L’ouverture des vannes du barrage de Collanges, en Ardèche, a déversé d’importantes quantités de boue et de métaux lourds en aval de la retenue d’eau, provoquant la mort des poissons et insectes aquatiques qui y vivent. Les habitants des communes limitrophes, dont l’eau courante provient de la rivière, sont inquiets.
Un barrage pollue gravement
Plus de 15 tonnes de poissons morts se sont échouées sur les berges de l’Eyrieux. « C’est un carnage, la rivière n’est plus que de la boue » s’insurge Gaetan Habauzit, directeur adjoint de la Fédération de l’Ardèche pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques.
« La rivière est devenue noire et boueuse » indique Gérard Brosse, maire de Dunière-sur-Eyrieux, auprès de La Relève et La Peste.
Le lâché des eaux a débuté le mercredi 2 octobre, constituant la première vidange du barrage depuis sa mise en activité en 1983. Les boues et sédiments accumulés durant les 40 dernières années sont venus polluer la rivière en contrebas. Un nettoyage qui aurait pu être réalisé « de manière propre » selon la Fédération de l’Ardèche pour la Pêche.
La décision du Président du Conseil Départemental, Olivier Amrane, a été prise pour « raisons idéologiques » selon l’eurodéputé EELV David Cormand. La démarche doit augmenter la capacité de stockage en eau du barrage, et ainsi permettre à quelques agriculteurs d’intensifier l’irrigation sur leurs parcelles. Le jour de l’annonce de la future manœuvre, le département avait organisé une conférence de presse et réuni les syndicats agricoles, avec une forte présence des Jeunes Agriculteurs.
Pourtant, la toxicité des boues retenues au fond de la structure est connue depuis longtemps.
Une pollution aux métaux lourds
Le barrage de Collanges a été construit sur une ancienne décharge utilisée par l’industrie textile et du bijou. A l’époque, pas de norme environnementale ni de station d’épuration ! Le coût de la dépollution est trop important. Les déchets sont recouverts de terre. L’ouvrage devait servir à stocker l’eau pour les agriculteurs. Une base de loisirs était également prévue, mais le projet a été rapidement annulé, la nocivité des eaux rendant la baignade impossible.
Le 9 octobre, la Fédération de pêche de l’Ardèche a dévoilé les résultats de l’analyse de l’eau de la rivière menée par un laboratoire indépendant. Une multitude de métaux lourds ont été détectés, atteignant 12 fois les normes autorisées pour le chrome et le nickel, 58 fois pour le plomb, 700 fois pour l’aluminium, et 1 200 fois pour le fer.
Alerté depuis longtemps des potentiels dégâts de la vidange, le département a fait la sourde oreille. Lorsqu’une institution effectue des travaux sur une zone humide avec une surface de frayère, lieu où les poissons déposent leurs œufs, de plus de 200 m2, elle doit présenter des mesures compensatoires avant d’obtenir une autorisation. Le bureau d’étude diligenté par le département a estimé cette surface à 195 m2, pile en-dessous du seuil. La Fédération de pêche de l’Ardèche a, elle, décompté 19 000 m2.
« L’étude a bien été orientée comme il faut pour que l’on soit dans les clous » conclut Gaetan Habauzit pour La Relève et La Peste.
L’eau courante est puisée dans la rivière
Le pompage des eaux de l’Eyrieux pour approvisionner les communes limitrophes en eau courante s’effectue 30 kilomètres après le barrage. A cet endroit, les dernières analyses, effectuées le jeudi 10 octobre, indiquent que la potabilité de l’eau est correcte. Mais l’inquiétude règne.
« Sur du moyen et long terme nous sommes inquiets, les métaux ne se dissolvent pas dans l’eau comme du sucre ou de la farine, cela va laisser des traces » alerte Gérard Brosse, maire de Dunière-sur-Eyrieux, auprès de La Relève et La Peste.
Pour que l’eau issue du barrage arrive jusqu’à la nappe phréatique au sein de laquelle les prélèvements d’eau potable sont effectués, il faut « environ une vingtaine de jours ». Les premières traces de métaux lourds pourraient être décelés à partir du 22 octobre.
Les politiques commencent à se mobiliser pour tenter de réparer ce qui est réparable. David Cormand a écrit une lettre à la préfète, lui demandant de stopper le processus. L’eurodéputé nous indique, ce mercredi 16 octobre, n’avoir pas « eu de réponse » à celle-ci. Est-il déjà trop tard ?
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