En déplacement dans l’Aberdeenshire lundi, Rishi Sunak, le Premier ministre britannique, a indiqué valider des centaines de nouvelles licences d’exploitation gazières et pétrolières en mer du Nord. Un plan qu’il qualifie de « meilleur pour le climat ».
« Aucun danger n’est plus imminent que d’étendre l’utilisation des combustibles fossiles » déclarait Antonio Gutteres, secrétaire général de l’ONU, au dernier sommet des grandes économies mondiales sur l’énergie et le climat.
Selon le Giec, nous avons jusqu’à 2025 pour plafonner nos émissions de CO2 puis entamer une décarbonation de nos modes de vie et de production.
Pourtant les nouvelles exploitations d’énergies fossiles pullulent à travers le monde, boostées par une augmentation des prix qui en font des poules aux œufs d’or pour les multinationales. Le Royaume-Uni ne fait pas défaut à cette règle.
Rushi Sunak, le premier ministre conservateur britannique, a annoncé lundi 31 juillet, la validation de « centaines de nouvelles licences d’exploitation gazières et pétrolières » en mer du Nord à partir de l’automne prochain.
Présentées comme « meilleures pour le climat », elles permettront d’améliorer la « sécurité énergétique du pays », qui ne « dépendra plus de dictateurs étrangers » selon les mots du chef du gouvernement. Les nouvelles ressources domestiques nécessiteront « deux, trois, quatre fois » moins d’émissions de CO2 que si elles étaient acheminées depuis l’autre côté de la planète a-t-il expliqué.
Un plan qui, à l’instar de la loi industrie verte d’Emmanuel Macron, revêt l’apparence du « greenwashing », selon Greenpeace, pour rapatrier les capacités de production d’énergie au Royaume-Uni sous couvert d’une planification écologique.
« Protéger les britanniques » de l’inflation
Rishi Sunak l’assume, il veut « stimuler les emplois et la croissance », « protéger les britanniques » et « faire baisser le prix de l’énergie ». Son secrétaire d’état à la Sécurité et à la Neutralité carbone, Grant Shapps, a osé pousser la caricature encore plus loin, expliquant que « le choix est simple : croissance ou chômage de masse ».
Le Royaume-Uni traverse une crise inflationnaire extrême. Depuis l’été dernier, le coût de la vie a augmenté de 8,7%. Plus grave encore, les prix alimentaires avaient atteint 18,4% de croissance en mai par rapport au printemps 2022.
Idem pour les prix de l’énergie, fortement impactés par la guerre en Ukraine et les sanctions économiques sur la Russie. Selon les statistiques du ministère de l’Energie, 13,4% des ménages britanniques, soit 3,26 millions, étaient en situation de précarité énergétique en 2022.
Rishi Sunak s’était alors lancé, au début de son mandat, dans une opération déflation, promettant de réduire l’augmentation des prix à 5% d’ici la fin de l’année 2023.
L’annonce des nouvelles exploitations a été très critiquée par l’opposition et les militants écologistes qui y voient « bien plus un jeu politique qu’une question de sécurité énergétique » a réagi Doug Parr, expert scientifique en chef de Greenpeace UK.
Devant les caméras des télés britanniques, Rishi Sunak a commencé son argumentation en critiquant la politique énergétique du parti travailliste qu’il a accusé de « protéger les emplois russes », pays depuis lequel est importé une grande partie du gaz utilisé par le Royaume-Uni.
Grant Shapps n’y est pas non plus allé de main morte en expliquant dire « non à Just Stop Oil, et à leur aile politique le parti travailliste […] Ils donneraient à Poutine le pouvoir de faire chanter le Royaume-Uni, de mettre 213 000 personnes au chômage ».
Just Stop Oil est un mouvement militant lancé en février 2022 engagé contre les nouvelles licences et la production d’énergies fossiles au Royaume-Uni. Les activistes ont utilisé la désobéissance civile à de nombreuses reprises ces derniers mois.
La répression du mouvement est importante, plus de 2 000 militants ont déjà été arrêtés et plus d’une centaine a été condamnée à des peines de prison. En janvier, le gouvernement a voté en faveur d’un amendement permettant l’arrestation préventive de militants prévoyant de participer à un blocage.
Les mouvements militants ne sont pas les seuls à critiquer la politique du gouvernement. Plus de 600 scientifiques ont écrit à Rishi Sunak, et ce pour la deuxième fois après avoir été ignorés par le Premier ministre en mars, pour l’inciter à bloquer les nouvelles approbations de nouveaux champs pétroliers et gaziers.
« Soutenir la capture carbone »
En déplacement lundi dans l’Aberdeenshire, dans le nord-est de l’Ecosse, pour soutenir la création d’une usine de captation de carbone, le Premier ministre britannique a envoyé un message clair : le décarbonation de l’économie du pays passera non pas par la réduction des émissions carbone mais par leur captation.
L’usine d’Aberdeenshire pourra, quand elle sera achevée, capturer un million de tonnes de dioxyde de carbone par an et le stocker dans des puits de pétrole épuisés sous la mer du Nord. Cela équivaut à la captation de CO2 d’environ 40 millions d’arbres.
Le Giec estime la capture carbone comme une voie indispensable pour atteindre la neutralité carbone en 2050, notamment pour réduire l’impact des industries aux émissions incompressibles comme l’aviation.
Dans sa feuille de route pour atteindre l’objectif « Net zero by 2050 », l’Agence internationale de l’énergie indique que l’humanité devra capter 7,6 milliards de tonnes de CO2, soit 20% des émissions actuelles, pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Pourtant, comme le déplore Just Stop Oil : « chaque nouvelle licence pétrolière ou gazière rend l’objectif de zéro émission nette plus difficile à atteindre et le réchauffement global plus difficile à arrêter ».
Certains experts du Giec mettent en garde contre la mal-adaptation que peut générer ce type de technologie. La capture carbone favorise les entreprises pollueuses qui peuvent générer des crédits carbone ce qui leur permet de compenser leurs émissions.
« Cette technologie non éprouvée est un fantasme d’entreprise qui, selon les gros pollueurs, signifie qu’ils n’ont pas à apporter de changements aux activités qui détruisent le climat comme d’habitude » a déclaré Alex Lee, militant pour le climat des Amis de la Terre en Ecosse.
Selon Doug Parr, « aucune quantité de captage et de stockage du carbone, dont le Premier ministre s’enthousiasme aujourd’hui, ne rendra cela acceptable » a-t-il expliqué sur Twitter.
Le mois de juillet est le mois le plus chaud jamais enregistré. Les nouvelles exploitations d’énergies fossiles sont chacune des nouvelles « bombes climatiques ». Pourtant aucun gouvernement ne semble vouloir envisager des changements systémiques. La perspective d’une croissance économique faible terrorise bien plus que le réchauffement climatique.
Selon Just Stop Oil, ces nouvelles licences constituent « 100 nouveaux crimes contre l’humanité ».