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Un naturaliste lance l’alerte sur les dangers écologiques posés par l’élargissement de la Seine

L’argument avancé est de favoriser le transport en péniche pour réduire le trafic de camions. C’est sans compter la destruction de 81 ha de zones humides et les conséquences de l’artificialisation du fonctionnement du fleuve sur l’ensemble des communautés d’êtres vivants de la vallée.

Le projet de mise au grand gabarit de la Seine en amont de Bray-sur-Seine et jusqu’à Nogent-sur-Seine vise à permettre le passage de péniches de 2500 tonnes. L’un des objectifs derrière ce chantier : rendre plus rentable l’activité du groupe céréalier Soufflet et de quelques extracteurs de matériaux de la région. Ce projet de 343 millions d’euros majoritairement financé par les finances publiques aurait cependant de lourdes conséquences écologiques, à la fois pour la biodiversité mais aussi en tant que facteur aggravant d’inondations. Maxime Zucca, naturaliste et membre du Conseil National de Protection de la Nature nous explique en quoi ce projet est une fausse bonne idée.

« La Seine est déjà très aménagée dans toute sa partie aval. Ici, elle est encore sinueuse, avec des berges sauvages et peut encore sortir de son lit lors de grandes eaux pour inonder une partie de la plaine alluviale – même si son débit est contrôlé en partie par les lacs réservoirs dans l’Aube », détaille Maxime Zucca.

Une plaine alluviale comprend un lit mineur, soit la rivière, et un lit majeur, c’est-à-dire la zone dans laquelle les inondations s’étendent lors des crues. Le lit majeur en Bassée est très vaste et comprend de nombreux marais, prairies humides et forêts alluviales. Il s’agit de la plus vaste zone humide d’Ile-de-France.

« Autrefois, on évitait de construire dans les lits majeurs car on savait que les inondations étaient un risque fréquent pour les habitations », rappelle le naturaliste. « Aujourd’hui, on sur-creuse le lit des rivières, comme ce sera le cas pour cette mise au grand gabarit, et on rehausse les berges, pour éviter que le fleuve ne déborde. Mais du fait de la disparition de ces zones d’expansion de crue, l’onde de crue se propage et s’accélère vers l’aval. L’enjeu est d’accepter de laisser déborder les rivières dans des espaces où ça ne pose pas de problème. Pour cela, la rivière doit être laissée un minimum sauvage ».

Soit tout le contraire de ce projet, qui consiste à rectifier 19 km de la Seine pour permettre aux grandes péniches de prendre les virages, et à creuser un énorme canal de 9 km de long, qui occasionnera 4,5 millions de tonnes de déblais. L’ensemble du fonctionnement hydraulique de la vallée en sera affecté.

L’argument avancé est de favoriser le transport en péniche pour réduire le trafic de camions. C’est sans compter la destruction de 81 ha de zones humides et les conséquences de l’artificialisation du fonctionnement du fleuve sur l’ensemble des communautés d’êtres vivants de la vallée.

Un phragmite des joncs, espèce d’oiseau présente sur le site – Crédit : Benoit Gauzere

Si l’élargissement de la Seine se fait, un chantier long de 10 ans, il faudra attendre encore au minimum 13 ans pour qu’il atteigne « la neutralité carbone », soit environ l’année 2045.

Voies Navigables de France, le maître d’ouvrage du projet, plaide pour sa neutralité hydraulique. Les naturalistes sont sceptiques, à l’image de Maxime Zucca :

« S’il y avait un chantier à mener en Bassée, ce serait au contraire de permettre à la rivière d’inonder davantage son lit majeur, pour limiter les inondations en aval. Pendant que l’on continue d’artificialiser le fonctionnement du fleuve, on va chercher des solutions extrêmement couteuses, comme la création de casiers pour stocker l’eau de la Seine…alors qu’il faudrait restaurer sa divagation naturelle, et investir pour protéger les villages ! ».

De fait, une concertation publique avait mobilisé de nombreux citoyens autour du dispositif anti-crues de la Bassée. L’Etablissement public territorial de bassin (EPTB) Seine Grands Lacs souhaite créer des bassins artificiels de rétention d’eau en cas de crue, pour un coût qui pourrait atteindre un milliard d’euros.

Champ inondé – Maxime Zucca

Aujourd’hui, les anciennes plaines alluviales comprennent des cultures qu’on ne veut pas inonder.

« Il faudrait revenir au fonctionnement naturel », soutient Maxime Zucca. « On préfère éviter d’inonder des cultures qui n’ont rien à faire là plutôt qu’éviter d’inonder Paris en aval. Autrefois, ces espaces étaient utilisées comme pâturages, une activité compatible avec les inondations ».

« Cela nécessite aussi de réinterroger sa vocation devenue très axée grandes cultures (tous les polygones jaunes sont des cultures). Depuis 1955, 80% des prairies humides alluviales y ont disparu, soit 1000 ha. » précise Maxime Zucca

De plus, la zone abrite de nombreuses espèces inféodées aux habitats alluviaux. Cet écosystème a donc besoin d’avoir les pieds dans l’eau pour fonctionner.

« Certaines zones vont perdre 10 à 15 cm d’eau, elles vont devenir des forêts sèches. Or, chaque espèce a sa niche écologique. Les brochets vont par exemple se reproduire dans les prairies inondables autour de mars. Beaucoup de crustacés ne se développent que dans des milieux temporairement inondés et des oiseaux comme les chevaliers ou les canards ont besoin de ces sites comme haltes migratoires ».

Le projet paraît d’autant plus aberrant qu’il existe une alternative : le fret ferroviaire. Une voie ferrée longeant la Seine existe déjà mais n’est plus utilisée. Pour Maxime Zucca, le chantier va à l’encontre de l’intérêt public.

« Ce projet génère des coûts faramineux ainsi que des coûts environnementaux, et ce pour des intérêts privés. On en est à un stade où on ne peut plus accepter que des projets qui se gargarisent d’être écolos détruisent des zones humides ».

Chacun peut donner son avis sur ce projet grâce à une enquête publique ouverte jusqu’au 18 février. France Nature Environnement Seine-et-Marne a également lancé une pétition à destination du Préfet.

Crédit photo couv : Roland Brossy

Marine Wolf

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