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Marie Gazeau, arboricultrice, cultive un verger diversifié de 2,5 hectares 100% bio

L'arboricultrice travaille à recréer des écosystèmes résilients, en misant notamment sur les prédateurs naturels des ravageurs, à l'image des poules et chauves-souris utilisés pour éradiquer les vers.

Installée au Pin, dans les Deux-Sèvres, Marie Gazeau a créé son verger bio en 2018. Un verger dont elle vend les récoltes en circuit-court au fil des saisons, mue par son amour pour la terre malgré les difficultés nombreuses auxquelles elle doit faire face.

L’arboricultrice Marie Gazeau

A l’origine, rien ne prédestinait particulièrement Marie Gazeau à devenir arboricultrice. Au contraire, « quand j’étais enfant, je ne me sentais pas du tout concernée par les métiers de l’agriculture, se souvient-elle, la voix rieuse, pour La Relève et La Peste. Ça me semblait difficile et presque un peu un truc de plouc ».

De fil en aiguille, pourtant, celle qui a grandi en région nantaise se découvre une curiosité grandissante pour les métiers de la terre, pour les arbres et leur entretien surtout. Un intérêt sans cesse renouvelé qui la pousse à créer en 2018 son verger bio sous la marque « Goût d’Fruits », dans le nord des Deux-Sèvres.

On rembobine. 2006. A la suite d’études à l’École supérieure des agricultures (ESA) d’Angers, où elle peine à se reconnaître dans les enseignements proposés – « je faisais un peu partie des déserteurs avant l’heure », rit-elle. Marie Gazeau rejoint le Centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Civam) du Haut Bocage, dans les Deux-Sèvres. Là, c’est la claque : la vingtenaire d’alors, qui vient de finir ses études avec une spécialisation en journalisme agricole, découvre le militantisme, les luttes environnementales, « la vie en somme ».

Réussir à accéder à des terres

Au sein du Civam, Marie accompagne des agriculteurs qui s’engagent entre pairs dans la transition agroécologique. Un accompagnement quotidien qui, au fil des années, l’amène à se questionner sur son envie plus personnelle de fonder sa propre installation agricole.

« Au contact des agriculteurs, je me suis vraiment rendue compte de la richesse de leur métier », dit-elle, avant de poursuivre : « Quand j’ai pris la décision de me lancer, je savais dès le départ que je ne voulais pas faire d’agriculture conventionnelle, mais par contre, j’ai beaucoup hésité sur la production. »

Autour d’elle, la Deux-Sévrienne d’adoption est entourée d’éleveurs, mais plutôt que de se tourner vers les animaux, elle fait le choix des arbres fruitiers.

« Je me suis toujours sentie plus connectée aux arbres qu’aux animaux, sourit-elle. Et puis dans l’arboriculture, il n’y a pas de routine. Notre travail est intimement lié aux saisons, c’est ce qui m’a tout de suite plu. »

Son choix fait, le plus dur reste pourtant à venir. D’abord, trouver un terrain pour installer son verger dans ce territoire du bocage bressuirais.

« On ne le sait pas toujours, mais c’est extrêmement difficile d’accéder à des terres pour quelqu’un qui n’est pas du métier et dont la famille ne l’est pas non plus, déroule Marie Gazeau pour La Relève et La Peste. L’impossibilité d’accéder au foncier dans le milieu agricole est un vrai fléau », poursuit-elle.

Alors que pour accéder à des terres, certains paysans font notamment appel à la foncière Terre de liens, Marie Gazeau a, elle, eu « la chance » que son compagnon de l’époque puisse lui louer des terres.

« Dans sa famille, ils sont agriculteurs depuis trois générations. C’est comme ça que j’ai pu accéder à des terres, mais sans ça, je ne sais pas si j’aurais réussi », développe celle qui est devenue au fil des années une fervente militante pour la mise en commun du foncier.

Un verger bio, sans cuivre ni souffre

Depuis, cette dernière s’occupe sans relâche d’un terrain de 2,5 hectares dans la commune du Pin, dans le nord des Deux-Sèvres, où elle a commencé à planter ses premiers arbres en 2013. Dans son verger bio, les cerisiers, pommiers, poiriers et pêchers côtoient les cognassiers, pruniers et petits fruits rouges (fraises, framboises, cassis, groseilles), dont elle vend les récoltes depuis 2018.

« Entre les premières plantations et les premiers fruits, cela a pris beaucoup de temps », souligne-t-elle.

