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À Strasbourg, un atelier textile fait revivre la bonneterie en Alsace

Cette bonneterie s’appuie sur une technologie de tricotage circulaire, similaire à ce qui est produit lorsque l’on tricote à la main. Sauf qu’ici, grâce aux quatre mastodontes acquises, ce ne sont pas moins de 2000 aiguilles industrielles qui entrent dans la ronde. Ce qui en résulte ? De la maille : jersey, du molleton, mais aussi du piqué.

Depuis le mois de janvier, l’atelier textile « Au fil d’Altaïr » fait renaître le savoir-faire de la bonneterie à Strasbourg. À travers une production la plus locale, inclusive et éco-responsable possible, l’entreprise, née en période de Covid, s’affiche comme un acteur majeur de l’économie sociale et solidaire du territoire alsacien.

3 millions de masques produits

Dans le quartier de la Meinau à Strasbourg, les locaux du groupe Altaïr, une structure rassemblant plusieurs entreprises d’insertion à visée sociale et environnementale en Alsace, accueillent depuis peu de nouvelles locataires.

Installées au pôle textile, dans une petite pièce immaculée adjacente à l’atelier, quatre imposantes machines se présentent humblement comme la relève d’un savoir-faire français peu à peu retrouvé : le tricotage.

Le 18 janvier dernier, la seule et unique bonneterie d’Alsace a ouvert ses portes, résultat heureux d’un processus d’économie sociale et solidaire enclenché en 2020, en pleine période de crise sanitaire.

Géraldine Hubert, directrice du pôle textile de l’atelier « Au fil d’Altaïr », se souvient. « Altaïr s’est affilié au réseau Résilience (NDRL : un réseau industriel français d’ateliers inclusifs spécialisés dans la fabrication de produits et accessoires textiles made in France) et nous avons commencé à faire des masques. C’est comme ça qu’est né l’atelier couture », explique-t-elle pour La Relève et la Peste.

À l’époque, ce ne sont pas moins de 100 personnes qui y travaillent. « Il y avait deux équipes de 50, une du matin, une de l’après-midi, avec beaucoup d’étudiants. Comme nous favorisons l’inclusion, il était important de ne pas les laisser sur le carreau », ajoute Géraldine Hubert.

Résultat, 3 millions de masques sont confectionnés dans la petite structure. Mais avec le retour à la « vie normale », confinements et mesures sanitaires envolées, se pose alors la question du maintien de l’atelier.

« Finalement, la décision a été de dire, on continue. Toujours avec “Résilience”, dans un premier temps, où nous confectionnions des gigoteuses, sacs et bavoirs. Puis, nous nous sommes développés en parallèle avec des créateurs locaux, principalement, et avons créé notre propre marque et un site internet », détaille la directrice.

Crédit : Juliette Boffy / La Relève et la Peste

Un atelier bonneterie avec une technique de tricotage circulaire

Ainsi, avec des équipes réduites – un peu plus d’une vingtaine de personnes – et en grande partie issues de l’insertion professionnelle, l’atelier se perfectionne, et voit même plus grand.

« Après cette aventure, on s’est dit, pourquoi ne pas être un peu plus en amont de la filière textile, finalement, et créer un atelier tricotage », raconte Géraldine Hubert à La Relève et la Peste. Le projet de bonneterie (lieu de fabrication des articles en maille) était lancé.

Cette bonneterie s’appuie sur une technologie de tricotage circulaire, similaire à ce qui est produit lorsque l’on tricote à la main. Sauf qu’ici, grâce aux quatre mastodontes acquises, ce ne sont pas moins de 2000 aiguilles industrielles qui entrent dans la ronde. Ce qui en résulte ? De la maille : jersey, du molleton, mais aussi du piqué.

Le renouveau de la bonneterie

C’est donc une petite révolution qui se joue en ce moment, à Strasbourg, avec le retour de cette technique ancienne. En Alsace, la dernière bonneterie en prêt-à-porter grand diamètre présente sur le territoire remonte à 2017.

Car il existe bien dans le Bas-Rhin, un autre atelier de bonneterie. « Mais ils font ce qu’on appelle des métiers chaussants. La technologie est identique mais on ne réalise pas du tout le même produit final », explique Géraldine Hubert.

Plus largement, en France, c’est la ville de Troyes qui s’affiche, depuis des centaines d’années, comme capitale de la bonneterie. Durant les 19 et 20e siècles, la ville comptait près de 25 000 employés dans le secteur textile et représentait plus de la moitié de la production nationale.

À la fin du 20e, cependant, les délocalisations dues à la mondialisation ont eu raison de la plupart des usines implantées dans le Grand Est. Quelques grandes entreprises à l’image de Lacoste ou Petit Bateau ont su garder des éléments de production à Troyes et entreprennent depuis plusieurs années des démarches pour relocaliser une partie de leur processus de fabrication, qui tend tout de même à devenir de plus en plus « robotisé ou connecté ».

Crédit : Juliette Boffy / La Relève et la Peste

Produire de façon responsable

À Strasbourg, Lucie Castelle, en charge de l’atelier bonneterie, sera rejointe, à terme, par deux ou quatre personnes en insertion. Le lieu servira également de plateau technique afin d’organiser des formations opérationnelles de tricoteurs et de régleurs.

Car les machines, elles, n’attendent pas. 96 bobines, écrues, non-teintes, et une capacité de 500 mètres linéaires par jour. Soit une production possible de 500 t-shirts à la journée. Mais l’objectif n’est pas là. « Le but n’est pas de surproduire, mais de produire responsable », rappelle la directrice.

Pour y parvenir, « Au fil d’Altaïr » s’approvisionne en coton au Portugal, « dans l’idée de rester au plus proche ». L’atelier souhaite également s’entourer d’acteurs locaux de la région Grand Est pour la teinture, mais aussi pour la partie confection et adopte des processus de surcyclage.

« On fait en sorte de produire le plus local possible. Maintenant, on a des contraintes qui font que tout n’existe pas sur le territoire, sans être une question de prix », commente la directrice du pôle textile.

Le tissu se destine avant tout à des créateurs, dans le prêt-à-porter, avec, en outre, des matières plus techniques, pouvant bénéficier à l’aéronautique par exemple. Pour ce qui est de la production de vêtements à l’atelier même, l’équipe peut compter sur un panel de machines variées : surjeteuse, piqueuses ou presse, qui lui permettent d’avoir aujourd’hui une offre diversifiée.

« Actuellement, nous sommes en capacité de répondre à beaucoup de choses. Nous avons ici des personnes qui sont montées en compétence, qui au départ ne savaient faire que des masques », ajoute Géraldine Hubert.

L’idéal étant pour l’entreprise, à terme, de compter sur un atelier de 30 personnes et « prendre une vitesse de croisière en produisant raisonné », conclut Géraldine Hubert.

Sources : « Bonneterie », Musée de Troyes / « De la bonneterie aux centres de marque », Troyes La Champagne / « Petit Bateau se dote d’un nouveau centre de production entièrement robotisé et connecté », France Relance, 15/04/2021

Juliette Boffy

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