploi car cela donne une tâche en plus aux salariés en réinsertion. 

Lire aussi : « Frigos Solidaires » : le grand élan de solidarité qui fait du bien !

Frédéric et son équipe livrent également des repas gratuits aux personnes qui participent aux campagnes de don de sang. Ils ont distribué des bocaux de Noël aux personnes en difficulté. Bref, une vraie entreprise d’intérêt général. 

Les légumes prévus pour les Bocaux de Noël – Crédit : Graines de Bon Sens

“L’objectif avec cette aventure est de monter un modèle communautaire.” explique Frédéric Magnien. 

S’inspirant du modèle territoire zéro chômeur, il entend créer un lieu de vie qui regroupe une multitude d’activités autour de son restaurant et des jardins de son association. Il compte créer “une sorte de tiers lieu” avec un atelier couture, un atelier menuiserie, pour  accompagner d’autres personnes non adaptées au milieu de la restauration ou de la permaculture vers l’emploi. 

“L’idée est que quand une personne en perdition arrive dans notre structure, elle puisse toucher à une multitude de choses pour pouvoir trouver son futur métier.”  

Aujourd’hui Frédéric se bat, il réussit à sauver sa structure, mais il est reparti pour plusieurs années de travail acharné pour rembourser le PGE. Il se sent exclu de tout processus politique, face à un État qui l’a laissé endetté.

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