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Un an et demi après Sainte-Soline, des milliers de manifestants réunis contre les mégabassines

« Malgré le contexte politique répressif, on continuera à se battre pour l'eau et la biodiversité, mais avec nos armes, qui sont la pédagogie et le débat. On ne tombera pas dans le piège de la violence que Darmanin cherche à nous tendre. »

Opposés aux mégabassines, ou « grandes retenues de substitution », des milliers de personnes ont manifesté à Migné-Auxances (Vienne) puis à La Rochelle les 19 et 20 juillet dernier. Retour sur une mobilisation d'ampleur, alors que les projets de mégabassines se multiplient.

« No Bassaran ! », la lutte contre les méga-bassines

Au Village de l’eau, à Melle (Deux-Sèvres), les manifestants sont plusieurs milliers à écouter attentivement, en ce vendredi 19 juillet, les dernières consignes pour la journée de mobilisation qui s’annonce.

Initiée notamment par les Soulèvements de la terre et le collectif Bassines non merci (BNM), l’objectif de la journée est clair : réaffirmer leur opposition aux mégabassines et appuyer la récente demande de moratoire du Nouveau Front Populaire (NFP) en déferlant massivement jusqu’à la commune de Saint-Sauvant (Vienne), où une nouvelle mégabassine doit être construire à compter de septembre.

Les dernières précautions juridiques rappelées et « No Bassaran ! » lancé en chœur, il est autour de 8 heures lorsque chacun s’élance en direction des points de rendez-vous qui ont été donnés (Vivonne Saint-Maixent-l’École et Poitiers) pour rejoindre la manifestation, interdite par la préfecture. Une interdiction loin de décourager les militants, pour qui il s’agit parfois de la première manifestation contre les mégabassines, à l’image de Greg.

« Je n’avais pas encore pu venir manifester, mais je suis convaincu que les mégabassines nous mènent droit dans le mur, explique ce dernier pour La Relève et La Peste. Cette fois, je voulais vraiment être là pour montrer qu’on est nombreux, qu’on vient de partout, et qu’il faut que ça change », continue le militant de Loire-Atlantique.

Une demande de moratoire pour préserver l’eau

Cibler « l’un des principaux promoteurs des mégabassines du Poitou »

Du côté des militants arrivés en milieu de matinée place Denfert-Rochereau, à Saint-Maixent-l’École, l’ambiance est joviale. « Les mégabassines et les fermes usines, de cette société-là, on n’en veut pas », chantent-ils en chœur, accompagnés par la fanfare.

De quoi trancher avec le stress engendré par les lacrymogènes tirés en direction de certains opposants aux mégabassines, un peu plus tôt dans la matinée, alors qu’ils tentaient de rejoindre leurs véhicules au départ de Melle. De quoi trancher aussi, avec les contrôles policiers quotidiens, les fouilles au corps ou confiscations d’objet déployés depuis le début de la mobilisation aux alentours du Village de l’eau.

« Ces moments de chant et de joie, on en a bien besoin », souffle une militante, le sourire aux lèvres. Juste après, tous reçoivent un message les informant du changement de lieu de la mobilisation. Face à l’important dispositif policier déployé à Saint-Sauvant, il est décidé de se rendre à Migné-Auxances (Vienne) pour un pique-nique, avant d’entamer une marche de plusieurs kilomètres jusqu’à l’usine Cerience. Semencier français membre du groupe agro-industriel Terrena, Cerience est également « l’un des principaux promoteurs des mégabassines du Poitou », précise Julien Le Guet, porte-parole de BNM, à son arrivée à Migné-Auxances.

Et d’insister : « Malgré le contexte politique répressif, on continuera à se battre pour l’eau et la biodiversité, mais avec nos armes, qui sont la pédagogie et le débat. On ne tombera pas dans le piège de la violence que Darmanin cherche à nous tendre. »

Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines Non Merci

Une enquête ouverte

Un piège de la violence, justement, que les organisateurs ont expliqué avoir fait le choix d’« éviter » en écourtant la marche, initialement prévue jusqu’à l’usine Cerience, après que des grenades lacrymogènes tirées en direction du cortège de tête par les forces de l’ordre ont déclenché un feu dans un champ agricole sur le trajet de la manifestation.

« Ils n’avaient aucune raison de nous tirer dessus, déplore Léna Lazare, porte-parole des Soulèvements de la terre, pour La Relève et La Peste. Ces tirs nous ont vraiment mis en danger. On a donc décidé de rentrer au campement, mais ce qu’on a réussi à montrer, c’est qu’on était capables de manifester par milliers malgré la pression policière et les interdictions », poursuit-elle, tandis que les organisateurs dénombrent 10 000 manifestants, contre 3 000 selon la préfète des Deux-Sèvres.

Les gaz lacrymos des forces de l’ordre ont mis le feu aux champs des agriculteurs

En parallèle, un convoi de militants s’est, lui, rendu à vélo jusqu’à Pamproux (Deux-Sèvres) pour larguer, grâce à l’utilisation de cerf-volants, des lentilles d’eau dans une bassine utilisée par l’entreprise agroalimentaire Pampr’œuf. L’objectif : que « ces lentilles se développent ensuite dans l’eau stagnante de la bassine et en bouchent les pompes et tuyaux », détaille BNM. Une action réussie, selon BNM, mais à la suite de laquelle le procureur de la République de Niort a annoncé ouvrir une enquête pour « participation à un attroupement après sommation de se disperser ».

Les manifestants pacifiques ont été arrosés de gaz lacrymos

Élargir la lutte contre les mégabassines

Là encore, pas de quoi démotiver les manifestants qui se sont rendus dès le lendemain à la Rochelle, en direction du port de La Pallice, lieu stratégique d’importation et d’exportation de céréales et de phytosanitaires. Une façon d’élargir la lutte contre les mégabassines à l’ensemble du « maillon de la chaîne », puisque « dans le Poitou, l’eau utilisée pour l’irrigation agricole est principalement destinée aux cultures de céréales intensives », détaille IBM, et que ces céréales sont ensuite massivement exportées, notamment via le port de La Pallice, deuxième port exportateur de céréales du pays.

Mégabassine – Crédit : Soulèvements de la Terre

« Le combat continue, on ne lâchera pas », conclut Léna Lazare, alors que Marc Fesneau, ministre de l’agriculture, appelait récemment à accélérer la construction de mégabassines. Une accélération que les associations de préservation de l’environnement décrient à l’heure où les Soulèvements de la terre, via leur carte interactive, dénombrent pas moins de 50 mégabassines en construction et plus de 150 en projet.

Des mégabassines contre lesquels les opposants se battent aussi et surtout sur le plan juridique. En octobre 2023, par exemple, quinze projets de mégabassines ont été annulés par le tribunal administratif de Poitiers quand, au cours des trois dernières années, quatre bassines déjà remplies ont, elles, jugées à posteriori définitivement illégales. Une bataille juridique, mais aussi médiatique qui, un an et demi après Sainte-Soline, n’a pas perdu de sa vigueur.

« Nous sommes dans un état d’esprit déterminé et combatif », assure Julien Le Guet, qui appelle « l’ensemble des forces de l’Assemblée nationale à soutenir la demande de moratoire ».

Cecile Massin

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