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Retraites : le référendum d’initiative partagée a-t-il une chance de tuer la réforme ?

Outre la rue, le dernier espoir de l’opposition – c’est-à-dire des Français, dans leur majorité – réside dans le référendum d’initiative partagée (RIP).

Parmi les dernières manœuvres pour bloquer la réforme des retraites, le référendum d’initiative partagée, enclenché par des députés de la Nupes, est une procédure longue et pavée d’embuches, dont aucun exemple n’a à ce jour abouti. Alors, l’espoir est-il permis ?

La réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron, et massivement rejetée par le pays – 9 actifs sur 10 se sont déclarés contre – sera passée dans la violence, la honte, et le désaveu démocratique.

Rien, ni les grèves, ni les blocages, ni les mobilisations répétées de la population, ni même la motion de censure rejetée à 9 voix près, le 20 mars dernier, n’aura permis d’enrayer la marche de cette loi détestée, dont l’article principal porte l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.

Outre la rue et la décision du Conseil Constitutionnel sur la constitutionnalité du projet de loi, le dernier espoir de l’opposition – c’est-à-dire des Français, dans leur majorité – réside dans le référendum d’initiative partagée (RIP).

Le 17 mars, la coalition de la gauche (Nupes) a déclenché cette procédure en récoltant les voix de 252 parlementaires, sur 185 nécessaires à minima (soit 20 % du Parlement). Ce n’est pourtant que le début, car le RIP doit encore passer par une série d’étapes qui sont autant de freins à l’expression de la volonté populaire.

Première étape : l’approbation du Conseil constitutionnel

Avec le vote d’un cinquième au moins des parlementaires, le RIP est automatiquement soumis au Conseil constitutionnel. Le texte de la Nupes se présente sous la forme d’une proposition de loi dont l’article unique affirme que l’âge légal de départ à la retraite « ne peut être fixé au-delà de 62 ans ».

Si elle était adoptée, cette loi référendaire bloquerait toute réforme, du moins symboliquement, pour les décennies à venir.

L’institution des « sages » dispose désormais d’un mois pour s’assurer que la procédure entre bien dans le cadre de la révision constitutionnelle et de la loi de 2015 introduisant le RIP. À priori, ce passage par le temple de la légalité peut être considéré comme acquis.

Les Sages du Conseil Constitutionnel
En haut de gauche à droite : François SENERS – Jacques MÉZARD – François PILLET – Michel PINAULT – Alain JUPPÉ
En bas de gauche à droite : Véronique MALBEC – Jacqueline GOURAULT – Laurent FABIUS – Corinne LUQUIENS

Deuxième étape : la consultation des électeurs

Les défis commencent ici : avant même d’être soumis au vote des Français, le texte du référendum d’initiative partagée doit être signé par 4,88 millions d’électeurs, soit un dixième du corps électoral du pays. Et ceci en neuf mois.

Sous la houlette du Conseil constitutionnel, le ministère de l’Intérieur met en place une plate-forme internet où chaque Français, muni de sa carte d’identité, peut déposer son approbation. Chaque canton doit également disposer d’un point de vote physique.

Il y a là un premier écueil presque insurmontable : en l’absence de communication institutionnelle et de tout autre instrument incitatif, et compte tenu de la difficulté de la démarche dématérialisée, la récolte de près de 5 millions de signatures relève non de l’exploit, mais du miracle.

Seul exemple de procédure étant parvenue à cette étape, le RIP portant sur la privatisation des Aéroports de Paris, en 2019, n’a recueilli que 1,1 million de signatures – un score déjà impressionnant, quand on pense que les pétitions en ligne, plus faciles d’accès, dépassent très rarement ce chiffre. La démarche n’a pas pu allé au bout, stoppé par le gouvernement à cause du coronavirus.

Le RIP sur la réforme des retraites doit donc faire le plus de bruit possible s’il est accepté pour ne pas s’éteindre silencieusement dans ces neuf longs mois de consultation.

Troisième étape : l’approbation du Parlement

Disons cependant que par un sursaut de mobilisation inouï, la proposition de loi soit signée par un minimum de 4,8 millions d’électeurs. Le texte doit ensuite être examiné au moins une fois par l’Assemblée nationale et le Sénat, dans un délai de six mois.

Là non plus, rien ne contraint les deux chambres du Parlement à approuver le référendum, qui peut être tout bonnement rejeté. La procédure longue d’un an et demi tomberait alors à l’eau. Et avec une Assemblée en état de mort cérébrale, court-circuitée par les 49.3, un tel cas de figure reste plus que probable.

Du RIP au RIC

Aucun RIP n’a à ce jour abouti à un véritable référendum. Les raisons en sont évidentes : cette procédure a été pensée pour donner des gages, sur le papier, à l’État de droit, mais pour être tout à fait impossible à mettre en œuvre dans la réalité.

Le Conseil constitutionnel lui-même ne s’y est pas trompé : dans son premier bilan sur le RIP, publié en juin 2020, l’institution constatait le « manque d’ergonomie générale du site internet dédié », l’absence de « dispositif d’information du public », et le découragement provoqué par « l’exigence d’un nombre de soutiens à atteindre très élevé », une procédure « complexe » et un résultat « hypothétique ».

Tout concourt ainsi à démontrer que le RIP n’a rien pour inquiéter le parti présidentiel ni l’Élysée, qu’aucune disposition n’empêche d’ailleurs de promulguer entre-temps la réforme des retraites.

Pour rendre le RIP possible, il faudrait qu’il n’émane pas du Parlement et n’ait pas à être approuvé par celui-ci, et que le nombre de signatures nécessaires lors de la consultation soit largement réduit.

Mais alors, le RIP deviendrait un RIC, un référendum d’initiative citoyenne, une forme de consultation du peuple que les Gilets jaunes n’ont cessé d’appeler de leurs vœux. Et bien plus simple que la procédure actuelle.

Les Sages du Conseil Constitutionnel, eux, rendront leur décision le vendredi 14 avril : l’une sur la constitutionnalité du projet de loi adopté au Parlement après un recours au 49.3, et l’autre sur la recevabilité de la demande de référendum d’initiative partagée (RIP).

Augustin Langlade

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