Comment transformer sa colère contre un projet écocidaire en lutte victorieuse pour le Vivant ? C’est le témoignage livré par François Verdet, l’auteur de notre nouveau guide, qui donne des clés pour réussir, étape par étape, à stopper un projet destructeur et fédérer toutes les énergies locales autour d’un objectif commun. Détaillé et précis, ce guide pose aussi des bases essentielles sur la façon de créer une énergie collective bienveillante afin de reconquérir son pouvoir citoyen. Au fil des pages, il le prouve : lutter en tendant la main n’est pas toujours facile, mais bien possible.
Transformer sa colère en victoire
La première fois qu’il a entendu parler du projet de surfpark à Saint-Jean-de-Luz, François Verdet n’en a pas dormi de la nuit tellement sa rage était forte.
Dans notre « Guide pour faire échouer des projets contre (la) nature », ce militant de longue date raconte en détails comment cette colère l’ont mené, lui et tous les collectifs engagés, dans une lutte victorieuse pour empêcher la création d’un parc de loisirs pour surfeurs à base de vagues artificielles situé à seulement 1,5km de l’Océan, juste à côté de chez lui.
Comme de nombreux autres projets inutiles et imposés, leurs griefs contre ce « concentré de mauvaises idées » étaient nombreux. D’abord contre l’artificialisation des sols dans un endroit où la pression spéculative est si forte que le prix du mètre carré dépasse parfois celui de la capitale (24 000€/m2 pour certaines demeures à Saint-Jean de-Luz).
De surcroît, cette artificialisation allait détruire plusieurs hectares de terres agricoles, alors même que ces dernières se font de plus en plus rares et que les jeunes peinent à trouver des terres pour s’installer, malgré une hausse de la demande pour une production locale.
Sans oublier, évidemment, la consommation d’eau pour un bassin de 37 000m3 qu’il aurait fallu changer tous les ans face à un déficit hydrique récurrent dans la Région et la consommation d’électricité du projet, indécente. Chaque surfeur aurait utilisé l’équivalent de la consommation quotidienne de 3 familles de 4 personnes pour une session d’une heure de surf… Une véritable gabegie.
François Verdet a décidé de transformer sa colère en actes forts, et a impulsé la lutte contre le projet de surfpark avec son collectif local « Rame pour ta planète » pour fédérer tous les acteurs du coin opposés à ce projet.
Ils ont organisé leur offensive en s’inspirant de combats similaires menés ailleurs en France, notamment à Sevran, Castets et Saint-Père-en-Retz, et en se basant sur l’expérience de militants locaux historiques.
Et pour ne jamais perdre la flamme, ils ont consciemment noté les changements à obtenir étape par étape, chacune d’entre elles pouvant devenir « une victoire intermédiaire à célébrer ».
Au fil des étapes, c’est un véritable pamphlet démocratique pour une reconquête du pouvoir citoyen que François Verdet propose à travers ce manuel de résistance écologique.
En effet, combattre un tel projet implique de bien connaître toutes les parties prenantes : ses alliés, ses adversaires, celles et ceux qui sont neutres ou ont peur de se positionner. Surtout, cela demande de rallier l’opinion publique à sa cause.
Reprendre le pouvoir
Dans le guide, François Verdet détaille comment établir une cartographie précise des forces en puissance, les classer en fonction de leur degré d’influence et des résultats espérés.
Connaître ses adversaires et les leviers de pression que l’on peut employer pour les faire changer d’avis ou plier face à la mobilisation populaire est une stratégie qui peut conduire à une (re)prise de pouvoir par le peuple.
« Considérez que nul n’est indéboulonnable et que tout.e puissant.e peut être mis.e à bas si l’on sait trouver son point faible. » explique François Verdet
Pour convaincre les indécis, le militant rappelle une vérité essentielle : non, les écolos ne sont pas « anti-tout ». Ils font des propositions et luttent pour construire le fameux « monde d’après », celui dont on a tant entendu parler dans le début de la crise Covid et dont on n’a pas vu le moindre bout d’arbre s’épanouir une fois les vagues de confinement passées.
Il s’agit donc à la fois de contester et protester une alternative, tel que le film Irrintzina le mettait en lumière. Face à l’impassibilité des décideurs politiques et pouvoirs publics, il s’agit « d’apprendre à marcher sur deux jambes : celle des alternatives, et celle de la résistance ».
Et pour y arriver, finie la convergence et place à la synchronisation des luttes. François Verdet, fort de son expérience, l’affirme :
On peut avoir des motivations différentes avec un objectif commun, et utiliser à bon escient cette diversité de profils plutôt que de vouloir faire marcher tout le monde au même pas.
« Il faut impérativement éviter un écueil trop souvent observé, qui est d’imaginer que tout le monde va se ranger derrière un seul et même drapeau. C’est le fameux fantasme de la convergence des luttes. Plutôt que de converger, l’idée est de synchroniser les luttes, de donner sa place à chacun en temps voulu, d’attaquer chacun de son côté un adversaire commun. C’est une tactique en forme d’étoile. » explique-t-il
Pour y parvenir, humilité, remise en question, bienveillance, écoute et bonnes pratiques d’organisation sont indispensables pour maintenir une communication fluide entre les différents intervenants lors des luttes de longue haleine, et tout cela dans le respect des moyens de chacun.
« C’est cet idéal : freiner le changement climatique et la perte de la biodiversité, qui nous pousse à agir. » déclare François Verdet
Pour autant, l’auteur du guide nous met en garde : « sauver le monde » est une intention louable, mais pas un objectif réaliste ; d’où l’importance de concentrer son énergie sur un but atteignable et bien défini avec tous les alliés.
Face à de nombreux dénis de démocratie perpétrés par l’État, s’engager dans une lutte locale est peut-être le dernier recours actuel des citoyens pour faire entendre leurs voix et décider de l’avenir de leurs territoires.
A l’instar de la lutte victorieuse du collectif Rame pour ta Planète et ses alliés, La Relève et La Peste écrit régulièrement sur les nombreuses luttes locales qui émaillent le territoire, et dont certaines se concluent par des succès comme l’abandon récent d’un entrepôt Amazon géant en Loire-Atlantique ou celui du projet de Decathlon qui allait détruire 17ha de terres agricoles près de Montpellier.
C’est la victoire du « pot de terre contre le pot de fer », ou de David contre Goliath, quand des citoyens parviennent à inverser le cours des choses pour préserver les communs : l’eau, les terres, l’air, la forêt.
Sans moyens démesurés à leur disposition, ils et elles ont su inverser le rapport de force grâce au troc et aux services rendus. Dans le guide, François montre ainsi comment accomplir des exploits avec des bouts de ficelle.
Pour mettre toutes les chances de leurs côtés, les citoyens engagés contre le surfpark ont choisi de frapper avant l’adversaire et ne pas attendre les premiers coups de pioche du chantier pour réagir. C’est sans doute leur première reprise de pouvoir : ne plus se laisser dicter une conduite en fonction de l’agenda politique de nos dirigeants. Et François de conclure :
« Allez-y ! Faites le premier pas. Engagez-vous, organisez-vous ! Cela risque d’occuper pas mal de votre temps, mais ce sera aussi l’occasion de faire vivre vos convictions. Ce sera aussi, soyez en sûr.e, une formidable occasion de rencontrer des individus qui deviendront pour certains vos compagnons de vie pour longtemps. »
Crédit photo couv : Harrison Moore
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