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Un immense réseau électrique d’Engie veut détruire 655 hectares de zone sauvage au Brésil

Seulement 1 % de ce biome serait en bon état de conservation. La filiale d’Engie au Brésil a d’ores et déjà abattu plusieurs araucarias centenaires, au beau milieu de leur période de chute des semences, alors qu’une telle pratique est strictement interdite par la loi brésilienne.

Le site Mr Mondialisation révèle que la firme franco-belge Engie a commencé la construction d’un réseau électrique qui endommagera plusieurs zones naturelles remarquablement préservées du Brésil, dans l’État de Paraná.

Les investissements d’Engie au Brésil

En janvier dernier, les médias français ont salué avec un enthousiasme unanime la victoire par Engie, le géant français de l’énergie, d’un appel d’offres pour la construction et l’exploitation d’une ligne de transport d’électricité au Brésil. Chez nous, c’était une information assez banale, somme toute : la firme obtenait le droit d’électrifier certaines zones au nord du plus grand pays d’Amérique latine, avec de gros sous à la clef.

En échange d’une concession de 30 ans, elle allait investir 750 millions d’euros pour mettre sur pied une ligne électrique de 1 800 kilomètres.

Ce projet « d’électrification » est en fait le second qu’obtient la firme Engie au Brésil : en décembre 2017, elle avait déjà remporté un premier appel d’offres comprenant la mise en place de 1 000 kilomètres de lignes de transmission, cinq nouvelles sous-stations électriques et l’extension de cinq autres, dans l’État du Paraná, situé au sud du pays, entre le Paraguay et l’océan Atlantique.

D’un coût de presque un demi-milliard d’euros, l’acquisition du projet Gralha-Azul (« Geais azuré »), du nom de cet oiseau emblématique du Paraná, avait été accueillie comme une marque de puissance des entreprises françaises à l’étranger.

Voilà le beau vernis qui entourent dans notre pays les nouvelles conquêtes sud-américaines du fleuron national de l’énergie. Seulement, sur place, au Brésil, les masques sont depuis longtemps tombés : avec son projet Gralha-Azul, Engie s’apprête actuellement à commettre un crime environnemental de grande envergure.

C’est ce que révèle un article de Mr Mondialisation, qui se fait le porte-parole, en France, de l’association brésilienne OJC (Observatoire de justice et préservation) œuvrant contre la corruption socio-environnementale, qui a lancé une pétition à ce sujet.

Lire aussi : « En 2019, le groupe Casino a contribué à la déforestation de 56 000 hectares de forêt amazonienne »

Lever de soleil sur les pins du Paraná dans le parc national brésilien de la Serra da Bocaina. – Heris Luiz Cordeiro Rocha

Les derniers Araucarias, un arbre préhistorique

Selon l’ONG, le réseau électrique qu’est en train de construire Engie portera un préjudice irrémédiable à quelque 655 hectares d’espaces naturels, parmi lesquels se trouvent les dernières forêts d’Araucarias et les derniers champs naturels du Brésil, « deux écosystèmes associés au biome “forêt atlantique”, de riche diversité, et qui est très menacé ».

Seulement 1 % de ce biome serait en bon état de conservation. La filiale d’Engie au Brésil a d’ores et déjà abattu plusieurs araucarias centenaires, au beau milieu de leur période de chute des semences, alors qu’une telle pratique est strictement interdite par la loi brésilienne.

Escarpement dévonien

Avec ses 1 069 tours de transmission, la ligne électrique d’un millier de kilomètres traversera plusieurs sites préservés, unités de conservation et zones classées, comme l’Escarpement dévonien, une région de 392 000 hectares qui traverse le Paraná selon les directions sud-est/nord-ouest et sud-ouest/nord-est et qui abrite une biodiversité exceptionnelle, ainsi que de nombreuses ressources archéologiques.

Plus grande unité de conservation du pays, l’Escarpement dévonien doit son nom à la période géologique dévonienne durant laquelle sa roche s’est formée, il y a 400 millions d’années.

