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Une coopérative fait revivre la cabine téléphonique à Strasbourg

En deux mois, la cabine a enregistré 200 utilisations, sans aucun abus, provenant en majorité d’enfants de 11 à 14 ans, mais aussi de personnes en grande précarité. 

En 2024, la coopérative Telecoop a relevé le défi d’installer une cabine téléphonique à Strasbourg au Shadok, un tiers-lieu des cultures numériques. L’objectif, permettre de repenser l’accès au numérique de façon commune et utile. Résultat, en deux mois, de nombreux enfants, mais aussi des personnes en situation de précarité en ont fait un usage notable, démontrant des besoins manifestes de ce type de projet.

Cabine téléphonique à Strasbourg, des besoins bien réels

Depuis quelques années, les cabines téléphoniques, que l’on trouvait auparavant à tous les coins de rue, ont entièrement disparu du paysage français. Une seule subsiste encore à Murbach, en Alsace, en faisant, de ce fait, une attraction touristique à part entière. Une autre avait été installée par un collectif à Grenoble.

L’avènement des smartphones et leur usage individuel a complètement refaçonné notre rapport au téléphone, à la communication, mais a aussi créé des besoins secondaires perçus comme primaires.

« Ce dont nous avons besoin, c ’est de téléphoner, avant tout. Éventuellement envoyer des textos. Aller sur internet, oui, pour prendre des informations, se géolocaliser. Avec Telecoop, nous sommes repartis des besoins de base que permet d’assouvir le numérique, pour créer ce projet de cabine téléphonique », détaille Marion Graeffly, cofondatrice de Telecoop, pour La Relève et La Peste.

La première expérimentation a donc pris forme en 2024 à Strasbourg, au Shadok, un tiers-lieu des cultures numériques, accueillant notamment des personnes en situation de précarité. À l’intérieur de la cabine, un téléphone, bien sûr, mais aussi une tablette permettant la navigation sur internet, avec Wikipédia ou encore OpenStreetMap.

Un accès simplifié, disponible pour tous les citoyens. Résultat, en deux mois, la cabine a enregistré 200 utilisations, sans aucun abus, provenant en majorité d’enfants de 11 à 14 ans, mais aussi de personnes en grande précarité.

« Nous avons constaté qu’il s’agissait d’appels de dépannage mais aussi de nécessité absolue. Les enfants prévenaient par exemple leurs parents à la fin d’une activité. Les personnes précaires passaient des appels, afin de contacter notamment le 115. Ce premier test a permis de démontrer un réel besoin sur ce secteur », explique Marion Graeffly pour La Relève et La Peste.

Deux membres de TeleCoop devant la cabine installée à Strasbourg – Crédit : TeleCoop

« Reprendre la main sur sa vie numérique »

La cofondatrice de Telecoop déplore en effet que cette mise en commun du numérique ne fasse plus partie d’une politique publique et délaisse des personnes pourtant dans le besoin. Seuls quelques rares cybercafés et centres France Service permettent encore de faire le lien, d’atténuer la fracture numérique.

« Nous avons fait le constat que, certes, il n’existait plus de modèle économique à la forme ancienne des cabines téléphoniques, mais il y a des gens qui, aujourd’hui, souffrent de ne plus avoir des accès numériques communs et donc moins chers », ajoute Marion Graeffly pour La Relève et la Peste.

De façon plus générale, la façon de concevoir et développer l’utilisation des smartphones est, selon cette dernière, à revoir. C’est pourquoi Telecoop, un opérateur télécom coopératif appartenant à ses sociétaires, a été co-créé par Marion Graeffly en 2020. La coopérative rassemble aujourd’hui 10 000 abonnés, des citoyens, pouvant acheter une part sociale et voter au sujet des grandes décisions, à l’image des forfaits proposer ou encore de l’utilisation de l’argent généré.

« Nous proposons des forfaits mobiles qui permettent à chacun de reprendre la main sur sa vie numérique. Nous sommes partis du constat que le temps d’écran augmentait de manière quasi exponentielle, avec des néfastes, et qu’il s’agissait de la responsabilité des opérateurs Télécom, proposant des forfaits toujours plus illimités », explique Marion Graeffly à La Relève et La Peste.

Cette dernière met notamment en avant la dimension ultra-capitaliste des opérateurs télécom actuels, s’enrichissant au détriment d’une vision à long terme utile pour la société.

« Ce secteur fait croire que le numérique est compliqué, que les citoyens ne peuvent pas s’en sortir seuls. Alors qu’avec de l’éducation, du partage de connaissances, c’est tout à fait accessible, et à tout le monde. La preuve en est que chacun des fondateurs de Telecoop ne vient absolument pas du numérique ».

Un téléphone à l’ancienne et une tablette ont été installés à l’intérieur de la cabine – Crédit : TéléCoop

La raréfaction des ressources

Autre problème soulevé par la cofondatrice de Telecoop, l’inévitable raréfaction des ressources nécessaires au développement toujours plus frénétique du numérique. La course folle à la performance de l’intelligence artificielle ne vient d’ailleurs que renforcer ce constat qui semble pourtant occulté lors de sommets, ou conférences sur le sujet.

« Les matières dont on a besoin pour toutes ces choses sont déjà sous tension. La réflexion à long terme est donc complètement déconnectée de la réalité. Pour ma part, je pense que les pénuries peuvent arriver bien plus vite qu’on ne le croit », précise Marion Graeffly pour La Relève et la Peste.

Suite à cette première expérience, Telecoop a reçu beaucoup de sollicitations. La cabine téléphonique auto-financée, va désormais poursuivre son voyage à Lyon, afin de comprendre quels lieux sont les plus judicieux pour les y installer mais aussi prendre en compte les besoins des différents publics.

« Nous aimerions également travailler avec des collèges, notamment parce qu’il y a de vrais besoins et que l’intérêt réside aussi dans le fait de repousser l’âge auquel les enfants ont un smartphone tout en rassurant les parents », ajoute Marion Graeffly.

À l’avenir, pour imaginer un déploiement à plus grande échelle de ces cabines, il sera  nécessaire de trouver des modèles de financement, notamment avec les collectivités territoriales considérant que le projet répond à un enjeu sur leur territoire, en visant, toujours, l’impact environnemental et sociétal positif.

Juliette Boffy

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