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THT en Camargue : quand transition énergétique rime avec destruction écologique

Premier sujet de discorde, et non des moindres, l'impact du projet sur l'environnement. De fait, le projet de ligne à THT traverserait une partie du Parc naturel régional de Camargue, la Réserve naturelle nationale des Coussouls de Crau et des zones classées Natura 2000. Et ce n'est pas tout. La Camargue compte plus de 350 espèces d'oiseaux. 

Destiné à décarboner la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, l'un des sites les plus émetteurs de CO2 de France, le projet de ligne à Très haute tension (THT) entre Fos-sur-Mer et Jonquières-Saint-Vincent, dans le Gard, fait grincer des dents. Ses nombreux opposants s'inquiètent des impacts environnementaux, mais aussi sanitaires et paysagers du projet. Explications, alors que le débat public a débuté le 2 avril dernier.

Son lancement était attendu de longue date, c’est désormais chose faite. Le 2 avril, la Commission nationale du débat public (CNDP) a lancé le coup d’envoi de trois mois de débat public sur l’avenir de la région de Fos-Berre, dans les Bouches-du-Rhône. Parmi les différents projets discutés figure en bonne place le très contesté projet de ligne à Très haute tension (THT), prévu entre Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, et Jonquières-Saint-Vincent dans le Gard. 

« On demandait à ce que ce débat public ait lieu depuis de très nombreux mois, on est satisfait que ce soit enfin le cas », entame avec entrain Jean-Luc Moya, pour La Relève et La Peste.

Crédit photo : Jean-Luc Moya

Arlésien d’origine, ce dernier a fondé l’association environnementale Agir pour la Crau en 2011. Il est également à l’origine du collectif Stop THT 13/30, qui réunit une trentaine d’associations, mais aussi des élus, des agriculteurs, des acteurs économiques, et des acteurs du tourisme et de la culture aux idées parfois divergentes, mais dont le point commun est de faire front contre le projet de ligne à THT.

Décarboner la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer

Porté par RTE, gestionnaire de transport d’électricité, le projet consiste à créer d’ici 2028 une ligne aérienne de 400 000 volts entre le poste électrique de Feuillane, dans la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, et celui de Jonquières-Saint-Vincent. 

D’une longueur de 65 kms et constitué de 180 pylônes, dont certains pourraient culminer à 80 mètres de haut, cette nouvelle ligne, estimée à 300 millions d’euros, vise à décarboner la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, qui est aujourd’hui l’un des sites les plus émetteurs de CO2 de France. Il s’agit également d’apporter le volume d’électricité nécessaire pour nouveaux projets industriels « verts » de Fos.

Autant d’arguments qui, à l’heure de la nécessaire transition énergétique, ne laissent pas indifférent. 

« D’ailleurs, nous ne sommes pas opposés à la création d’une ligne et à la décarbonation de la zone de Fos-sur-Mer, insiste Jean-Luc Moya. On prend très au sérieux le sujet de la décarbonation, mais doit-elle vraiment se faire à n’importe quel prix, en sacrifiant la Camargue, la Crau, les abords des Alpilles et leurs habitants ? » 

C’est en tout cas la question que les opposants au projet tel qu’il est actuellement présenté entendent soulever lors du débat public.

Crédit photo : Jean-Luc Moya

Un danger pour les oiseaux

Premier sujet de discorde, et non des moindres, l’impact du projet sur l’environnement. De fait, le projet de ligne à THT traverserait une partie du Parc naturel régional de Camargue, la Réserve naturelle nationale des Coussouls de Crau et des zones classées Natura 2000. Et ce n’est pas tout. La Camargue compte plus de 350 espèces d’oiseaux. 

« C’est un territoire d’une richesse exceptionnelle, que ce soit en termes d’oiseaux sédentaires ou migrateurs, entame l’avocat spécialisé en droit de l’environnement, Sébastien Mabile, pour La Relève et La Peste. C’est également l’habitat d’espèces endémiques comme le Ganga Cata, continue le Camarguais d’adoption, qui coordonne le volet juridique du collectif Stop THT 13/30. Or avec ce projet, il y aurait un risque de collision entre les pylônes et les oiseaux. » 

Et de renchérir : «C’est aussi un site où certaines espèces comme les grues cendrées font l’objet de programmes de conservation sur d’autres parties du globe. Si ces oiseaux se font fracasser en Camargue, que deviennent les programmes qui visent, ailleurs, à les protéger ? On voit bien que le sujet de la ligne à THT n’est pas un sujet camarguais, mais un sujet national voire international».