Canyons, rivières, cascades, champs naturels, savanes, forêts regorgeant d’espèces rares, ce patrimoine naturel est censé être garanti par la présence de plusieurs parcs nationaux.

Rio de lajeado – Cânion do Guartelá – entre Tibagi e Castro – PR

Pourtant, c’est là qu’Engie installera ses immenses pylônes (dont certains de 78 mètres), ses lignes de haute tension et ses sous-stations électriques, qui ruineront définitivement le paysage, nuiront au tourisme, l’un des principaux revenus de la région, bouleverseront la vie d’une trentaine de communautés traditionnelles indigènes et viendront percer des espaces naturels remarquablement préservés, avec la bénédiction du gouvernement.

À cause de l’opacité qui entoure tout le projet Gralha-Azul, on ne peut cependant pas encore savoir avec précision quel sera le préjudice exact des constructions d’Engie sur la nature locale.

L’Observation de justice et de préservation a constaté de très nombreuses irrégularités dans le processus de l’appel d’offres finalement accordé à la firme française : manque de transparence à toutes les étapes de la procédure d’octroi des licences par le gouvernement fédéral et local ; absence d’autorisation de la part de l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables (IBAMA), dépendant du ministère de l’Environnement ; superficialité et non-pertinence de toutes les études d’impact que l’entreprise a réalisées dans les zones protégées que traverseront les lignes électriques ; ingérence notoire dans le patrimoine biologique, spéléologique et archéologique. Il faut enfin ajouter le caractère arbitraire du tracé envisagé par Engie, qui ne tient compte d’aucun facteur local.

Parque Estadual do Guartelá – Tibagi – Castro

Le Brésil, un pays aux enchères

Nouvel Eldorado des actionnaires, le Brésil représente un marché de 200 millions de consommateurs en pleine explosion libéraliste. Depuis l’élection du président Jair Bolsonaro en 2018, de nombreuses propriétés étatiques sont régulièrement mises aux enchères, à travers une grande campagne de privatisations.

L’année dernière, Engie a ainsi pu racheter 4 500 kilomètres de gazoduc (soit 47 % des infrastructures gazières du pays), auparavant détenus par le géant Petrobras, criblé de dettes. L’Amérique du Sud est récemment devenue la deuxième source de profit de la firme, juste derrière la France.

Depuis la fin de l’année 2014, le Brésil est secoué par le plus gros scandale de corruption de son histoire, l’opération dite « Lava Jato » (« lavage au jet »), dont le nom fait référence à la station-service à partir de laquelle les enquêteurs ont découvert un premier réseau de blanchiment d’argent.

Pendant des années, des entreprises privées des secteurs de la construction et de l’énergie ont versé des prébendes et des pots-de-vin considérables à un large spectre de personnalités politiques, en échange de contrats publics surfacturés, notamment ceux passés avec le géant Petrobras.

Tous les plus grands partis politiques du pays auraient bénéficié de cet argent sale, ainsi que 8 ministres, 22 députés, 14 sénateurs (18 % du Sénat brésilien) et 3 présidents de la République, Lula da Silva, Dilma Rousseff et Michel Temer.

Sans que la chose soit prouvée définitivement, la firme Engie aurait également obtenu dans ce contexte le juteux marché du barrage de Jirau (au nord-ouest du pays), inauguré en décembre 2016. On sait que, via sa filiale Tractebel, Engie a versé environ 700 000 euros au comité de campagne de la future présidente Dilma Rousseff, pendant les élections de 2010 puis de 2014, une pratique légale au Brésil. La firme aurait donc joui d’un renvoi d’ascenseur, en plein délit de favoritisme.

Comme l’indique Olivier Petitjean, de l’Observatoire des multinationales, « une entreprise qui choisit de participer activement à des grands projets d’infrastructure au Brésil se retrouve immanquablement impliquée dans un système économique et politique où (abstraction faite même des problèmes politiques et environnementaux de ces projets) les risques de corruption sont réels ».

crédit photo couv : Vale de Araucárias no Parque Nacional de São Joaquim. Fotografia HDR.

Augustin Langlade

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