Dans le Sud des Landes, à Tarnos, une école pas comme les autres apprend aux enfants à grandir en harmonie avec la nature. Innovante, laïque, pluri-pédagogique, cette école éco-citoyenne construit son programme pédagogique autour de nombreux projets en plein air et permet aux petits et grands de devenir des citoyens éclairés, épanouis et acteurs d’une société respectueuse du vivant.
Sortir du formatage de l’éducation nationale
L’école OSE a été créée par Camille Colombain et Fanny Dubois. Toutes deux issues du milieu de l’éducation nationale, c’est face à la difficulté des enfants « atypiques » de s’insérer dans le milieu scolaire classique qu’elles ont eu envie de proposer une école respectueuse du rythme de chaque enfant.
« On a chacune eu des expériences avec classes surchargées et des enfants en grande difficulté, moi j’étais avec des enfants qui ont des troubles du comportement, et Fanny a été avec des enfants aux troubles de l’apprentissage. Et on s’est rendues compte que ce n’était pas adapté de mettre tous les enfants avec les mêmes problèmes ensemble. Il faut une école inclusive qui mélange les enfants « ordinaires » et « extraordinaires ». On se disait aussi que tous les enfants ont des journées à rallonge, de 8h à 17h à l’école, puis ils sortent, vont chez l’orthophoniste pour certains ou faire des activités extra-scolaires, ils rentrent il y a des devoirs, ils mangent et tout de suite au lit. On s’est dit mais c’est quoi cette vie qu’on offre aux enfants où ils n’ont même plus le temps de jouer librement ? On leur demande de s’asseoir 6h par jour quasiment, ce n’est pas respectueux des rythmes de l’enfant. » explique Camille Colombain pour La Relève et La Peste
Et pour cause, l’éducation nationale reproduit trop souvent un schéma de société qui ne correspond plus aux aspirations individuelles et sociétales, où des professeurs passionnés sont confrontés à des manques de moyens problématiques selon les territoires. C’est ce qui a poussé Val, l’une des mamans, à mettre sa petite fille à l’école OSE.
« Outre les dysfonctionnements que tout le monde connaît, il me semble que le système scolaire a vocation à formater des enfants dans leur façon de penser, dans ce qui est bien ou pas, et à enseigner des choses certes importantes mais qui ne sont pas les seules à l’être. Evidemment, il y a des exceptions au sein des enseignants mais ce n’est pas ce à quoi encourage le système éducatif français actuel. Puis on parle beaucoup d’inclusion pour les enfants différents, mais sans manque de moyens, l’inclusion sur le terrain se passe mal. En tant qu’assistante scolaire, j’ai assisté au broyage d’enfants et il était hors de question que ma fille soit là-dedans, même si elle n’a pas de soucis et n’aurait pas été directement broyée, je n’ai pas envie de cautionner ce système-là. » explique-t-elle pour La Relève et La Peste
L’école OSE ne se revendique pas d’une méthode pédagogique précise (comme Montessori, Freinet ou Forest School) mais a construit tout son projet autour de la dimension écologique. D’abord, une écologie intérieure pour apprendre aux enfants à se positionner, savoir qui ils sont, comment gérer leurs émotions, connaître leurs limites, ressources et talents.
« Bien se connaître soi-même permet ensuite d’aller vers une écologie relationnelle, comment on fait pour bien vivre ensemble, et ensuite prendre soin de l’environnement. Notre pédagogie est une pédagogie avec et par la Nature. C’est une pédagogie consciente où on va vraiment apprendre aux enfants à prendre soin d’eux-mêmes, de leurs relations et de la Terre. » explique Camille Colombain pour La Relève et La Peste
A l’école OSE, il n’y a donc pas de devoirs, et les soignants, comme une psychomotricienne, interviennent pendant le temps de classe des enfants afin de ne pas surcharger leurs journées. Les 34 élèves âgés entre 3 et 11 ans sont répartis en deux classes de 3/6 ans et 7/11 ans mais ont de nombreux chantiers et projets communs.
Des projets pluri-disciplinaires
L’école OSE, après de nombreuses recherches fastidieuses, a trouvé accueil dans un lieu unique : la ferme Emmaüs Baudonne, dont le directeur Gabi voulait donner vie à une célèbre phrase de Victor Hugo : « Quand on ouvre une école, on ferme une prison. »
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Dans cet écrin de verdure, entouré par une véritable forêt de plusieurs hectares, les enfants peuvent apprendre en toute sérénité autour de projets collectifs, le plus souvent à l’air libre.
« Grâce à la pédagogie de projets, on peut faire travailler beaucoup de compétences. Il faut juste être un peu rusé et beaucoup de préparation en amont. Par exemple, le potager est LE projet de l’année : on utilise les maths, l’art avec le design, l’aquarelle, les sciences du vivant avec la permaculture, etc. C’est plus concret et permet de rendre du sens aux apprentissages : j’apprends à mesurer et faire un angle droit parce que j’en ai besoin dans mon potager, j’apprends à écrire pour envoyer une lettre à la Mairie ou un proche. » détaille Camille Colombain pour La Relève et La Peste
Les parents sont d’ailleurs étroitement impliqués dans le programme pédagogique de l’école, comme Sébastien, un papa paysagiste et permaculteur qui anime l’atelier potager tous les mardis matins.
