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Victoire : la justice ordonne à Amazon France de ne plus livrer de produits non essentiels

Cette restriction force l’entreprise à ne traiter que 10 % de ses marchandises pendant un mois.

C’est une première victoire pour les syndicats et les associations, un grand soufflet pour le colosse du commerce en ligne : mardi 14 avril, le tribunal judiciaire de Nanterre a contraint Amazon France à restreindre son activité aux seuls produits essentiels, tout le temps nécessaire à une évaluation des risques épidémiques de ses entrepôts et à leur mise aux normes nationales de protection.

En cette période d’épidémie et de confinement, les inégalités sociales n’ont jamais été aussi évidentes. Les entrepôts d’Amazon France en sont la preuve : tandis que la majeure partie des cadres de l’entreprise ont pu rapidement passer au télétravail et restent cloîtrés à leur domicile, les salariés, les manutentionnaires des centres logistiques, les intérimaires, bref les gens d’en bas, sont forcés de se rendre sur leur lieu de travail et d’entrer en contact rapproché les uns avec les autres, les règles de sécurité et d’hygiène ne pouvant clairement pas être assurées.

En France, le géant américain compte vingt-trois sites, dont six centres de distribution, et emploie quelque 13 000 salariés. Pour ces travailleuses et ces travailleurs oubliés, la vie quotidienne est devenue un enfer, l’épidémie et la peur d’être contaminés s’ajoutant à leurs conditions de travail souvent draconiennes. Et dans quel but ? Pour livrer 90 % de produits non essentiels à la vie du pays et enrichir le patron le plus riche du monde.

Depuis un mois, Amazon France ne cesse d’être épinglé par les syndicats, la presse, les associations, et même le gouvernement. L’entreprise est mise en cause dans sa gestion de la crise et son application des mesures de protection, qui conditionnent pourtant l’ouverture de ses sites de distribution et d’acheminement.

Jeudi 19 mars, le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, avait estimé que les « pressions » d’Amazon sur ses salariés voulant exercer leur droit de retrait étaient « inacceptables » en ces temps de crise. Fin mars et début avril, c’était au tour de la ministre du Travail de monter au créneau. À plusieurs reprises, Muriel Pénicaud avait sommé l’entreprise de se mettre aux normes et de protéger ses salariés.

De la même manière, le 3 avril, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dirrecte) avait constaté une « situation dangereuse » sur le site de Lauwin-Planque dans le Nord et mis en demeure Amazon de prendre des mesures « appropriées » pour « préserver la santé de ses salariés ». Conformément à ce que préconise la loi, soulignons-le.

L’incurie de l’entreprise s’appelle de la mise en danger de la vie d’autrui.

Impossible distanciation sociale durant les heures de travail, promiscuité dans de nombreux endroits clos comme les casiers, manque de masques comme partout en France, absence de gel hydroalcoolique et de points d’eau pour se laver régulièrement les mains, les infractions aux règles strictes de protection sont légion dans les centres d’Amazon, inégalement mises en place, inégalement appliquées.

Les lieux de travail, de restauration et les locaux sanitaires sont peu ou mal nettoyés. Outre les entrepôts, les colis sont touchés par au moins huit personnes avant de parvenir chez les clients. Le manque de protection des salariés constitue donc une bombe sanitaire potentielle.

Après presque un mois de vaine lutte pour les employés en danger et de demandes de mise à l’arrêt des entrepôts, l’union syndicale Solidaires (Sud) a saisi mercredi 8 avril le tribunal de Nanterre en référé. À titre principal, elle réclamait la fermeture des six entrepôts français d’Amazon ; à titre subsidiaire, que le géant soit contraint de réduire ses activités aux 10 % de marchandises et de salariés essentiels.

Les syndicats dénoncent en particulier les mensonges des dirigeants d’Amazon, qui ont entrepris une campagne de communication et claironnent dans tous les médias que les mesures d’hygiène les plus strictes sont appliquées, malgré la démission sur fond de conflit interne de plusieurs cadres haut placés.

Hier, mardi 14 avril, la sentence est tombée. Le tribunal ordonne à Amazon France de se limiter sous 24 heures (à présent écoulées) « aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, d’hygiène et médicaux, sous astreinte d’un million d’euros par jour de retard et par infraction constatée ».

Cette restriction force l’entreprise à ne traiter que 10 % de ses marchandises (comme le demandait à titre secondaire les syndicats) pendant un mois, le temps de réaliser une évaluation sérieuse des risques épidémiques pour les salariés. Cette étude devra nécessairement inclure les représentants du personnel ; si elle n’est pas correctement effectuée, le tribunal se réserve le droit de prolonger les restrictions.

« Cela fait trois semaines qu’on lutte tous les jours face au géant, a déclaré au Parisien Tatiana Campagne, représentante Sud-Solidaires du site de Lauwin-Planque. Pour nous, c’est une grande victoire. L’entreprise doit mettre des choses en place en négociant avec nous et non plus en se prenant pour des rois comme depuis le début de la crise. »

La justice vient ainsi de mettre un grand coup de frein aux activités d’Amazon, privilégiant la santé et la sécurité des travailleurs aux intérêts économiques. C’est une grande victoire pour les syndicats. Espérons qu’elle soit durablement suivie.

 

Augustin Langlade

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