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Un apiculteur a trouvé une méthode pour sauver les abeilles des redoux et du parasite varroa

Les chiffres parlent d’eux-mêmes, de 100% de perte, il est passé à 100% de survie. Pour cette raison, il a décidé de lancer un appel aux apiculteurs afin de renouveler à grande échelle cette expérience cet hiver.

Face à l’hécatombe de ses colonies d’abeille au sortir de l’hiver, Xavier Dumont s’est souvenu des climats plus rigoureux d’il y a 40 ans. C’est ce qui lui a donné l’idée d’une méthode originale pour sauver ses abeilles : les faire hiverner dans sa cave pour reproduire les températures de l’époque. Et l’expérience a été un véritable succès ! En plus d’assurer la survie de toutes ses colonies, la méthode a permis de lutter contre le parasite varroa. L’apiculteur a lancé un grand appel à participer à tous les apiculteurs de France afin d’éprouver la méthode de façon scientifique et d’en valider les différents protocoles.

Les conséquences du réchauffement

Du fait de nos activités, nous n’avons de cesse de réchauffer notre planète. Et par répercussion, c’est toute la biodiversité qui en paye les frais. Notamment, la survie des pollinisateurs comme les abeilles dont la réputation « d’essentielle à notre survie » n’est plus à faire.

Les hivers deviennent trop doux et nos amies sortent de leurs ruches pour aller chercher une miellée. Elles finissent par s’épuiser en vol et meurent sans jamais retourner chez elles. Leur nombre réduit et ne sont ainsi plus assez nombreuse pour se réchauffer lors des dernières gelures. Parfois, elles finissent par mourir au sein-même de la ruche. Décimant ainsi des essaims entiers.

Certains chiffres viennent étayer ce terrible constat : de moins de 10 % de perte des colonies il y a quarante ans, on atteint aujourd’hui les 30, 50 voir 100 %.

Dans ce fonctionnement à contre-courant, il existe des initiatives, portées à bout de bras par des personnes en quête de rétablir un équilibre avec le vivant en cohabitant avec lui et encore plus fort, en désirant à nouveau co-créer via une gestion holistique. C’est le cas de Xavier Dumont.

Xavier Dumont est un apiculteur amateur au Rucher de Cantegril à Toulouse. Il a été confronté à une perte conséquente de ses colonies à la suite des redoux. En Février 2019, trois de ses colonies ont perdu la vie car les abeilles n’étaient plus assez nombreuses pour se réchauffer.

En sus des sorties mortelles évoquées précédemment, un climat trop clément durant ces périodes est responsable de la prolifération du varroa dans les ruches. Ce dernier est un parasite qui se propage grâce au couvain (désigne l’ensemble des nymphes, des larves et des œufs protégés par les ouvrières d’abeilles).

Normalement, il n’est pas censé y avoir de ponte durant la période hivernale mais à cause du réchauffement climatique, la tendance s’est inversée et les ruches se retrouvent infestées par ces nuisibles, décimant les essaims et obligeant les apiculteurs à utiliser toujours plus d’intrants (utilisation de produits chimiques). Le cercle vicieux est enclenché.

Faire hiberner les abeilles

Face à ce double constat, Xavier Dumont a tout de suite pensé le varroa non pas comme une cause mais comme une conséquence du réchauffement climatique.

« J’ai été apiculteur de mes 20 à 30 ans. Une fois à la retraite, j’ai repris des ruches. Cela fait maintenant 9 ans. J’ai connu les hivers il y a 40 ans, ce qui m’a donné l’idée de faire ce que je fais aujourd’hui. Je suis scientifique dans l’âme et curieux. J’ai toujours un journal de bord où je note tout sur mes colonies. Tous les ans, je répertoriais les récoltes de miel, les maladies etc. Et j’ai constaté qu’il y a des colonies qui mouraient et qui ne seraient jamais mortes il y quarante ans. Je me suis posé la question de ce qui avait changé, et j’ai vite compris que c’était les hivers plus doux. » explique-t-il pour La Relève et La Peste

Dans un contexte écologique sain, les abeilles entrent en léthargie durant l’hiver. Quasi immobiles et serrées les unes contre les autres, elles dégagent des calories qui les maintiennent à une température de 32 à 36°. C’est ainsi qu’elles survivent.

« Les abeilles sont, individuellement, des insectes poïkilothermes, (qui ne régule pas leur température). Mais, l’hiver, se regroupant en formant la grappe, elles deviennent comme un seul organisme homéotherme, conservant une température moyenne de 32 à 36° quand il y a du couvain, et 25° en théorie quand il n’y en a plus, au plus froid de l’hiver. Elles transforment le glucose ; provenant, l’hiver de leur réserve de miel, ou par lipolyse, de leurs réserves de graisse ; en calories donc en chaleur. »

En sortant davantage à cette période malgré tout plus froide, elles brûlent leurs graisses à l’extérieur…Il y a un déséquilibre et les abeilles succombent avant d’avoir le temps d’être remplacées. C’est pourquoi Xavier Dumont a décidé de se livrer à une expérience.

