Face à un monde toujours plus décadent où les hommes se sont radicalement éloignés de leurs racines, certains rêvent encore à un futur meilleur où la nature serait valorisée et soignée, où les savoirs manuels seraient remis au centre de notre éducation et où les enfants auraient le droit à un avenir digne de ce nom. C’est le cas de Romain qui a monté son association The Northern Lights (l’Aurore Boréale), posé ses bagages à la ferme de ses grands-parents qu’il a rachetée et où il partage le quotidien avec ses acolytes Clément et Vincent.
Ingénieur de formation, il se découvre une passion pour la médecine traditionnelle chinoise qui l’a littéralement envoyé vers de nouveaux horizons. Curieux et voyageur, amoureux du vivant, il parcourt pendant plusieurs années le globe en sac à dos ou en camion à la recherche de modes de vie alternatifs qui pourraient nourrir le projet pour lequel il a semé quelques graines dans son cœur. C’est la Grèce qui le retiendra pendant plus d’une année où il s’investira dans l’association The Southern Lights dont la volonté est de transmettre les pratiques régénératives comme l’agriculture, l’éco-construction ou encore les techniques de prises de décision en groupe. Après avoir décidé de se rapprocher de ses racines et de sa famille, il élit domicile à Saint-Nizier-le-Bouchoux avec sa nouvelle association The Northern Lights.
« Mon envie est de construire un large réseau afin de fédérer les initiatives de cette trempe, de pouvoir les disséminer le plus possible et les rendre accessibles à tous. »
Amis de longue date et partageant les mêmes valeurs d’un monde plus juste et résilient, Vincent et Clément – tous deux experts en rénovation et en calcul de structure – décident de s’installer avec lui. Depuis maintenant un an, ils se donnent chaque jour les moyens de réaliser cet ambitieux projet. Grâce aux vingt hectares disponibles, l’association « l’Aurore boréale » nourrit la volonté d’enseigner au plus grand nombre et de manière transgénérationnelle les techniques dites régénératives. Comme leurs noms l’indiquent, elles nous parlent de la régénération des sols mais aussi de l’augmentation de la biodiversité, l’optimisation des cycles de l’eau, etc…
Dans ces procédés, on retrouve l’agroécologie, l’agroforesterie ou encore la permaculture. A travers ces pratiques se dégagent une réflexion et un engagement vis-à-vis du vivant mais aussi une certaine philosophie de l’autonomie poussant les gens à se responsabiliser et leur donner les clés nécessaires afin de retrouver leur souveraineté locale. Dans ces enseignements se retrouveront l’écoconstruction avec des matériaux recyclés, renouvelables et/ou écologiques.
Romain nous explique :
« L’idée est de mettre en avant un mode de vie zéro déchets dans lequel on retrouve par exemple la production d’énergie écologique (biogaz). D’autres initiatives voient le jour comme la construction de ses propres outils, d’un Géonef, le travail de différentes matières comme le bois, le plâtre, le métal ou encore travail de la terre (des semis à la récolte). Sur une thématique plus artistique, je mets en place des ateliers d’éveil musical pour les enfants. »
En plus de leur jardin en permaculture, ils ont fait appel à un expert en agroforesterie, Chan Sac Balam, afin de désigner les plans de leur terrain dans le but de l’exploiter de la façon la plus optimale possible ainsi que dans le respect des plantes, des arbres et des sols. Le vivant est un monde complexe, il faut savoir l’observer et surtout le connaître afin de lui donner les meilleures chances de pouvoir se développer et survivre. Ainsi, ils veulent organiser les plantations en différentes strates avec une forte densité pour avoir des plantes médicinales, une forêt comestible, des fruits, des légumes et dans un avenir qu’ils espèrent proche, monter une ferme pédagogique avec des animaux.
« Dans un monde où notre impact est de plus en plus meurtrier envers la biodiversité et notre connaissance de plus en plus réduite, j’ai envie d’apporter à la société une perception du Vivant plus résiliente. J’aimerais proposer des pistes pour cohabiter, coévoluer avec la nature, transmettre une approche plus autonome et responsable dans notre manière de vivre et de consommer. Offrir un nouveau regard sur la matière et les matériaux que nous avons autour de nous. Les sublimer pour les réutiliser, les recycler, les réinventer. » nous déclare Romain pendant qu’il nous fait visiter la ferme.
