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Un collectif fait revenir plus d’une centaine d’habitants et crée une économie locale basée sur un revenu d’autonomie

Pour réussir à créer un écosystème économique autonome, le collectif TERA veut faire en sorte que la force économique créée reste sur le territoire en relocalisant l’épargne grâce à la monnaie locale l’Abeille.

Depuis 2015, le Lot-et-Garonne est le lieu d’une expérimentation collective inédite : revaloriser une zone rurale en difficulté en bâtissant un système économique local. Encore plus ambitieux qu’un écolieu et déjà réparti en différents endroits du territoire, l'écosystème Tera rassemble une quarantaine de membres actifs qui oeuvrent « Tous Ensemble vers un Revenu d’Autonomie ».

Revitaliser les zones rurales en relocalisant des activités

TERA est un projet ambitieux et protéiforme ayant commencé en 2015 à l’issue d’un tour de France à vélo à la rencontre d’« acteurs du changement ». Initialement conçu pour aboutir à la création d’un écolieu, Frédéric Bosqué et ses acolytes prennent conscience d’un paradoxe durant ce périple.

Alors qu’un tiers des communes rurales sont en déprise, voient leur population vieillir et peinent à attirer de nouvelles activités ; une étude estime que la moitié des citadins désirent quitter la ville.

De ce constat est né une volonté : « se réapproprier l’économie pour la remettre au service de la vie » en créant des activités économiques locales respectueuses des humains et de la nature au service d’une zone rurale en déclin.

En octobre 2015, un sympathisant au projet donne au collectif la ferme de Lartel, à Masquières, ce qui lance son coup d’envoi. Des années plus tard, cette expérimentation de développement territorial se répartit dans trois lieux distants d’une dizaine de kilomètres : la ferme de 12ha, l’épicerie associative l’Alvéole et les bureaux de l’association à Tournon d’Agenais, ainsi que le futur quartier rural de 4ha à Trentels, créé en collaboration avec la municipalité.

Aujourd’hui, la ferme accueille plusieurs activités : une boulangerie, une micro-brasserie, des formations à la permaculture, des ateliers de cuisine et transformation, une menuiserie, la culture de plantes aromatiques et médicinales, et bientôt l’installation d’un nouveau maraîcher.

« La ferme permet de participer à l’autonomie vivrière du territoire, tandis que l’épicerie permet d’assurer la distribution de sa production et celle de producteurs locaux. On vise à terme un rayon maximum de 30km pour l’approvisionnement alimentaire » explique Gregor, formateur en permaculture et membre du pôle autonomie alimentaire, pour La Relève et La Peste

Avec une quarantaine de membres actifs d’une moyenne d’âge de 38 ans, les membres de TERA sont autant bénévoles que salariés ou prestataires et certains reçoivent même un petit revenu issu de leurs activités en lien avec le collectif. Julie à la cuisine végétale et locale, d’autres en formation, Lucie et Gaëtan à l’accueil et la communication, Marie-Hélène et Vincent à la gestion et l’administration de quelques-unes des six structures qui chapeautent le projet, et bien d’autres dans des activités de service ou production locales.

« Ce qui me plaît c’est de pouvoir développer mon métier sans devoir en faire la promotion sur les réseaux sociaux. L’écosystème Tera me permet de glaner de la nourriture dans les champs avec d’autres membres pour élaborer plein de recettes de saison, tout en me donnant la possibilité de cuisiner pour des évènements » confie Julie, cuisinière et fondatrice de Oui (tout simplement) à La Relève et La Peste

Même constat pour Antoine, le brasseur : « J’aime l’idée que la brasserie s’inscrive dans un écosystème local sans avoir besoin de travailler 70h par semaine. Les chantiers participatifs lors des opérations de nettoyage de bouteilles (qui sont consignées) sont toujours un bon moment. Pour l’instant, la production est trop petite (50L par semaine) pour dégager un petit revenu mais on réfléchit à réaménager la grange pour produire un peu plus »

Le fournil de Tera

Un revenu d’autonomie basé sur une monnaie locale

Pour réussir à créer un écosystème économique autonome, le collectif TERA veut faire en sorte que la force économique créée reste sur le territoire en relocalisant l’épargne grâce à la monnaie locale l’Abeille.

Aujourd’hui, 110 000 euros stockés à la banque ont généré 260 000 euros de « richesses durables et locale » vendues en Abeilles sur le territoire, soit 2.6 abeilles en circulation pour un euro converti.

« Au bout de 2,5 transactions en moyenne, l’argent part sur les marchés financiers. L’intérêt d’une monnaie locale est donc de maintenir, sur place, la richesse créée. De plus, on double la masse monétaire en gardant son équivalent euro en stock », précise Frédéric Bosqué, fondateur du projet Tera, auprès de La Relève et La Peste

La monnaie locale l’Abeille est l’élément fondateur pour permettre aux membres de TERA d’avoir tous, à terme, un revenu d’autonomie.