« J’ai repensé à mon expérience d’il y a quarante ans, où j’avais un rucher. J’allais les observer tous les jours et parfois elles ne sortaient pas pendant 3 semaines voire 1 mois. Alors je me suis dit que j’allais reproduire artificiellement un environnement climatique similaire. Je les ai mises dans ma cave, en fait mon garage, dans l’obscurité pour qu’elles ne soient pas incitées à sortir et qu’elles rentrent en léthargie. Le résultat a dépassé mes espérances. » sourit-il pour La Relève et La Peste

Pendant 70 jours, il a placé quatre ruches avec un nombre différent d’abeilles et des reines d’âges variés dans un garage. Ce dernier se trouvait dans l’obscurité. Tous les douze jours, il les laissait sortir une journée entière afin qu’elles puissent déféquer et éviter les risques de dysenterie. Les températures variaient de 0° à 12°. L’idée était de reproduire un environnement climatique similaire à celui d’il y a quarante ans.

Le cycle se remettant en place, les abeilles ont été dissuadées de sortir à cause des températures trop froides et se sont donc mises en état de léthargie pour survivre à cette saison. Résultat : il a constaté 100 % de survie de ses colonies.

Ses conclusions sont les suivantes :

  • Les reines n’ont pas pondu d’oeufs pendant 60 jours.
  • Chute radicale du varroa.
  • Perte de poids des abeilles entre 2,1 kg et 6,1kg sur 70 jours.  Ce qui leur a permis de résister tout l’hiver en étant vigoureuses.
  • Taux de mortalité des abeilles entre 105 et 350 par ruche en 70 jourscontre la totalité de son rucher en 2019
  • 60kg de miel récolté fin aout en moyenne par ruche.
Xavier Dumont

Un appel à tous les apiculteurs

Au début, ses voisins apiculteurs n’étaient pas convaincus par l’expérience. Mais face à ce succès flagrant, ils ont vite changé d’avis.

« La première année on m’a traité de fou. Certains professionnels m’ont dit que le problème des abeilles était le varroa qui est un parasite du couvain. La majorité des morts provient des pesticides et du varroa. Du coup, j’ai fait mon expérience et à chaque fois que j’avais des résultats, je leur envoyais le compte rendu. Quand ils ont vu les résultats finaux au printemps, ils ont totalement changé d’avis. D’autres m’ont directement suivi dans mon idée mais comme ils n’avaient pas de cave, je leur ai proposé d’autres types de protocole qui sont expliqués en détail sur mon site. Ceux qui l’ont tenté m’ont dit que leurs abeilles allaient du feu de dieu alors que c’était plus qu’inespéré. » s’enthousiasme Xavier Dumont auprès de La Relève et La Peste

Les chiffres parlent en effet d’eux-mêmes, de 100% de perte, il est passé à 100% de survie. Pour cette raison, il a décidé de lancer un appel aux apiculteurs afin de renouveler à grande échelle cette expérience l’hiver prochain.

Il aimerait que les participants soient assez nombreux pour que l’étude puisse être prise au sérieux et être considérée comme concluante. Ainsi, ceux qui le souhaitent peuvent se rendre directement sur son site : https://lerucherdecantegril.wordpress.com/ où toutes les démarches et protocoles sont expliqués en détail. Si les apiculteurs n’ont pas de cave, il propose deux alternatives pour que l’expérience soit tout de même faisable.

Dans le monde sauvage, les abeilles s’en sortent mieux que leurs consœurs domestiques. Certains essaims sauvages vivent dans des murs ou encore dans des troncs d’arbres et qui ne meurent jamais. A la différence des ruches qui laissent passer le soleil plus facilement et réchauffent ainsi plus vite le bois, ce qui a pour conséquence de faire sortir les abeilles pendant les redoux ; les essaims sauvages sont protégés de ce phénomène. Les environnements que les abeilles choisissent restent dans l’obscurité et prennent plus de temps pour se réchauffer.

« Il faudrait au moins 3 ou 4 jours de grand soleil pour que ça atteigne la colonie. Elles sont ainsi beaucoup moins incitées à sortir. On dit souvent : les abeilles se sont « la chaleur, le soleil », alors ce que je dis peut paraître contre-intuitif, mais ce mantra n’est pas valable l’hiver. Elles fonctionnent par cycles. Au printemps, elles doivent avoir des conditions clémentes pour les miellées mais en hiver, elles doivent être confrontées au froid afin de rester en léthargie pour se préserver. Les abeilles sauvages s’en sortent mieux car elles ne sont pas en ruche et qu’elles essaiment souvent tout simplement. » explique Xavier Dumont à La Relève et La Peste

La mobilisation des apiculteurs est donc vitale pour la survie des abeilles en ruche.

Même les apiculteurs débutants sont invités à participer à l’expérience. Près de 300 ruches vont déjà être soumises à l’expérience. Dans l’idéal, Xavier Dumont aimerait pouvoir tester l’expérimentation avec 4000 à 5000 colonies, afin de pouvoir comparer les bénéfices en fonction de l’âge de la reine, mais aussi les ruches non traitées à celles qui le sont avec l’amitraze par exemple. Ce pesticide utilisé pour lutter contre le varroa est aussi néfaste pour les abeilles.

Une fois que le confinement des apis à grande échelle nous aura prouvé que les hivers rigoureux sont nécessaires à leur survie, il sera temps de reproduire cette expérimentation non pas dans les garages mais à l’extérieur en luttant contre le réchauffement climatique pour conserver le vivant intact et ainsi repenser notre rapport à lui dans une vision holistique et bienveillante. Car il ne faut pas oublier que nous sommes une partie intégrante du vivant et que donc sans lui, nous ne sommes rien.

Liza Tourman

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