Alors que des compagnies aériennes sont contraintes d’annuler leurs vols en raison de la montée du variant Omicron, la compagnie privée Lufthansa se voit dans l’obligation de maintenir des milliers de vols sans passager. 18 000 vols quasi vides vont ainsi être effectués afin d’éviter la perte des créneaux aéroportuaires de la compagnie, une aberration écologique et financière pour de nombreuses personnes concernées.
La compagnie allemande a annoncé l’annulation de 10 % de ses trajets cet hiver, soit 33 000 vols. Selon BFMTV, 18 000 vols supplémentaires auraient pu être annulés sur cette période, mais les règles européennes contraignent la majeure partie des trajets à être effectués.
« Malheureusement, nous devons effectuer ces 18 000 vols inutiles » a expliqué un porte-parole de Lufthansa pour la télévision régionale allemande, hr-fernsehen.
En effet, selon les règles européennes en vigueur depuis 1993, 80 % des créneaux de décollage et d’atterrissage dits « slots » doivent être assurés par les compagnies aériennes, sans quoi elles perdent les créneaux qui leur sont attribués l’année suivante, au profit de leurs concurrents.
Cette règle surnommée « 80/20 », ou « use-it-or-lose-it » a rapidement été dénoncée au début de la pandémie, pour son impact économique et environnemental catastrophique. Des voix se sont élevées pour en dénoncer les conséquences.
Le journal The Times a lancé l’alerte sur ces « vols fantômes », tandis que des acteurs politiques tels que le ministre britannique des transports Grant Shapps et le ministre français de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire ont écrit à la Commission européenne afin de faire abolir cette règle.
L’EUACA, association européenne des créneaux aéroportuaires, a également demandé l’abolition de cette règle jusqu’à fin juin 2021, avec la possibilité de prolonger cette mesure selon l’évolution de la crise sanitaire.
Le 10 mars 2020, pour répondre au mouvement collectif d’indignation, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a annoncé un assouplissement temporaire des règles d’utilisation des slots, jusqu’au 24 octobre de la même année, puis a finalement été étendu jusqu’en mars 2021.
Au printemps de l’année dernière, la Commission a réintroduit ces règles, cette fois-ci en limitant le seuil des créneaux devant être assurés à 50 % plutôt que 80. Mais ce taux est insuffisant pour limiter les vols à vide pour de nombreuses compagnies. Le directeur général de l’association du transport aérien international (IATA), Willie Walsh, a estimé que cette décision est « déconnectée de la réalité ».
Il ajoute : « Il est fort ironique que seulement une semaine après que la Commission a publié son plan d’émissions de carbone Fit for 55, elle publie un règlement sur les créneaux horaires qui peut obliger les compagnies aériennes à voler, qu’il existe ou non une demande suffisante pour cette route. Le commissaire aux Transports Valean a déclaré : « Nous devons agir avec ambition pour notre planète, mais sans punir nos citoyens ou nos entreprises ». De toute évidence, cette décision sur les créneaux ne remplit pas ces conditions »
Dans une interview pour Frankfurter Allgemeine Zeitung, l’un des trois quotidiens allemands les plus lus, Carsten Spohr a également fustigé ces mesures qui nuisent au climat et au nouveau paquet de propositions Fit For 55.
Ce projet prévoit une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 par rapport à l’année de référence choisie, 1990. Le volume du trafic aérien mondial double tous les 15 ans depuis le milieu des années 1970, ce qui équivaut à un taux de croissance de 5 % par an. L’objectif de Fit For 55 semble donc compromis si les compagnies sont forcées d’opérer des vols inutiles.
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