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Qui sont les riches en France ? un rapport dévoile tout sur le sujet

La part de l’héritage dans le patrimoine des Français connaît une expansion exceptionnelle au XXIe siècle, au point que « se constituer un patrimoine avec les seuls revenus du travail » serait devenu « aussi rare aujourd’hui que dans les années 1920 ».

Qui peut-on considérer comme riche ? Existe-t-il, en France, un « seuil de richesse » comme il en existe un pour la pauvreté ? Et comment le définir ? Dans son nouveau « Rapport sur les riches en France », publié le 1er juin, l’Observatoire des inégalités a répondu à ces questions. En voici la synthèse et les chiffres-clés.

« En France, personne n’aime être qualifié de “riche”. Chacun voit midi à sa porte et trouve que les riches sont ceux dont le niveau de vie est supérieur au sien. […] Nous cherchons à faire progresser l’information en appelant un chat un chat, en employant le mot “riche” quand il nous semble justifié. Quitte à faire grincer quelques dents. »

Dès l’avant-propos du rapport, Louis Maurin, fondateur et directeur de l’Observatoire des inégalités, donne le ton : alors qu’un seuil de richesse est publié depuis 20 ans en Allemagne, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) n’a jamais jugé nécessaire d’en définir un pour la France.

En l’absence de critères officiels, l’Observatoire des inégalités l’a donc fixé lui-même : peuvent être considérées comme riches, selon lui, toutes les personnes dont le niveau de vie est égal ou supérieur à deux fois le revenu médian, que l’Insee établissait, en 2019, à 1 837 euros par mois.

Avec cette première méthode de calcul « en fonction des revenus », le seuil de richesse français est franchi à partir de 3 673 euros par mois pour un adulte seul, 5 511 euros pour un couple et 7 713 euros pour une famille avec deux enfants de moins de 14 ans. Le tout, une fois les impôts déduits et les prestations sociales incluses.

Ce barème conduit l’Observatoire à conclure que la France comptait, en 2019, quelque 4,5 millions de riches, soit 7,1 % de la population.

Pour faire partie des 10 % les plus riches, en revanche, le seuil baisse : un contribuable devra passer la barre des 3 328 euros par mois. Pour être recensé parmi les 5 % les plus fortunés, il devra gagner 4 156 euros ; et pour intégrer le club très sélect des 1 %, les « super-riches » dont on ne dénombre que 630 000 membres, son revenu mensuel net d’impôts devra se hisser à 7 180 euros au moins.

Les riches de plus en plus riches

Voilà pour les revenus. Passons maintenant au second mode de calcul développé par l’Observatoire, « en fonction du patrimoine », c’est-à-dire la possession de biens immobiliers ou financiers : cette fois-ci, le seuil de richesse est fixé « au triple du patrimoine médian », soit 490 000 euros.

Dans cette optique, il y aurait « 4,5 millions de ménages fortunés en France, représentant 15,5 % de l’ensemble des ménages », 1,2 million de ménages millionnaires et 143 000 « grandes fortunes immobilières », celles qui jouissent de l’insigne privilège de payer l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière remplaçant, depuis 2017, celui de solidarité sur la fortune (ISF).

Les riches « en patrimoine » sont de plus en plus riches« entre 1998 et 2010, le patrimoine moyen des 10 % les plus fortunés [est] passé de 552 700 euros à 1 243 000 euros », écrivent les auteurs du rapport –, et contrairement aux riches « en revenus », ils sont de plus en plus nombreux : entre 2018 et 2020, le nombre de ménages redevables de l’IFI – possédant donc « au moins 1,3 million d’euros de biens immobiliers après abattements » – aurait augmenté de 8 %.

À l’heure actuelle, ces fameux 10 % des plus fortunés disposent de 46 % du patrimoine de l’ensemble des ménages ; et comme si cette inégale répartition ne suffisait pas, l’Observatoire indique qu’« entre 1999 et 2019, [leur] niveau de vie annuel moyen […] a progressé de 9 100 euros une fois l’inflation déduite, contre 3 300 euros pour les classes moyennes ».