TERA

Lors d’une première expérimentation, 5 personnes (3 personnes sur 1 année et 2 personnes sur 3 années) ont touché un revenu net fixé au seuil de pauvreté plus un euro soit une somme de 896 euros, versée à 85% en monnaie citoyenne locale l’Abeille.

« On aimerait contribuer à créer une civilisation du temps choisi. Ce revenu d’autonomie était donc versé à la manière d’un revenu de base, sans lien de subordination ni redevabilité explicite. La seule contrepartie demandée était de s’impliquer dans le développement de l’écosystème Tera » explique Frédéric Bosqué, fondateur du projet Tera, pour La Relève et La Peste

Le souci, c’est qu’il n’y avait alors pas assez de débouchés sur le territoire pour permettre aux membres de dépenser l’entièreté de leur monnaie locale. Une deuxième phase d’expérimentation va donc verser 150 euros à 30 personnes dès le début 2024, le temps de créer d’autres activités payables en Abeille.

« L’alimentation, c’est bon. Notre prochain défi, c’est de créer des coopératives locales de production d’électricité, mais aussi de pouvoir payer nos loyers en monnaie locale. Pour le premier, on veut investir dans de petites unités de 250kw sur Lacapelle Cabanac, une commune voisine, et le second c’est plus difficile » précise Vincent Dupuy, membre de l’équipe administrative et juridique de Tera, pour La Relève et La Peste

A Lartel et Tournon d’Agenais comme dans de nombreuses communes françaises, les résidences secondaires et touristiques empêchent l’accès aux logements pour les populations locales. Le quartier rural de Lustrac doit donc permettre de loger trente habitants, dont certains seront propriétaires à travers une coopérative, tout en créant 27 équivalent temps plein grâce, entre autres, au « Centre d’Ecoconstruction de Ressources et de Formation » dont la construction doit commencer courant 2023.

Tournon d’Agenais

Une communauté remplie d’individualités

 Comme tout projet humain collectif, Tera n’a pas été épargné par les tempêtes, les remises en question et les allées et venues de ses membres depuis le début de sa création.

Le lancement du quartier rural Lustrac, qui bénéficie notamment d’une subvention importante de la Fondation de France (700 000 euros), est un nouveau départ. Il demande au collectif de puiser dans ses forces pour ne pas perdre la Ferme en chemin, cette dernière n’ayant pas encore atteint un point d’équilibre économique.

« Au début, le caractère informel du collectif a permis à des personnalités très différentes de s’épanouir et trouver leur rôle. Maintenant que le modèle économique est très structuré, cela demande un certain ajustement aux nouveaux entrants. Pour être sûrs que tout se passe bien, nous allons faire appel à l’Université du NOUS pour nous aider à consolider notre vision et notre gouvernance collective » explique Marie-Hélène, présente depuis le début de l’aventure à vélo, pour La Relève et La Peste

Pourtant, c’est aussi cette structuration qui peut séduire les bonnes volontés, à l’image de Jonathan, un nouvel arrivant, qui a confié avoir apprécié le cadre posé par Tera permettant d’être « à la fois très libre dans nos choix de statuts et clairs dans ce que chacun.e va donner ». Sa compagne Mélissa, elle, a eu un vrai coup de cœur avec l’énergie du groupe et les humains qui le composent.

L’épicerie l’Alvéole est notamment l’une des pierres angulaires de la cohésion du collectif, car elle permet des temps de retrouvailles où l’achat de quelques carottes peut vite se transformer en conversation d’une heure. Sa pérennité est donc très importante, et des membres de Tera portent aujourd’hui un projet de café associatif pour multiplier ces moments de rencontre.

« Je connais très bien chacun de nos producteurs et c’est ce qui me plaît dans ce métier, le fait d’entretenir des relations humaines en étant ancré dans un écosystème local. Mais la charge de travail étant trop importante pour un mi-temps, on réfléchit aujourd’hui à de nouvelles façons de continuer à faire vivre l’épicerie » raconte ainsi Pierre lors de la visite à l’épicerie l’Alvéole

AG 2022 – Crédit : Tera

Depuis la création de Tera, une centaine de personnes sont venues s’installer sur le territoire et ont décidé d’y rester, même si certaines ne sont plus actives dans l’écosystème Tera aujourd’hui. Sans doute le marqueur le plus fiable de la réussite de l’objectif de base puisque ces nouveaux habitants ont permis d’injecter à eux seuls 300 000 euros par an dans les commerces locaux, selon une estimation du collectif.

 « Pour moi c’est un projet qui mettra peut-être 100 ans, mais peu importe si je ne suis plus là pour le voir aboutir ça me remplit de sens de participer à le construire. Les piliers idéologiques fondateurs du projet sont restés les mêmes, ce qui est très sain, et franchement c’est une putain de fierté de me dire qu’on a contribué à faire venir 100 habitants ici, et qu’ils y sont restés » confie Gregor en souriant pour La Relève et La Peste

Quant à l’utopie de Frédéric, elle n’a jamais changé : « verser un jour un revenu d’autonomie à un enfant qui naîtra, dès sa naissance »

Laurie Debove

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