Afin de sauver la Mar Menor qui est gravement polluée, le Parlement a validé une initiative populaire en lui octroyant une personnalité juridique. Pour la première fois en Europe, ce statut donne à cet écosystème maritime les mêmes droits qu’un être humain, et des actions en justices pourront être faites en son nom.
Alors qu’elle était un véritable paradis qui sert encore aujourd’hui d’abri pour de nombreuses espèces volatiles et maritimes, la Mar Menor, une lagune espagnole, se meurt petit à petit. Elle est gravement empoisonnée par les rejets de l’agriculture intensive qui entraînent une eutrophisation des milieux aquatiques, mais aussi par l’urbanisation. D’une superficie de 170km2, près de Murcie, la lagune fait régulièrement les gros titres depuis 10 ans en raison des nombreuses pollutions qui l’asphyxient.
Prolifération de micro-algues, tonnes de poissons retrouvés morts sont autant de signaux d’alarme qui ont poussé Teresa Vicente Giménez, professeure de philosophie du droit et directrice de la chaire des droits humains et des droits de la nature à l’université de Murcie, à lancer en 2020 une initiative législative populaire.
Signée par plus de 640 000 personnes, sa pétition est parvenue à atteindre le seuil suffisant pour être débattue au Parlement espagnol. Le 21 septembre, cette proposition a été adoptée en grande masse par les parlementaires de tous bords (230 voix pour, 30 abstentions et 3 voix contre). Seul le parti d’extrême-droite espagnol était opposé à la démarche.
En ce jour historique, la Mar Menor est entrée dans l’histoire du système juridique espagnol et européen, devenant ainsi la première zone naturelle d’Europe dotée d’une entité juridique propre.
« Ce fut un chemin long et difficile, qui a bénéficié d’une participation citoyenne extraordinaire, née de la grave préoccupation suscitée par la détérioration de la Mar Menor en tant que conséquence de l’activité humaine, l’inefficacité des lois existantes pour leur protection et l’autonomisation de la société civile. Cette loi transcende les frontières de Murcie et place l’Espagne et la Mar Menor à l’avant-garde de la protection de la nature en Europe. Un temps d’espoir commence pour la Mar Menor », s’est réjouie dans un communiqué la plateforme Pour un pacte pour la Mar Menor.
Suite au vote, la commission des pétitions du Parlement européen a approuvé un rapport demandant à l’exécutif régional espagnol de développer, lancer et mettre en œuvre les mesures prévues dans la loi de la Mar Menor, sans toutefois l’incriminer pour sa responsabilité dans l’état dramatique de la lagune espagnole.
La Mar Menor rejoint ainsi d’autres écosystèmes emblématiques du monde entier, ayant eux aussi obtenu une personnalité juridique, comme le fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande, le fleuve Yarra en Australie, ou le Gange et son affluent, la Yamuna.
En Europe, la Mar Menor pourrait bien devenir une inspiration pour d’autres initiatives similaires comme celle de la Mer du Nord aux Pays-Bas, la Loire ou le Rhône en France, mais aussi le fleuve Tavignanu en Corse, d’ores et déjà soutenu par Bastia et la collectivité de Corse.
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