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Un projet gazier offshore de TotalEnergies risque de détruire une réserve maritime exceptionnelle

Par la pollution sonore sous-marine, le passage des navires, les infrastructures, les inévitables fuites de pétrole et les risques de marée noire, en particulier dans ces zones où les courants marins sont parmi les plus forts du monde (Total lui-même parle de « défi technique »), ces projets de forage menacent une biodiversité marine exceptionnelle.

Total s’apprête-t-il à déclencher une nouvelle « bombe climatique » ? L’association Bloom pour la protection des océans et l’ONG sud-africaine The Green Connection dénoncent les ambitions gazières de la major française en Afrique du Sud, où de nombreux projets de forage offshore sont en préparation.

« Le 5 septembre 2022, écrivent les deux associations dans un communiqué, TotalÉnergies a demandé une licence de production pour exploiter deux immenses champs gaziers qui pourraient contenir un milliard de barils d’équivalent pétrole. »

Les puits convoités par le groupe se situent à 175 kilomètres des côtes sud-est de l’Afrique du Sud, dans les zones d’exploitation de Brulpadda et Luiperd, qui couvrent 19 000 km² d’océan à des profondeurs comprises entre 200 et 1 800 mètres.

Le géant français prévoit d’investir 3 milliards de dollars dans ces nouvelles opérations de forage qui, si elles étaient acceptées, donneraient le coup d’envoi à une exploitation massive des eaux sud-africaines contenant, selon des estimations, l’équivalent de neuf milliards de barils de pétrole – une véritable « bombe climatique » semblable à celles que Total développe au Qatar ou en Ouganda.

Les eaux sud-africaines vendues à l’encan

Avec l’opération « Phakisa », lancée en 2014, le gouvernement d’Afrique du Sud souhaitait « stimuler les investissements dans l’exploration pétrolière et gazière offshore, se fixant pour objectif 30 puits d’exploration d’ici 2024 », écrivent Bloom et The Green Connection.

Le prétexte des autorités était de remplacer le charbon par le gaz, jugé plus « vert » dans le cadre de la transition énergétique…

Huit ans plus tard, 300 puits d’exploration ont été forés, 10 200 km² de données sismiques 3D récoltées et les différents « blocs » des mers sud-africaines, ainsi qu’on les appelle, commencent à être distribuées à des leaders de l’industrie comme Shell, Qatar Petroleum et TotalEnergies, dont les visées se trouvent renforcées, évidemment, par la crise énergétique actuelle.

Carte des activités d’exploration et de production pétrolières en Afrique du Sud, selon la Petroleum Agency of South Africa, 1er septembre 2022.

Un « corridor bleu » en danger

Par la pollution sonore sous-marine, le passage des navires, les infrastructures, les inévitables fuites de pétrole et les risques de marée noire, en particulier dans ces zones où les courants marins sont parmi les plus forts du monde (Total lui-même parle de « défi technique »), ces projets de forage menacent une biodiversité marine exceptionnelle.

« Les eaux d’Afrique du Sud forment un “corridor bleu” sur la route de migration de milliers de baleines, et un habitat essentiel pour des myriades d’espèces dépendantes de l’océan, détaille Claire Nouvian, fondatrice de Bloom. Des baleines bleues, franches, à bosse et bien d’autres fréquentent ces eaux. Les tortues luth géantes, menacées d’extinction, pondent leurs œufs sur les plages d’Afrique du Sud. Les otaries, les manchots, albatros, pétrels et fous de Bassan peuplent la côte sud-africaine. »

Alors que le secrétaire général des Nations unies, António Guterres qualifiait de « folie » toute nouvelle infrastructure fossile, en avril dernier, la production prévue par TotalÉnergies entraînerait des émissions de gaz à effet de serre (GES) catastrophiques pour le réchauffement :

« 336 millions de tonnes de CO2 » sur la durée d’exploitation, chiffre Libération, « soit un peu moins d’un an d’émissions » de l’Afrique du Sud.

L’accaparement de l’océan par les majors des énergies fossiles « met [aussi] en péril les moyens de subsistance des pêcheurs artisans, et ravive les plaies de la colonisation et de l’apartheid », soulignent les associations, qui proposent des moyens de lutte aux habitants des littoraux.

Des pêcheurs artisans brandissent les logos de BLOOM et de The Green Connection en manifestation contre les projets de TotalEnergies en Afrique du Sud.

Le parrainage des banques françaises

Premier développeur pétrolier et gazier en Afrique (environ 14 % des nouvelles infrastructures), TotalÉnergies peut compter sur le soutien inconditionnel des banques françaises.

Dans un rapport publié le 15 novembre, Reclaim France et les Amis de la Terre révélaient qu’avec 4,6 milliards de dollars investis depuis 2019, BNP Paribas s’élève à la troisième place des plus gros financeurs de l’expansion des énergies fossiles en Afrique, non loin devant le Crédit Agricole, également présent dans le top 10.

Sur ces 4,6 milliards d’investissements, 1,1 était destiné à TotalÉnergies, qui peut ainsi rafler tous les nouveaux projets de l’Ouganda à l’Afrique du Sud, au mépris d’un continent qui n’est responsable que de 3 à 4 % des émissions mondiales de GES, et qui subit déjà les conséquences du réchauffement.

Pour aller plus loin : Historique : BNP Paribas est mis en demeure pour ses financements aux projets d’énergie fossile

Augustin Langlade

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