À quelques jours du prochain G7, qui se tiendra fin juin en Allemagne, deux ONG exhortent les chefs d’État à mettre fin aux « pratiques inacceptables » des « spéculateurs de la faim » qui font « grimper les prix des aliments ».
Dans un communiqué commun publié le 20 juin, Foodwatch France et le CCFD-Terre Solidaire, deux ONG luttant contre la faim dans le monde, ont appelé « les responsables des pays du G7 et de la Commission européenne » à adopter de toute urgence « une réglementation stricte » sur la spéculation alimentaire, qui menace de plonger certains pays dans une « grave crise de la faim ».
En 2021, les prix mondiaux des denrées de base avaient déjà augmenté de 28 %. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine — premier exportateur mondial d’huile de tournesol, troisième d’orge, quatrième de maïs, cinquième de blé —, le 24 février, ils ont à nouveau bondi de 20 % et s’élèvent désormais à « des niveaux historiquement jamais atteints », écrivent les ONG.
« Sur le marché mondial, le blé coûte presque 50 % de plus qu’en début d’année », précisent Foodwatch et le CCFD-Terre Solidaire, pour lesquelles le blocus des ports ukrainiens par la Russie, en mer Noire, et la crainte d’une « pénurie de blé, d’huiles végétales et d’engrais phosphatés » ne suffisent pas à expliquer l’inflation inédite des denrées alimentaires.
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La « véritable cause » de cet emballement serait plutôt à rechercher dans les « fonds de placement, banques et traders » qui « se sont rués sur les principales places boursières de matières premières agricoles » et tentent de s’enrichir « en pariant sur le maïs et le blé » dont sont dépendants de nombreux pays qui n’en produisent pas suffisamment sur leur territoire, notent les deux ONG.
Cette interprétation de la crise rejoint celle du rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté, Olivier De Schutter. Le 10 juin, celui-ci expliquait que l’opacité entretenue par « les cinq ou six compagnies » contrôlant « 80 % des transactions mondiales de céréales » et détenant « l’essentiel des stocks » provoque des « bulles spéculatives » sur les marchés mondiaux, qui anticipent une hausse continue des prix et en l’anticipant, la font advenir.
Selon Olivier De Schutter, début juin, 280 millions de personnes se trouvaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë, contre 150 millions avant le début de la guerre en Ukraine. Dans les pays déjà touchés par « des conflits, des ruptures climatiques ou une dette » tels que « l’Éthiopie, le Sud-Soudan, le Nigéria, le Yémen, l’Afghanistan, la Somalie », ajoutait le rapporteur, « le risque de famine se précise d’heure en heure ».
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« Au plus fort de la crise alimentaire mondiale de 2008, le blé avait atteint 300 euros la tonne », rappelait, en mars, Benoît Biteau, député écologiste au Parlement européen, dans les colonnes de La Tribune. Le 3 juin, la tonne de blé livrable en septembre se négociait 378 euros, après un plus haut historique, mi-mai, à 438 euros.
Le risque est donc grand que des émeutes de la faim semblables à celles qui ont touché des dizaines de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud, fin 2007-début 2008, éclatent de nouveau à travers le monde.
Les leçons de cette crise alimentaire, aggravée par la spéculation et qui ne s’est terminée que cinq ans plus tard, en 2013, ne semblent pas avoir été tirées par les États ; et « comme toujours, insiste le CCFD-Terre Solidaire, les populations les plus pauvres en paieront le plus lourd tribut. »
À l’heure où les volumes des transactions spéculatives sur les bourses de matières premières augmentent « de façon spectaculaire », « les États membres du G7 doivent prendre des mesures fortes pour empêcher ces “profiteurs de la faim” de sévir ! » abonde Jean-François Dubost, directeur du plaidoyer auprès de l’ONG catholique. « Il serait indécent qu’une poignée de spéculateurs s’enrichisse pendant que des millions de personnes tombent dans l’insécurité alimentaire. »
Afin de mobiliser les dirigeants qui se réuniront du 26 au 28 juin en Allemagne, les deux ONG ont mis en ligne une pétition demandant d’introduire, sur les marchés financiers, des « limites de position » déterminant « le nombre, le montant et le volume des contrats que les investisseurs sont autorisés à faire sur certaines matières premières ».