Dans une web-série de 8 courts épisodes, la Fédération nationale des chasseurs a tenté de casser les stéréotypes pour créer des vocations. Ce faisant, les messages délivrés par les vidéos confirment que la chasse est avant tout une activité plaisir qui « révèle la vraie nature » des chasseurs, loin des arguments écologistes habituellement avancés. Cette web-série s’inscrit dans une « guerre de l’image » entre écologistes et chasseurs qui continuent d’obtenir les faveurs des décisions gouvernementales alors même qu’ils souffrent du rejet d’une plus en plus grande partie de la population.
Casser les stéréotypes avec des stéréotypes
Un retraité avec l’accent chantant, deux trentenaires urbaines autour d’un verre, deux ados fans de série, un jeune couple roucoulant, deux jeunes femmes habitant en banlieue : voilà les stéréotypes sur lesquels joue la Fédération nationale des chasseurs dans des mises en scène où l’un des personnages confie à l’autre être chasseur ou chasseuse.
Presque parodiques, la Fédération nationale des chasseurs affirme pourtant dans son communiqué que ces personnages représentent de « vrais gens » dont « la chasse révèle leur vraie nature » : celle de chasseur/chasseuse.
Si la campagne a déjà fait réagir de nombreux internautes sur les réseaux sociaux, souvent perplexes face à ce choix de communication, une chose est certaine : l’objectif de faire parler de cette campagne de publicité est réussie.
« Faire réagir pour dépoussiérer l’image des chasseurs, tel est l’enjeu de cette première campagne digitale pour la FNC. Il s’agit aussi de provoquer de nouvelles vocations en donnant envie de franchir le pas. » explique ainsi la Fédération nationale des chasseurs
Car derrière cette campagne vidéo se tient un réel enjeu pour cet organisme de la chasse : redorer le blason des chasseurs dont certaines pratiques abusives créent un rejet franc et massif d’une plus en plus grande partie de la population, comme les près de 600 000 participants au référendum pour les animaux, mais aussi les foudres de la Commission Européenne.
La guerre de l’image
Au total, il y aurait aujourd’hui 1 million de chasseurs en France mais leur nombre décroît régulièrement depuis le maximum de 2 219 051 recensements en 1976. Avec les nombreuses polémiques dont le monde de la chasse est régulièrement l’objet, cette propagande vidéo s’inscrit dans un contexte de plus en plus tendu entre chasseurs et écologistes.
Ainsi, l’Association pour la protection des Animaux Sauvages (ASPAS) a eu le malheur de voir une manifestation anti-écologistes autorisée jusque devant leurs locaux ce vendredi 21 août, où près de 700 manifestants regroupant des chasseurs et des agriculteurs ont accusé l’ASPAS de s’accaparer les terres suite à la création de réserves de vie sauvage de 700 hectares dans la Drôme.
«Ces 700 ha de terrains dans la Drôme représentent seulement 0,1% de la surface du département ! Ce ne sont que des zones naturelles, elles n’englobent aucun terrain cultivé. Dans le même temps, 2 000 ha de terres agricoles disparaissent chaque année dans notre département au profit de constructions et de zones commerciales sans susciter le même émoi chez ces acteurs ruraux. Ces personnes se trompent de cible ! » s’indigne Madline Rubin, directrice de l’ASPAS, auprès de La Relève et La Peste
Face aux intimidations de certains manifestants, trois fourgonnettes de gendarmes ont été déployées devant la porte de l’association pour éviter les débordements et les attaques matérielles ou physiques. De leur côté, les organisateurs ont donné des consignes strictes aux participants pour que la tonalité du rassemblement ait l’air d’un « pique-nique convivial » afin de remporter la « guerre de l’image ».
« Heureusement qu’il n’y a pas eu de dégâts, ça aurait été le comble ! On a ici une minorité qui veut imposer sa loi et sa dictature aux autres. Ce qui nous touche beaucoup, c’est que les raisons pour lesquelles la manif a été organisée, ce ne sont que des arguments faux qu’on a démonté un par un, mais les organisateurs ont refusé de transmettre nos réponses aux participants. Moi aussi je suis une rurale, mais il faut accepter de parler sincère au lieu de colporter des mensonges. » déplore Madline Rubin directrice de l’ASPAS, auprès de La Relève et La Peste
Un dialogue de plus en plus difficile entre écologistes et chasseurs
En effet, l’objectif premier de l’ASPAS est de créer un maillage d’espaces protégés, « alliés à des formes d’exploitations forestières non violentes, des agricultures paysannes hospitalières pour la vie sauvage, au sein d’un projet de société sobre et solidaire. »
Si l’association naturaliste arrive à maintenir le dialogue avec une paysannerie agroécologique et vertueuse, des groupuscules plus extrémistes peuvent manifester une agressivité certaine comme lorsque des éleveurs et des chasseurs avaient envahi la salle où était projeté le film « Marche avec les loups » de Jean-Michel Bertrand, à l’initiative du parc du Mercantour, pour faire annuler la séance, avec l’accord du maire de la commune présent sur place.
Et ces démonstrations de force semblent faire effet, comme la décision de justice rendue le 20 août autorisant l’élimination de 1 430 renards, au maximum, d’ici au 31 décembre, malgré les 2468 avis négatifs, contre seulement 832 avis positifs lors de la consultation publique. Si le référé de One Voice a été rejeté, une seconde audience aura lieu le mercredi 2 septembre 2020 pour juger un recours déposé par 4 associations (AVES France, l’ASPAS, la LPO Normandie et le Groupe Mammalogique Normand).
Loin de faire rire, la propagande vidéo de la Fédération nationale des chasseurs ne doit donc pas occulter le climat menaçant dans lequel évolue de plus en plus de protecteurs de la nature. De son côté, « L’ASPAS tient à souligner qu’elle reste sur le terrain du dialogue et de l’action constructive, au service de l’intérêt général. L’association, qui en a vu d’autres, fête dans la bonne humeur ses 40 ans d’existence, mais reste très préoccupée par cet écolobashing grandissant, et pour l’avenir de la vie sauvage. »