Une association qui créait du lien à l’échelle européenne
L’association travaille en étroit partenariat avec sept associations européennes (France, Grèce, Espagne, Malte, Belgique, Portugal et Italie) toutes globalement liées par la thématique de la permaculture. Après avoir répondu à deux appels à projet européens qui y ont répondu favorablement, ils organisent pour l’été 2022 deux séminaires de treize jours qui rassembleront une trentaine de participants. Intitulés Perm’être et A.Climat.é, ils aborderont les pratiques régénératives, de l’agroforesterie, du management de l’eau mais aussi de conduites à adopter face à l’urgence climatique (masse thermique, bioclimat, récupération d’eau de pluie, de bassins etc.). De plus, un autre séminaire regroupant différents acteurs de l’agroécologie et une dizaine de maraîchers bio et locaux s’est déjà déroulé fin février sur le maraîchage sur sol vivant.
« Travailler à cette ferme me permet aussi de voir que de nombreux financement sont disponibles et accessibles pour pouvoir réaliser nos rêves », nous confie Vincent.
Dans une démarche réfléchie et qui suit la lignée de leurs idéaux, les compères fonctionnent quasiment exclusivement par le recyclage. Comment transformer et réutiliser les matériaux disponibles localement et autour de nous ? L’idée est simple : Réduire les émissions de gaz à effet de serre, ré-exploiter du matériel encore viable et tendre vers une consommation ainsi qu’un mode de vie plus raisonnés. Transformer les consciences et transcender les a priori comme quoi un avenir différent serait tout simplement utopiste.
Redynamiser le territoire
Dans cette région plutôt déserte, habituée à l’agriculture intensive, on aurait pu croire que le voisinage les percevrait comme une bande de joyeux lurons. Il n’en est rien. Dispatchés un peu partout, plusieurs voisins, ont eux aussi la volonté de partager leurs savoirs : ainsi un artisan boulanger ou encore un forgeron. L’une des voisines donne une fois par semaine des cours de Qi-jong dans le grenier de la ferme. Le but est de fédérer les connaissances de chacun, réunir les gens de toutes les générations pour créer du lien, partager les outils et avancer ensemble. Dans un projet futur et répondant à la problématique de territoire inondable, l’association souhaiterait acquérir un broyeur et le mettre à disposition pour les collectivités locales. Ce qui permettra de créer de l’emploi dans la mesure où il y aura besoin de monde pour aller broyer les haies et repartir par la suite les déchets verts dans les champs.
« Le besoin du territoire est de mettre à profit le fait qu’il soit une zone inondable où la préservation de la ressource eau est une question centrale. » nous explique Clément.
Les perspectives
Assis sur un banc en pierre tout en caressant son chat noisette, Romain nous explique comment il se projette d’ici quelques années :
« J’aimerais par exemple un jardin pour enfants, des évènements culturels, des séminaires ; des cours de yoga, de danse, de théâtre, de chant permettant à tout un chacun d’éveiller sa créativité, renforcer le lien social mais aussi pour permettre aux gens d’être, leur donner un espace pour partager et s’exprimer. Afin de rapprocher les personnes du vivant et de leur espace de vie, j’envisage la mise en place d’un observatoire pour contempler et apprendre sur la nature et les animaux qui nous entourent. Enfin, je souhaiterais que cette ferme retrouve ses fonctions premières avec l’élevage d’animaux comme les chevaux, ânes, moutons, chèvres et ce dans une perspective pédagogique.»
A l’instar de la forêt de Higas de Yoann dans les landes, la ferme de Romain, Clément et Vincent s’inscrit dans les nombreuses initiatives qui voient le jour en France pour transmuer vers un monde plus résilient où l’homme cohabiterait en harmonie avec le vivant, réparerait au lieu de jeter et apprendrait à consommer local et raisonnablement. Il existe de plus en plus de projets de cette veine, les rendant tous les jours un peu moins fous car finalement accessibles et réalisables. L’Aurore Boréale est ouverte à toutes personnes qui aimeraient apprendre et venir poser sa pierre à l’édifice de cet immense chantier.
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