A eux, les silencieux, les oubliés, les malmenés, les victimes de notre industrialisation capitaliste effrénée, qui morcelle jusqu’à la plus petite mare, qui crée d’illusoires corridors écologiques que n’emprunteront jamais les crapauds. Eux, ce sont les animaux, ces autres dont nous faisons partie et desquels nous ne cessons de prétendre être supérieurs, pour mieux justifier les violences que nous leur faisons subir. Et pourtant, ils s’accrochent, ils continuent d’enchanter le monde, et nous livrent parfois, à notre plus grand émerveillement, la richesse et la complexité de leurs univers. Alors que nous n’en sommes qu’aux prémisses des découvertes pour mieux les comprendre, notre dernier-livre journal leur est consacré afin, nous l’espérons, de vous donner l’envie de tout faire pour les sauver.
Notre livre-journal commence par un constat implacable posé par la plume de Guillaume Corpard : alors que les animaux sauvages ne représentent plus que 3% de la masse des vertébrés terrestres, 65% de cette « masse » est constitué du bétail de l’espèce humaine, « des milliards et des milliards d’êtres angoissés, terrorisés, malades, découpés vivants, gazés ou broyés… »
« Notre planète est actuellement utilisée pour produire du lait et des steaks. » déplore l’écrivain activiste
Les chiffres évoqués nous prouvent avec éclat que même si nous assumions cette vision utilitariste du monde et des autres espèces, telle qu’elle a été pensée par le capitalisme, nos choix sont complètement incohérents et nous mènent à notre perte.
Nous épuisons les sols, rasons les forêts tropicales d’un côté de l’océan pour nourrir l’élevage industriel de l’autre, faisons voyager des denrées alimentaires à prix cassés, mettant en péril la souveraineté alimentaire des peuples en polluant et envahissant les mers et les airs.
Et tous ces choix entraînent la mort et la souffrance de milliards d’animaux, sans parler de l’état déplorable des océans qui seront, au train où va la surpêche, vides en 2050.
Si nous sommes ce que nous mangeons : en tant qu’omnivores, nous sommes donc la maladie, la souffrance, la peur et la tristesse.
Thomas Lepeltier, essayiste spécialisé en philosophie des sciences et en éthique animale, explique comment nous nous perdons dans des querelles de chapelle sur une vision déontologique ou utilitariste, sans jamais réussir à nous mettre d’accord pour mieux co-exister avec eux, et leur laisser l’espace dont ils ont besoin.
Pourtant, ainsi que l’avocate Hélène Thouy le précise : si la liberté des uns commence là où s’arrête celle des autres, ce précepte devrait aussi s’appliquer aux autres animaux, non-humains, et leur octroyer des droits.
« Se préoccuper des animaux et les protéger par un système juridique efficace, c’est d’abord répondre à un impératif de justice, mais c’est aussi amorcer une pacification de la société dans son ensemble. » explique la cofondatrice de l’association Animal et Droit dans notre tout dernier livre-journal
Malheureusement, avec le système actuel, faute de punitions exemplaires dissuasives, cela rapporte bien plus d’argent de maltraiter les animaux que de respecter la loi et leur bien-être. Cette avidité financière nous a conduit à les enfermer pour mieux les contrôler et en jouir.
En effet, comme le rappelle Alexandra Morette, la Présidente de Code Animal, dans nos foyers, dans les élevages ou les zoos, nous exploitons et enfermons les animaux dès qu’une nouvelle espèce est découverte, au point où les scientifiques de terrain qui les trouvent ne partagent plus leur localisation pour donner une chance aux animaux d’échapper à notre prédation systématique !
Il nous faut à présent regarder les choses en face. « Notre société n’est pas moderne, elle est violente. » ainsi que l’explique Karine Lou Matignon, spécialiste de la relation entre l’humain et l’animal, dans notre livre-journal à travers un entretien passionnant où elle raconte le peuple animal : une histoire d’émotion, d’intelligence et de culture
La Relève et La Peste est intimement persuadée que notre société pourra enclencher une désescalade de la violence quand nous arrêterons de profiter de notre puissance destructrice pour asservir les animaux les plus fragiles, ainsi que l’analyse notre fondateur et directeur de la publication Jérémie Carroy dans un chapitre au titre éloquent : « Le capitalisme de l’extinction. »
L’homme se gargarise tellement de son statut de super-prédateur, qu’il en vient à tuer les animaux qui auraient l’audace de s’attaquer à « ses proies », décrypte notre journaliste Augustin Langlade. Les renards font ainsi les frais directs d’une traque cruelle par les chasseurs, fondée sur des arguments sanitaires caducs ou erronés.
« ANIMAL » nous révèle un univers complexe, où nous apprenons qu’un petit cerveau ne veut pas dire d’une espèce qu’elle est moins intelligente, que les poules comprennent les calculs arithmétiques et que les abeilles peuvent reconnaître les visages humains !
A travers ce livre-journal, c’est toute notre relation aux autres animaux, les non-humains, que nous vous proposons d’interroger. Il ne s’agit pas d’un simple constat anxiogène sur la sixième extinction de masse et le décryptage des activités humaines qui la causent, mais bien de comprendre ce que le monde animal peut nous apprendre pour développer une nouvelle manière d’être au monde qui leur permette d’exister en paix.
Une manière d’être au monde racontée avec passion en mots et en images par Françoise Gervais, chef d’expédition dans les zones polaires, pour qui les immenses steppes glacées du Grand Nord lui ont permis de mieux se rapprocher de son humanité :
« Cette nature m’a tellement apportée que je dois continuer à me battre pour qu’elle soit respectée. »
Nous sommes très nombreux à le savoir plus ou moins consciemment : les animaux nous donnent tellement plus que ce nous leur laissons comme miettes d’habitats. Même le plus petit des insectes joue un rôle de clé de voûte dans les écosystèmes, et leur disparition entière provoquerait un véritable Armageddon écologique.
Cette manière d’être au monde peut être difficile à assumer tant notre société valorise encore et toujours la force et la conquête, pour mieux justifier les pires cruautés, au détriment de l’empathie et de la compassion dont nous avons pourtant bien besoin en cette période qui isole les personnes de leurs proches.
Malgré l’immensité des enjeux, les auteurs des lignes de notre livre-journal ANIMAL ne sont pas désespérés. Au contraire, ils sont lucides, déterminés et curieux, tant l’étude des animaux leur révèle de mystères et de beauté, de moments de grâce d’autant plus précieux que la machine capitaliste réduit comme peau de chagrin les derniers interstices préservés de l’homme, si tant est qu’on puisse un jour retrouver un mètre carré dépourvu de pollution plastique.
Cette histoire de respect et d’apprentissage, c’est celle que finit par nous conter Sabrina Krief, la « Jane Goodall française », qui nous plonge au cœur de la forêt ougandaise pour suivre l’évolution d’une communauté de chimpanzés qui ont une connaissance extraordinaire des plantes sauvages.
« Nous sommes au début d’une transition et l’évolution viendra du socle de la société, de chacun d’entre nous, pas de ceux qui pensent nous gouverner. » conclut Karine Lou Matignon