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Après 15 ans de procès, Bayer-Monsanto condamnée à verser 11 135 euros à l’agriculteur Paul François

La raison supposée de son empoisonnement : le monochlorobenzène, un solvant toxique, qui représente « 50 % de la composition » du Lasso alors qu’il était cité sans autre avertissement sur l’étiquette du produit.

Revirement de situation amère pour l’agriculteur Paul François. Intoxiqué à cause d’un herbicide de Monsanto, il avait remporté gain de cause après un combat judiciaire de 13 ans. Alors qu’il réclamait 1 million de dommages et intérêts au titre de ses maladies chroniques et de la perte de sa capacité à travailler, le tribunal judiciaire de Lyon a condamné l’agrochimiste Bayer (ayant racheté Monsanto depuis) à lui verser seulement 11 135 euros.

La décision espérée n’a finalement pas eu lieu. Alors que le géant de l’agrochimie a versé des montants énormes aux Etats-Unis pour éviter ou clôturer des procès à l’amiable, le tribunal judiciaire de Lyon s’est montré bien moins ferme sur le montant du dédommagement.

Lire aussi : Bayer-Monsanto achète la paix judiciaire avec un chèque de 10 milliards de dollars

Bayer a été condamné à verser seulement 11 135 euros à l’agriculteur Paul François suite à son intoxication à l’herbicide Lasso. Dépité à l’annonce de la nouvelle, Paul François a décidé de ne pas baisser les bras.

Le céréalier charentais a depuis son accident converti sa ferme à l’agriculture biologique et vient de lancer une campagne de financement pour lui permettre de « couvrir les frais engagés ainsi que les conséquences économiques subies à titre professionnel » suite à cette longue épopée judiciaire.

Surtout, il espère que la décision fera jurisprudence dans la reconnaissance de la responsabilité des entreprises agrochimiques sur les maladies qu’engendrent leurs produits chimiques. Le charentais Paul François a même créé l’association Phyto-Victim pour aider d’autres agriculteurs intoxiqués à obtenir réparations grâce au fond d’indemnisation des victimes professionnelles des pesticides lancé en 2020.

L’avocat du plaignant, Me François Lafforgue, y croit : « Il y a un avant et un après l’affaire Paul François. Le regard sur les fabricants de pesticides a changé. La plupart des victimes de pesticides que nous défendons sont très attachées à la portée symbolique des décisions de justice qui peuvent être rendues au-delà de l’aspect purement financier. Elles le font parce qu’elles ne veulent pas qu’il arrive à d’autres ce qui leur est arrivé »

L’association a reçu cette année plus de 600 dossiers de demandes d’indemnisation.

Relire notre article rédigé le 21 octobre 2020 :

C’est un soulagement pour l’agriculteur Paul François, céréalier de Charente : la Cour de cassation a clôturé ce mercredi le long feuilleton judiciaire en lui donnant raison dans le litige qui l’opposait depuis 13 ans à Monsanto. Le géant de la biochimie est donc définitivement condamné ! Dans une procédure distincte, la justice va maintenant devoir statuer sur le montant des dommages et intérêts qui seront versés à l’agriculteur.

Une intoxication aux vapeurs de l’herbicide Lasso

Pour une fois, ce n’est pas le Round-Up qui était en cause, mais le Lasso, un autre herbicide commercialisé par Monsanto. En ouvrant une cuve, l’agriculteur Paul François a subi une intoxication en avril 2004 après avoir inhalé des vapeurs du produit chimique, qui sera interdit en France trois ans plus tard. A l’étranger, l’herbicide avait été banni du Canada dès 1985, puis en Belgique et au Royaume-Uni en 1992.

En 2004, cette intoxication aiguë conduit Paul François aux urgences, crachant du sang. Après plusieurs malaises, il a été longuement hospitalisé et frôlera même la mort. Il déclare depuis souffrir de graves troubles neurologiques, conséquence des inhalations.

La raison supposée de son empoisonnement : le monochlorobenzène, un solvant toxique, qui représente « 50 % de la composition » du Lasso alors qu’il était cité sans autre avertissement sur l’étiquette du produit.

Dans son combat judiciaire débuté en 2007, le céréalier charentais accusait donc la marque américaine Monsanto, rachetée en 2018 par le géant agrochimique allemand Bayer, d’être responsable de son intoxication et réclamait plus d’un million d’euros de dommages et intérêts.

Capture d’écran d’un reportage vidéo de L’Express

Un marathon judiciaire de 13 ans

En 13 ans, Paul François avait déjà gagné trois fois devant la justice : d’abord en première instance en 2012 puis en appel en 2015, à la suite de quoi Monsanto s’était pourvu une première fois en cassation.

Puis, en avril 2019, la Cour d’appel de Lyon reconnaît Monsanto responsable du dommage causé à Paul François, sur le fondement de « la responsabilité du fait de produits défectueux ». Il s’agissait alors d’une première en France. C’est alors Bayer, maintenant propriétaire de Monsanto, qui a formé un deuxième pourvoi pour contester la décision devant la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire.

La Cour de Cassation a définitivement tranché le conflit aujourd’hui : il est bien de la responsabilité du groupe agro-chimique de signaler le danger spécifique lié à l’utilisation de ses produits. Cependant, elle ne s’est pas prononcé sur la toxicité-même de l’herbicide, au grand dam des associations.

Une prochaine audience tranchera sur le montant de l’indemnisation à verser à l’agriculteur. Voici donc un procès que le géant de l’agro-chimie n’a pas pu clôturer à grand renfort de compensations financières, à l’instar de sa stratégie développée pour les litiges juridiques liés au glyphosate.

Laurie Debove

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