« L’idée, c’est de comprendre l’évolution du vivant, pas seulement comment on fait pousser une plante mais de quoi elle a besoin comme écosystème complet pour qu’elle puisse pousser en autonomie, observer le Vivant et son cycle. Le mélange des âges est très intéressant car les grands transmettent aux petits donc ça booste les petits dans les activités pour faire la même chose que les grands. Après, ils restent des enfants : des fois ils sont concentrés et d’autres pas. J’essaie alors de les ré-orienter pour transformer l’atelier et trouver une autre activité qui va permettre de canaliser leur énergie sur quelque chose de constructif, différent mais complémentaire à la précédente activité. C’est l’école que j’aurais bien aimé connaître quand j’étais petit, avoir de la liberté et une autre approche pédagogique, une proximité avec le Vivant, la Nature et pouvoir en profiter ne pas être enfermé toute la journée et pouvoir aller dehors c’est quand même génial pour un enfant. Le jardin leur permet aussi d’apprendre la patience et de réaliser qu’on ne peut pas tout avoir tout de suite. » explique Sébastien pour La Relève et La Peste
A l’école OSE, il n’y pas une seule intelligence qui soit valorisée, mais huit selon la théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner. Chaque enfant peut ainsi se positionner selon ses capacités innées, sans se sentir dévalorisé par rapport à ses camarades. Petit à petit, les enfants réalisent que leurs différences font aussi leur richesse.
« Moi j’aime bien l’école, la forêt. Avant j’étais dans une autre école mais j’aimais moins les profs, l’école publique était pas très sympa. Ici, il y a le jardin, et on fait des fois de la création de totems. » raconte le petit Caspar
« Un enfant avait été humilié à l’école classique par sa maîtresse et ne voulait plus y retourner. Ici, avec la Nature il s’est complètement reconnecté et réconcilié à l’école. Il adore grimper aux arbres, a une habileté et des compétences physiques incroyables. Désormais, il mène des projets en Nature, il a même fait un escalier en terre dans un endroit en forêt qui était glissant, et là il a pris sa place au sein du collectif et tout son potentiel peut se déployer. » raconte Camille Colombain dans un sourire pour La Relève et La Peste
Une micro-société tolérante
Les enfants restent donc encadrés dans des activités précises avec des objectifs pédagogiques nets. A terme, Fanny et Camille espèrent avoir fait la preuve de leur méthode pédagogique pour que l’école soit acceptée au sein de l’Education Nationale, et pouvoir embaucher des professeurs.
« Il n’est pas question de mettre les enfants dans une bulle aseptisée hors du monde extérieur. Nous essayons de créer une micro-société tolérante où on leur donne des outils pour vivre plus en conscience, et savoir gérer les formes de violence qu’ils pourront rencontrer dans leur vie à travers des mises en scène et des ateliers. On travaille beaucoup sur le savoir-être. De la même façon, on les encourage à s’accrocher et dépasser leurs échecs quand ils tâtonnent. Si l’enfant n’y arrive pas et qu’il passe à autre chose, il va continuer à se penser incapable, et après l’estime de soi n’est pas là. » ajoute Camille Colombain pour La Relève et La Peste
Les tarifs d’inscription sont basés sur le quotient familial, afin de favoriser la mixité sociale et donner sa chance à chaque enfant, et parent. Un espace d’apprentissage est ainsi destiné aux adultes : l’école des grands où les parents peuvent partager ensemble toutes leurs compétences pour pouvoir construire des modes de vie durable et apprendre tout au long de la vie.
Parents et intervenants extérieurs peuvent ainsi proposer des ateliers et conférences sur des sujets variés : cours sur la parentalité consciente par une maman psychologue, santé alternative comme la médecine ayurvédique, alimentation, éducation, communication non-violente, etc.
« Il ne s’agit pas de faire du prosélytisme mais d’ouvrir le champ des possibles. » explique Camille
« J’aime particulièrement le côté bienveillant, le côté Nature, la confiance en soi encouragée, l’entraide, le fait que tous les âges soient mélangés et la coopération enfants/adultes. On est tous conscients qu’on apprend les uns des autres et c’est ça qui est important pour moi. » témoigne Val, l’une des mamans de l’école, pour La Relève et La Peste
Et le succès est au rendez-vous : les parents trouvent leurs enfants plus tolérants et liés à la Nature, et toute la communauté était soudée autour de la Fête de la Nature pendant laquelle parents, intervenants et enfants ont mené de nombreux ateliers.
L’école est d’ailleurs complète et Fanny et Camille pensent déjà à la suite : ouvrir une classe maternelle et une classe collège dans un futur proche.