Des griefs nombreux

Sur ce « territoire le plus plat de France où chaque élévation se voit sur des kilomètres à la ronde », poursuit l’avocat, nombreux sont ceux à craindre également l’impact du projet sur le paysage et, par conséquent, sur l’attractivité touristique de la région, ainsi que sur la valeur immobilière des bien situés à proximité. 

Sans compter qu’à ces craintes déjà nombreuses viennent s’en greffer d’autres, comme les terres agricoles gelées par le projet, chiffrées à 1300 hectares par les opposants. Certains agriculteurs se disent également inquiets des effets du champ électromagnétique sur leurs animaux quand d’autres n’hésitent pas à interroger l’impact du projet sur la santé des habitants eux-mêmes. 

Le Centre international de recherche contre le cancer (Circ) a notamment classé en 2022 les champs magnétiques d’extrêmement basses fréquences, c’est-à-dire ceux émis par les dispositifs de transport d’électricité, comme cancérogènes possibles.

Un projet alternatif 

Alors qu’un Fuseau de moindre impact (FMI) a été validé en septembre dernier par la préfecture, le collectif THT 13/30 s’y oppose fermement. 

« Pour nous, il est hors de question de valider la solution aérienne qui traverse des sites protégés, avec une biodiversité unique au monde », insiste Jean-Luc Moya. 

Le militant propose à la place un projet alternatif, fruit d’une longue réflexion. D’abord, il s’agit d’enfouir une première ligne de 2GW entre Fos-sur-Mer et Jonquières-Saint-Vincent via les digues du Rhône. 

« On a vérifié la compatibilité auprès de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), et on nous a dit qu’il n’y aurait pas de problème », corrobore à ce titre Sébastien Mabile. 

Crédit photo : Jean-Luc Moya – Préfet Georges-François Leclerc

Deuxio, une deuxième ligne supplémentaire de 2GW serait, elle, ensouillée dans la mer entre Port-La-Nouvelle et Fos-sur-Mer. Pour ce volet-là du projet alternatif, rien de neuf sous le soleil, puisqu’il s’agirait de réhabiliter le projet de ligne « Midi-Provence », un temps porté par RTE avant d’être abandonnée au milieu des années 2010.

Ce projet alternatif clairement énoncé, le collectif THT 13/30 entend continuer à faire entendre sa voix durant la totalité du débat public. 

« On va faire un cahier d’acteurs pour contribuer au débat, dit Jean-Luc Moya, même si on n’est pas dupes. Le président de Région [Renaud Muselier, NDLR] et le ministre [de l’Industrie et de l’énergie, Marc Ferracci, NDLR] ont clairement annoncé leur soutien à la ligne aérienne, et ce avant même que le débat public ne débute », regrette-t-il. 

RTE, de son côté, assure via son site qu’il « prendra en compte les enseignements du débat (…). Cependant, pour tenir les délais liés à la décarbonation (…), RTE continue dès à présent le dialogue territorial, les études de détail et l’instruction des autorisations ».

Continuer à se mobiliser

Pas de quoi démobiliser les opposants au projet, dont la visibilité politique et médiatique ne fait que croître. 

« Si le projet est maintenu en l’état, on attaquera la Déclaration d’utilité publique (DUP) », assure Sébastien Mabile, qui garde notamment en tête le projet de ligne de ligne de 400 000 volts entre Boutre (Var) et Carros (Alpes-Maritimes). Alors que ce dernier devait traverser le site classé des gorges du Verdon, la DUP avait été annulée par le conseil d’État « au motif que le projet portait notamment atteinte au caractère exceptionnel du paysage ».

En Camargue, la lutte ne fait peut-être que commencer, à l’image de nombreux autres territoires où, des Landes aux boucles de la Seine, la colère gronde contre les projets de ligne à THT. Alors que le collectif attend toujours l’étude « indépendante et contradictoire » demandée par la préfecture sur les possibilités d’enfouissement de la ligne, il a fait le choix de s’entourer de Louis Cofflard Avocat et Baldon Avocats pour la suite de la bataille. 

La pétition contre le projet comptabilise, elle, à ce jour, près de 37 000 signatures.

Cecile Massin

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