Désireuse d’être en adéquation avec l’adage du Civam, qui prône une agriculture autonome et économe, Marie Gazeau s’est attelée dès ses débuts à choisir des « arbres vigoureux », dont les systèmes racinaires sont suffisamment puissants pour « supporter le poids de leurs fruits et être autonomes en eau ».

L’arboricultrice bio, qui travaille sans produits phytosanitaires, va également plus loin : « je n’utilise pas de cuivre ni de souffre, explique-t-elle, pour avoir un sol riche ». Et de renchérir : « Si on a un sol vivant, en pleine santé, alors on aura des arbres qui le seront également, mais la vie du sol est une dimension qui a été complètement occultée par l’agriculture intensive. »

Faire face aux conséquences du dérèglement climatique

Ses choix d’agricultrice bio, elle les raconte dans son ouvrage Une vie près de la terre, paru en 2022 aux éditions First. Un livre dans lequel l’arboricultrice n’hésite pas à revenir sur les difficultés qu’elle rencontre dans l’exercice de son métier, à commencer par les conséquences du dérèglement climatique.

« Sur les arbres, les impacts sont catastrophiques, développe-t-elle pour La Relève et La Peste. Par exemple, pour faire de bonnes pousses au printemps, ils ont besoin qu’il fasse froid l’hiver, mais c’est de moins en moins le cas… Sans parler des gelées printanières. »

Autre sujet d’inquiétude pour l’arboricultrice, les insectes ravageurs qui pullulent, à l’image du carpocapse qui s’attaque aux pommiers de son verger.

« Avant, on avait deux cycles de ponte par an, mais maintenant qu’il fait beaucoup plus chaud en été, on en a trois », déplore-t-elle.

Parmi les ravageurs qui s’attaquent à son verger, l’arboricultrice s’inquiète également de la mouche drosophila suzukii, un ravageur venu du Japon qui s’attaque aux fruits à chair tendre comme les cerises.

« C’est une horreur, souligne-t-elle. Ces ravageurs s’adaptent au dérèglement climatique et ne trouvent pas de prédateur pour les faire fuir. Même les arboriculteurs qui travaillent en conventionnel n’arrivent pas à trouver de solution. » 

Recréer du lien entre agriculteurs et citoyens

Loin de baisser les bras pour autant, Marie Gazeau développe sans cesse de nouvelles stratégies pour s’adapter au dérèglement climatique et tenter de vivre de son métier, qu’elle exerce aujourd’hui à mi-temps. L’arboricultrice travaille par exemple à recréer des écosystèmes résilients, en misant notamment sur les prédateurs naturels des ravageurs, à l’image des poules et chauves-souris utilisés pour éradiquer les vers.

« Quand on prend le temps de se poser, on finit par trouver des solutions naturelles », assure celle qui a également choisi de diversifier ses productions afin de minimiser les pertes.

Traitement à la cendre et poules au pied des arbres

En parallèle de la vente de fruits frais en circuit-court, qu’elle vend en libre-service dans sa ferme, ainsi que dans trois Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) du territoire, elle livre ainsi également de la compote en vrac à plusieurs cantines scolaires et Ehpad.

« L’année dernière, il a beaucoup plu par exemple, souligne-t-elle. J’ai pu transformer les mirabelles en compote. Si cela n’avait pas été le cas, elles auraient été perdues, jetées aux cochons. »

Inventive, l’arboricultrice de 41 ans peut aussi compter sur l’entraide et la sororité, qui lui permettent de garder le cap.

« Sans le réseau, je ne pourrais rien faire », dit-elle simplement. Un réseau qui lui permet de trouver des bénévoles au moment de la récolte, d’être mise en relation avec des Amap pour la vente directe. D’être épaulée par d’autres femmes paysannes, aussi, notamment dans le cadre des groupes de femmes du Civam, où ces dernières partagent leurs expériences et savoirs.

« C’est un soutien immense », assure celle qui milite également au sein de la Confédération paysanne. Des solidarités indispensables pour l’arboricultrice, qui souhaiterait en parallèle organiser des temps de rencontre et de partage sur son verger.

Une façon de recréer du lien entre les agriculteurs et la population, elle qui, ne venant pas du milieu agricole, ne connaît que trop bien le gouffre qui peut exister « entre ceux qui produisent ce qu’on met dans nos assiettes, et ceux qui le consomment ».

Cecile Massin

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