Jeudi 13 février, Xavier a été condamné à détruire sa cabane dans les arbres dans laquelle il vivait depuis 8 ans. Son long combat personnel est maintenant devenu collectif avec la création d’une coalition qui défend une liberté : celle de vivre dans un habitat léger.
Une cabane condamnée à être détruite
Elle est belle comme son rêve, la cabane en l’air de Xavier Marmier. Cet élagueur de formation, devenu monteur de chapiteaux pour le cirque Plume, avait toujours voulu vivre dans une cabane perchée dans les arbres.
« L’envie d’une cabane est née pour plusieurs raisons. Déjà, un rêve d’enfant et d’utopiste qui veut ne pas impacter son milieu en ayant un mode de vie qui respecte ses idéaux : c’est l’image de la jolie petite maison accrochée à son arbre qui essuie toutes les tempêtes. Puis, l’idée technique : voir comment évoluait un arbre avec un poids sur lui, une masse qui bouge. Quand j’ai construit la cabane, j’ai modelé toutes les contraintes techniques en m’adaptant à l’arbre pour qu’il puisse continuer de grandir à son rythme. Et enfin, une raison économique : je n’ai jamais eu de gros besoins matériels, j’avais envie d’une vie simple. » confie Xavier Marmier à La Relève et La Peste
Avec l’aide d’un ami ingénieur et le soutien de la Maire de l’époque, Chantal Guet-Guillaume, Xavier avait donc construit sa cabane de rêve sur une parcelle forestière de 1ha qu’il avait achetée dans la commune de Cléron (Doubs). En symbiose totale avec l’hêtre d’environ 70 ans qui la porte, la cabane a permis le développement d’une vie foisonnante (loirs, martres, renards, mulots) et a rendu son hôte plus résistant aux sécheresses grâce à l’évacuation des eaux de Xavier et sa compagne.
Mais en 2016, une nouvelle équipe municipale, menée par Jean-Marie Doney, décide de porter l’affaire devant les tribunaux en arguant que la cabane se situe en zone Natura 2000 (ce qui n’est pourtant pas un problème pour des projets industriels ou touristiques) et qu’il n’y a pas eu de permis de construire réglementaire. D’abord rejeté par le tribunal de grande instance, la Cour de cassation a fini par donner raison à la commune ce jeudi 13 février en ordonnant la destruction de la cabane. Malgré cette nouvelle, Xavier reste calme.
« Je ne peux pas leur en vouloir car c’est l’ignorance qui les a poussés à agir comme ça. C’est un manque d’ouverture et de vision globale sur le monde. Pour eux, je suis un doux-dingue. Au-delà des 8 ans de rêve où j’ai vécu dans cette cabane, j’espère surtout que mon histoire peut apporter un changement dans la loi. C’est primordial de faire l’habitat léger car c’est une démarche intelligente dans une période empreinte de crises écologiques et sociales. » explique Xavier pour La Relève et La Peste
L’habitat léger, une réponse aux enjeux écologiques et sociaux de notre époque
Xavier n’est plus seul dans son combat. En plus d’une pétition atteignant presque 150 000 signatures, il est désormais soutenu par un collectif de juristes, d’associations et de personnes qui militent pour mieux faire connaître le droit autour de ce mode de vie : la coalition pour l’habitat léger.
« Avoir un habitat léger, ce n’est pas s’installer n’importe où. On a beaucoup échangé avec de nombreux élus, et on comprend bien le besoin d’encadrer l’habitat léger. Ce mode de vie est une réponse complète aux enjeux écologiques et sociaux du XXIème siècle. Ce qui se joue vraiment, c’est de lutter contre la spéculation immobilière et permettre l’accès à la propriété pour peu cher sans que cela coûte beaucoup d’argent à la collectivité, à l’inverse des logements sociaux. » explique Xavier Gisserot, du collectif Les Hameaux Légers, à la Relève et La Peste
Niveau national, les habitats légers semblent dans le viseur du gouvernement qui a passé, en décembre 2019, une nouvelle loi permettant notamment aux maires d’infliger une amende de 500 euros par jour aux contrevenants aux règles de l’urbanisme, sans passer par le juge. Tous ceux vivant dans des habitats alternatifs (yourte, caravane, camion, cabane, kerterre), souvent des populations pauvres, environ 250 000 personnes en France, se retrouvent alors dans une situation encore plus précaire.
« Malgré cette nouvelle législation, une majorité d’élus soutiennent ce mode de vie ou sont ouverts à l’accueil. Alain Gibert, le maire de Rocles en Ardèche, en a même été l’un des plus grands défenseurs. Il a été l’un des premiers à mettre à disposition un terrain communal pour accueillir un collectif en hameaux légers, en se servant du dispositif de la Loi ALUR : les parcelles STECAL. Il a tout de suite compris que cela permettrait aux jeunes et aux familles à faibles revenus d’accéder au foncier, et de lutter contre une spéculation immobilière forte créée par le tourisme. » développe Xavier Gisserot, du collectif Les Hameaux Légers, à la Relève et La Peste
En plus de promulguer et d’expérimenter un mode de vie plus sobre, autonome et résilient, l’habitat léger permet donc d’atténuer les inégalités économiques, et de faire vivre des communes tout au long de l’année, en permettant l’émergence de nouvelles activités économiques qui ne dépendent plus du seul tourisme.
Encore sous le choc, Xavier ne se résout pas tout de suite à détruire sa cabane, en profitant de la trêve hivernale, et espère un miracle. Il envisage de saisir la cour européenne des droits de l’homme pour y invoquer l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme qui proclame le droit de toute personne au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».