Comble de l’ironie, sur la même période, le taux de pauvreté (dont le seuil est fixé à 60 % du revenu médian) a également augmenté : entre 2004 et 2019, il serait passé de 12,7 % à 14,6 % de la population (9,2 millions de personnes), retrouvant son niveau de 1979.

Lire aussi : « La décroissance implique d’instaurer un salaire maximum acceptable »

L’héritage au plus haut depuis les années 1920

Si l’on en croit les calculs de l’économiste Thomas Piketty que reprend l’Observatoire des inégalités, la part de l’héritage dans le patrimoine des Français connaîtrait une expansion exceptionnelle au XXIe siècle, au point que « se constituer un patrimoine avec les seuls revenus du travail » serait devenu « aussi rare aujourd’hui que dans les années 1920 ».

Jusqu’à la Première Guerre mondiale, indique le « Rapport sur les riches », cette proportion de l’héritage était « proche de 90 % ». Sous l’effet des deux conflits mondiaux, qui « ont redistribué les cartes du patrimoine privé », elle « a ensuite régulièrement diminué jusqu’en 1970, pour atteindre moins de 50 % ».

Or, depuis la fin des Trente Glorieuses, « la part de l’héritage remonte rapidement », notamment à cause de l’augmentation ininterrompue des prix de l’immobilier. Les années 2010 retrouvent ainsi « le niveau que la société française connaissait un siècle plus tôt », lorsque deux tiers du patrimoine provenaient de l’héritage.

Dans 87 % des cas, celui-ci est inférieur à 100 000 euros (seuil sous lequel il n’est pas taxé). Mais ce chiffre ne doit pas induire en erreur : la plupart des grosses sommes d’argent et des gros patrimoines sont touchés par des riches, auxquels profite pleinement le système de transmission actuel, dans lequel « 1,3 million d’euros peuvent être transmis sans devoir de droits de succession », précise l’Observatoire des inégalités, qui plaide pour que ces règles soient réformées.

Lire aussi : Quand le coût de la vie augmente, les profits des ultra-riches explosent

Portrait-robot du riche

« L’outil du “seuil de richesse” est imparfait et ne prend, par exemple, pas en compte le poids du logement, pas plus d’ailleurs que le seuil de pauvreté, nuançait Louis Maurin à la sortie du rapport. La situation d’un propriétaire qui a déjà remboursé son crédit n’a pourtant rien à voir avec celle d’un locataire au lourd loyer ou d’un jeune accédant endetté. »

Pour combler ces lacunes méthodologiques, l’Observatoire dresse un portrait-robot des 10 % les plus riches en France, à travers une description sociologique et des chiffres-clés prenant en compte « des formes non monétaires de la richesse ».

D’un âge moyen de 57 ans, sans enfant à charge dans deux tiers des cas, le riche « en revenus » serait ainsi propriétaire « d’un bel espace à soi » (souvent d’une résidence secondaire), posséderait une voiture plutôt haut de gamme, une grande garde-robe, et se déplacerait avec aisance sur un périmètre étendu, parcourant « en moyenne 7 900 km par an dans les airs ».

Retraité, cadre supérieur, artisan, chef d’entreprise ou de profession libérale (à 68 %), le riche « en patrimoine » vivrait en Île-de-France, dans une autre grande ville ou en proche périphérie. Il aurait un ample accès à la culture et se libérerait du temps par le recours au service à domicile, ou grâce à un emploi plus flexible que ceux des catégories inférieures.

Les principales mesures adoptées pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron lui auront sans doute profité.

Lire aussi : Les 10 hommes les plus riches ont augmenté leur fortune de 540 milliards de dollars depuis mars 2020

Augustin Langlade

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