En 1994, la Suède engageait une réforme majeure qui reportait l’âge du départ à la retraite à 65 ans. Le résultat, 30 ans plus tard, est catastrophique : cela a entraîné une paupérisation massive de la population, aggravé par l’inflation et l’allongement de l’espérance de vie. Les personnes les plus fragilisées sont les femmes, les autoentrepreneurs et les employés à temps partiel.
En 1994, la Suède a engagé une réforme des retraites pour passer d’un système par répartition, où le niveau des pensions est indexé sur les quinze meilleures années, à un régime universel, où chaque couronne cotisée ouvre les mêmes droits. Si l’âge légal de départ à la retraite est officiellement supprimé, avec un arrêt possible dès 61 ans, les suédois ne peuvent dans la pratique toucher le niveau minimum garanti et certaines aides au logement qu’à partir de 65 ans.
A l’époque, le gouvernement estimait que ces nouveaux modes de calcul inciteraient les suédois à travailler plus longtemps. Or, non seulement ils partent toujours à la retraite plus tôt, mais surtout cette réforme a entraîné une baisse moyenne du niveau des pensions perçus par les retraités.
Selon une étude de la caisse des pensions suédoises réalisée en 2019, 72 % des hommes et 92 % des femmes à la retraite ont subi une baisse de leur pension et de leur pouvoir d’achat après la réforme du système.
La pauvreté s’est accentuée à tel point chez les retraités suédois que l’initiateur de cette réforme, Karl Gustaf-Scherman, déconseille aujourd’hui à la France de recopier ce modèle :
« Beaucoup de gens qui pourraient travailler jusqu’à 65 ans ne le font pas, parce qu’ils pensent que c’est suffisant. Nous avons une nouvelle formule pour calculer les pensions : il faut que les gens travaillent plus longtemps mais on ne leur explique pas, et nous n’aidons pas ceux qui en ont besoin. Ce que je dirais à Emmanuel Macron, c’est de réformer mais à la française, il ne faut pas recopier le modèle suédois » explique l’ancien responsable de la sécurité sociale suédoise à l’antenne de BFM-TV
Près de la moitié des femmes retraités sont au seuil de pauvreté en Suède. Selon la septuagénaire Birgitta Sevefjord, cofondatrice de Tantpatrullen, un collectif de femmes qui milite pour la réforme du système des retraites, analyse pour LeMonde :
« C’est un système qui privilégie les hommes, en bonne santé, éduqués, ayant de hauts salaires et capables de travailler pendant au moins quarante ans. »
En effet, alors que le niveau des pensions dépendait majoritairement du régime général avant la réforme, il a basculé sur celui d’entreprise, financé par l’employeur et régulé par les accords collectifs qui peuvent varier d’une entreprise à l’autre. Or, si 90% des salariés ont bien droit à cette pension « complémentaire », ce n’est pas les cas des autoentrepreneurs ou des employés à temps partiel, en majorité des femmes.
Résultat, le niveau des pensions a baissé bien plus que ce que le gouvernement suédois avait prévu, mettant aujourd’hui les partis politiques dans une situation délicate face à une paupérisation massive de la population.
En France, une dynamique similaire s’est enclenchée en 2010, lorsque le report de l’âge légal de la retraite est passé de 60 à 62 ans, le nombre d’allocataires du RSA de plus de 58 ans a augmenté de 60 000 personnes. Le même phénomène a été observé sur l’augmentation de personnes dépendant de l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) et l’Allocation de Solidarité Spécifique (ASS) avec 20 000 personnes de plus.
La pauvreté menace en moyenne 16,8 % des plus de 65 ans dans l’Union européenne, selon Eurostat (données de 2021). Avec 10,9 % de plus de 65 ans en situation de risque de pauvreté, la France affiche aujourd’hui l’un des taux les plus bas d’Europe. Jusqu’à la réforme ?