Comme un parfum d’indécence. Alors que le coût général de la vie augmente et que la France traverse une flambée « historique » des prix de l’énergie, les entreprises du CAC 40, elles, ne se sont jamais aussi bien portées. De même que la fortune des milliardaires.
Selon une estimation de l’agence Bloomberg relayée par Le Monde, les fleurons français de l’industrie et des services auraient enregistré, en 2021, des profits cumulés de 137 milliards d’euros, soit une hausse de 251 % par rapport à 2020 (année « noire ») et de 76 % par rapport à 2019.
Cela va de soi, une bonne partie de ces bénéfices ont été redistribués à ceux qui les ont produits… En ce début d’année, les actionnaires du CAC 40 ont touché la coquette somme de 70 milliards d’euros en dividendes et rachats d’actions, au titre de l’exercice 2021, de quoi récompenser petits et gros porteurs dont on a salué « l’abstinence » pendant la crise sanitaire.
Comme le rappelle l’Observatoire des multinationales, ces profits records ont été largement dopés par les mesures publiques de soutien à l’économie sous la forme d’avantages fiscaux ou de liquidités, versés sans aucune contrepartie aux grandes entreprises.
Alors que « 100 % du CAC 40 a bénéficié d’aides publiques durant la pandémie » et que « 80 % des groupes [ont eu] recours au chômage partiel », pas moins de « 60 000 suppressions d’emplois » (dont la moitié en France) ont été annoncées par le CAC 40, qui s’est par ailleurs unanimement « opposé aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat ».
+ 236 milliards d’euros en 19 mois
Les plus grands groupes français ne sont pas les seuls gagnants de la crise. Il y a aussi leurs propriétaires, les milliardaires, dont la fortune « a davantage augmenté depuis le début de la pandémie qu’en une décennie », avertit Oxfam.
Dans un nouveau rapport publié à la mi-janvier, l’organisation de lutte contre les inégalités estime en effet que de mars 2020 à octobre 2021, « les richesses des grandes fortunes françaises ont bondi de 86 %, soit un gain de 236 milliards d’euros », contre 231 milliards d’euros au cours des dix années précédentes.
Bernard Arnault, patron de LVMH, Françoise Bettencourt-Meyer, actionnaire majoritaire de L’Oréal, François Pinault, dirigeant de Kering et les frères Alain et Gérard Wertheimer, propriétaires de Chanel : à aux seuls, ces cinq Français les plus riches « ont gagné 173 milliards d’euros » pendant la pandémie et possèdent à présent « autant que les 40 % les plus pauvres en France ».
À titre de comparaison, ce montant équivaut à peu près à « ce que l’État a dépensé pour faire face au Covid-19 en un an ». Injectés dans l’économie réelle, les 236 milliards engrangés en 19 mois par les milliardaires français permettraient de « quadrupler le budget de l’hôpital public » ou de « distribuer un chèque de 3 500 euros à chaque citoyen ».
Ces grandes fortunes étant composées principalement d’actions, leur croissance inédite dépend directement de « l’année folle » qu’a connue la bourse en 2021, et donc de l’argent public.
Stagnation des salaires, flambée des prix de l’énergie
Pendant que grimpent les profits d’une minorité, pour la majorité des Français, c’est le coût de la vie qui ne cesse d’augmenter : sur la dernière année, l’inflation s’est élevée à 2,9 %, sous l’effet principal d’une hausse massive des prix de l’énergie, que l’Insee évalue à 19,7 % en un an.
L’inflation suit son cours, mais les salaires, eux, n’augmentent pas, et malgré les diverses mesures prises par le gouvernement pour compenser la flambée des prix de l’énergie, les grèves et les mouvements sociaux se multiplient.
Au mois de décembre, des salariés de très nombreuses enseignes – comme Leroy Merlin, Auchan, Decathlon, Lidl ou Carrefour – se sont mis en grève pour réclamer une augmentation de leurs salaires, seule à même de remédier au décrochage du pouvoir d’achat.
Très suivi, ce mouvement a donné lieu, le 27 janvier, à près de 170 rassemblements dans toute la France, durant lesquels environ 150 000 personnes sont venues défiler dans les rues à l’appel des syndicats CGT, FO, FSU et Solidaires. Les manifestants ont dénoncé le fait que l’inflation profite avant tout aux riches.
Pour rappel, en France, 7 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire pour vivre, soit 10% de la population et 4 millions de personnes se trouvent dans une situation de mal-logement.
Crédit photo couv : France, Paris, 2021-06-15. Manifestation des soignants le 15 juin 2021 au départ de Bercy a Paris menée par la CGT-santé pour demander une hausse des salaires et des effectifs notamment, et rappeler les sacrifices faits par le personnel soignant depuis le début du covid. Photographie par Fiora Garenzi / Hans Lucas via AFP