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Victoire : l’environnement sera mieux pris en compte dans les projets d’aménagement et de construction

Passée relativement inaperçue auprès du grand public, la décision du Conseil d’État risque d’avoir des répercussions considérables dans le petit monde du droit de l’environnement et les milieux des grands opérateurs économiques. Car en plus de bouleverser la donne à l’avenir, cette victoire environnementale est rétroactive.

Nouvelle victoire pour le réseau France Nature Environnement : dans une décision rendue le 15 avril dernier, le Conseil d’État ordonne au gouvernement de mettre les textes réglementant les évaluations environnementales en conformité avec le droit européen. À l’avenir, un plus grand nombre de projets devront se soumettre à ces procédures cruciales pour la préservation de l’environnement et la santé humaine.

Des aménagements sans étude environnementale

Voilà dix ans que France Nature Environnement (FNE), la fédération française des associations de protection de la nature, se battait pour que la directive européenne 2011/92/UE soit appliquée par la France.

Cet acte législatif, au sommet de la hiérarchie des normes, exigeait que tous les projets publics et privés « susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine » soient soumis à une évaluation environnementale, en fonction des critères définis dans son annexe III.

Maillons essentiels d’un aménagement vertueux des territoires, les évaluations environnementales servent à éclairer « le porteur de projet et l’administration » sur les « effets potentiels ou avérés » d’une construction, afin que les « principes de prévention, d’intégration, de précaution » soient mis en œuvre « le plus en amont possible », tout en offrant la possibilité au public d’être consulté, selon le ministère de la Transition écologique.

Problème : le Code de l’environnement et les décrets venant l’appliquer, notamment celui du 4 juin 2018, considéraient que tous les projets, plans et programmes n’avaient pas une « incidence notable sur l’environnement » et permettaient à plusieurs catégories d’aménagements, définies par une liste aussi précise qu’arbitraire, de se soustraire aux procédures d’évaluation environnementale.

C’était le cas, par exemple, des équipements sportifs ou de loisirs pouvant accueillir au maximum 1 000 personnes, de certains élevages, des petits aérodromes ou des barrages au volume inférieur à un million de m3, quant à eux soumis à un examen au cas par cas par le préfet.

Le seul critère pris en compte dans ces normes était les dimensions du projet : petit, exempté d’évaluation ; moyen, dépendant du cas par cas ; grand, soumis à évaluation. Pour Emmanuel Wormser, avocat bénévole à FNE, ce classement était cependant absurde :

« Prenez les immeubles d’habitation, nous explique le juriste. Auparavant, pour une construction supérieure à 40 000 m2 de plancher, une évaluation était obligatoire. Entre 10 000 et 40 000 m2, c’était l’examen au cas par cas et en dessous de 10 000 m2, il n’y avait aucune évaluation. Mais dans la vraie vie, un bâtiment de 10 000 m2 construit à la place d’un autre en milieu urbain aura moins de conséquences écologiques que 100 m2 de logements implantés sur une tourbière, où circuleront des machines. »

Après avoir participé à son élaboration, souligné ses insuffisances et demandé au gouvernement de le corriger, le réseau FNE a fini par attaquer le décret du 4 juin 2018 devant le Conseil d’État. Le contentieux a duré environ trois ans, « ce qui est exceptionnellement long, remarque Emmanuel Wormser, puisque ce genre de recours prennent plutôt entre 18 et 24 mois. »

L’idée était d’annuler le décret et de faire en sorte que l’exigence d’une évaluation environnementale repose sur des critères plus conformes à la directive européenne (annexe III) : le cumul avec d’autres projets, l’utilisation des ressources naturelles, le risque d’accidents, la production de déchets, la localisation…

Crédit : Gerold Hinzen

Une victoire environnementale rétroactive

Le 15 avril dernier, après deux mises en demeure adressées par la Commission européenne à la France, le Conseil d’État a donné raison à la fédération associative. Dans leur décision, les juges donnent « un délai de 9 mois » au gouvernement pour réécrire un décret où les évaluations environnementales seront rendues systématiques.

Selon Emmanuel Wormser, qui a porté, avec d’autres, le dossier de contentieux, ce préavis est court, très court.

« Au-delà de la modification réglementaire, qui est déjà un problème, ce sont toutes les pratiques des services déconcentrés de l’État qui vont devoir changer. Le frein le plus fort, aujourd’hui, se trouve dans l’administration, dans la préséance que celle-ci donne à l’économie. La logique intellectuelle sera difficile à faire évoluer. »     

Passée relativement inaperçue auprès du grand public, la décision du Conseil d’État risque d’avoir des répercussions considérables dans le petit monde du droit de l’environnement et les milieux des grands opérateurs économiques.

Car en plus de bouleverser la donne à l’avenir, cette victoire environnementale est rétroactive :

« Nous allons pouvoir démontrer aux préfets que certains projets ont été exonérés à tort d’évaluation environnementale,affirme Emmanuel Wormser, et il sera alors possible d’imposer des mesures d’évitement, de réduction et de compensation qui n’étaient pas à priori requises. C’est là que c’est douloureux ! »

Du jour au lendemain, des projets ne sont plus couverts et des promoteurs devront peut-être mettre la main au portefeuille.  Malgré tout, le réseau FNE souhaite rappeler que les évaluations environnementales ne représentent pas une véritable contrainte, mais une manière d’améliorer les aménagements.

« Pour les maîtres d’ouvrage, souligne notre interlocuteur, c’est quelque chose de positif. On prend en compte l’incidence d’un projet sur l’environnement pour la compenser. On augmente son acceptabilité en faisant participer le public. On gère plus vertueusement le territoire. »

Le tout dans un temps très bref, car la plupart des évaluations requièrent environ une année de procédure, là où les grands travaux en demandent souvent une dizaine.

Augustin Langlade

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