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Permis rejeté pour le projet géant de forage pétrolier en Alaska

Revers inattendu pour ConocoPhillips. Mercredi 18 août, une juge fédérale a retiré à la firme pétrolière américaine plusieurs autorisations de forer dans le nord de l’Alaska, estimant que les impacts environnementaux du projet ont été sous-évalués.  Il s’appelait « Willow », le nom anglais du saule. Approuvé en octobre 2020 par Donald Trump et confirmé en mai dernier […]

Revers inattendu pour ConocoPhillips. Mercredi 18 août, une juge fédérale a retiré à la firme pétrolière américaine plusieurs autorisations de forer dans le nord de l’Alaska, estimant que les impacts environnementaux du projet ont été sous-évalués. 

Il s’appelait « Willow », le nom anglais du saule. Approuvé en octobre 2020 par Donald Trump et confirmé en mai dernier par son successeur, Joe Biden, ce méga-projet de forage devait s’installer à l’ouest de Prudhoe Bay, en Alaska, sur les immenses steppes qui bordent l’océan Arctique. 

Situé au cœur d’une réserve nationale pétrolière fondée en 1923, à proximité de Nuiqsut, une communauté autochtone où l’on chasse encore le caribou migrateur, le site convoité est équivalent à la superficie de la Belgique et des Pays-Bas réunis. 

Jusqu’à la semaine dernière, ConocoPhillips comptait y répartir cinq zones de forage, d’où seraient sortis, dès 2024, quelque 160 000 barils de pétrole par jour pendant une trentaine d’années. 

De plusieurs milliards de dollars, le chantier exigeait de construire, autour des puits, une usine de traitement, une mine de graviers, une piste d’atterrissage, mais aussi des centaines de kilomètres d’oléoducs et de routes, sous lesquelles auraient été enterrés autant de kilomètres de tubes réfrigérants censés garder la toundra, de plus en plus chaude, assez gelée pour être praticable.    

Lire aussi : « L’État français s’apprête à subventionner une gigantesque usine à gaz dans l’Arctique russe »

Peu après son approbation par l’administration de Donald Trump, des autochtones de l’Alaska et des associations environnementales avaient poursuivi en justice le projet. Ce recours avait conduit, en février 2021, la Cour d’appel des États-Unis pour le neuvième circuit à suspendre toute construction, le temps, pour les juges, d’examiner le dossier. 

Dans une décision de 110 pages très attendue, la juge fédérale Sharon L. Gleason, nommée par Barack Obama à la cour de district d’Anchorage, en Alaska, a finalement annulé les autorisations délivrées par le président républicain, donnant de facto raison aux organisations écologiques. 

Forage pétrolier sur la pente nord – David Gaylor

Selon Sharon Gleason, explique le Washington Post, les déclarations d’impact environnemental des agences fédérales, notamment le Bureau of Land Management (BLM) qui gère les terrains publics, n’étaient pas conformes à « deux lois historiques », le National Environmental Policy Act et l’Environmental Protection Act, qui encadrent toute la politique écologique des États-Unis.   

Dans le viseur de la cour : le Fish and Wildlife Service, l’organisme en charge de la protection de la faune, qui avait considéré, l’année dernière, que le méga-projet de forage ne nuirait pas aux très fragiles ours polaires et à leur habitat essentiel, localisé près des côtes alaskaines. Sharon Gleason a constaté, dans sa décision, que l’agence fédérale n’avait pas correctement évalué l’impact réel que le projet pourrait avoir sur cette espèce aussi menacée que protégée, ni détaillé les mesures d’atténuation qui seraient mises en œuvre pour la protéger.  

Pour mesurer la pollution globale des forages de ConocoPhillips, le BLM se serait quant à lui servi d’un modèle d’estimation des émissions de gaz à effet de serre (GES) « arbitraire », « capricieux », mais surtout obsolète, car rejeté par la même cour de justice dans une affaire semblable. 

Il s’agit du projet « Liberty » : fin 2020, les promoteurs de cette opération pétrolière en mer de Beaufort avaient été accusés d’avoir exclu de leur évaluation environnementale l’impact que la consommation de leur pétrole dans les pays étrangers aurait eu sur les émissions globales de GES.        

En ce sens, le gouvernement fédéral aurait « indûment approuvé le projet » Willow et échoué à « analyser de façon adéquate toutes ses alternatives », une exigence pourtant « au cœur de l’étude d’impact environnemental ».  

De par son ampleur excessive et ses dommages potentiels, l’opération Willow est devenue, selon les termes imagés du New York Times, « un paratonnerre politique et environnemental » pour l’administration de Joe Biden, à laquelle de nombreux observateurs reprochent de prendre des décisions contraires à ses promesses de campagne. 

« C’est une victoire retentissante pour nos clients et le climat », a écrit Jeremy Lieb, avocat d’Earthjustice, qui représentait différents plaignants au procès. « Nous espérons que l’administration Biden saisira cette occasion pour reconsidérer le projet à la lumière de son engagement à faire face à l’urgence climatique. »

Bridget Psarianos, avocate de six autres plaignants dont le Mouvement Iñupiat souverains pour un Arctique vivant, espère elle aussi que le président américain, à l’avenir, « honore[ra] ses promesses électorales », en prenant « des décisions fondées sur la science » et en répondant aux « préoccupations des populations autochtones ». La multinationale ConocoPhillips n’a pas encore annoncé comment elle réagirait à cette décision de justice.

Augustin Langlade

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