Subissant de plein fouet le dérèglement climatique, le Burkina Faso voit sa population confrontée à la désertification et la chute des rendements agricoles. Pour pallier l’insuffisance des pouvoirs publics, le GrAcEDD mène des projets d’éducation pour préparer les générations futures aux bouleversements en cours.
En septembre 2023, la lutte contre l’A69 basculait dans une nouvelle dimension avec l’entrée en grève de la faim de huit militants pour exiger l’abandon du projet, dont Thomas Brail, fondateur du Groupe National de Surveillance des Arbres (GNSA). Quelques jours plus tard, quatre burkinabè sont venus grossir les rangs des grévistes dans une démarche de solidarité internationale au nom de la cause environnementale.
Martin Ouédraogo, cofondateur du Groupe d’Action pour l’Environnement et le Développement Durable (GrAcEDD), explicite ainsi les raisons de soutien à La Relève et La Peste : « La planète n’a pas de frontières. Quand on parle de l’environnement comme d’un bien commun, la responsabilité de sa protection incombe à tous. »
Une classe de jeunes élèves en atelier pratique – © Martin Ouédraogo
Une pédagogie active adaptée aux enfants
C’est pourquoi le GrAcEDD a lancé un « projet d’éducation à l’environnement », qui a pour objectif d’éveiller les consciences écologiques de jeunes enfants. Cette première édition concerne 10 écoles situées dans les villes de Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Saaba. Ce sont donc 20 000 élèves, âgés de 2 à 6 ans, qui bénéficient désormais de cours théoriques et pratiques abordant les thématiques liées à l’environnement.
« Face aux enjeux écologiques actuels (changement climatique, perte des biodiversités, pollution des sols et des océans), il est essentiel de sensibiliser les jeunes générations. C’est cette urgence et cette responsabilité collective qui nous ont poussé à créer ce projet » explique Martin pour La Relève et La Peste.
Les membres de l’association ont conçu une initiation adaptée aux enfants et se sont entourés de spécialistes et volontaires expérimentés avec la petite enfance. En plus d’ateliers de sensibilisation, des activités pratiques sont organisées : plantations d’arbres, visite de sites écologiques, nettoyage d’espace naturel…
Une manière d’impliquer directement les élèves afin de “renforcer leur engagement et leur compréhension des problématiques environnementales.”
Planter un arbre, un geste symbolique pour marquer l’inauguration du programme du GrAcEDD – © Martin Ouédraogo
Réagir à un contexte environnemental alarmant
Le Burkina Faso est aujourd’hui confronté à des phénomènes extrêmes et cumulés : désertification rapide, baisse des rendements agricoles, sécheresse, déforestation massive… 80% de la population dépend du secteur primaire pour subvenir à leurs besoins, le réchauffement climatique et l’amenuisement des ressources qui en résulte sont des menaces très concrètes pour la subsistance des Burkinabè.
Un rapport du ministère de l’Agriculture, publié en 2018, alerte sur le fait “qu’environ 31% du territoire est touché par la dégradation” du fait de la désertification et de pratiques agricoles inadaptées.
Dans un pays où les impacts du dérèglement climatique sont visibles à l’œil nu, l’éducation environnementale ne peut rester périphérique. Pour Martin, il s’agit de redonner aux populations – en priorité aux enfants – les moyens de comprendre ce qui se passe autour d’eux.
« Chez nous, on ne parle pas de crise écologique au futur. On la vit déjà, et nous n’avons plus le droit à l’erreur. »
En l’absence de politiques publiques ambitieuses, le projet du GrAcEDD prend le relais là où l’État reste silencieux.
« Dire que la question est prise au sérieux, ce serait vraiment mentir. Elle n’est pas à l’ordre du jour », regrette-t-il.
L’association a ainsi choisi de ne pas solliciter de financement public national, préférant s’appuyer sur le soutien de certaines localités. Parmi elles : la commune de Saaba – lieu de lancement du projet – qui fournit du matériel ou un appui logistique. C’est également grâce au soutien technique du GNSA, et de dons de particuliers que l’association a pu concrétiser ses ambitions.
© Martin Ouédraogo
Un accueil enthousiaste
Dès les premières semaines, les retours ont été très encourageants. « C’est au-delà de ce que j’attendais », confie Martin à La Relève et La Peste. « Les enfants sont très intéressés, très curieux, et ils posent beaucoup de questions. » L’enthousiasme est tel que plusieurs écoles ont déjà demandé à étendre le programme au-delà de la maternelle, jusqu’au CM2, voire au collège et au lycée.
Conscient de ce potentiel, le GrAcEDD envisage déjà une deuxième phase du projet, avec l’élargissement progressif du programme à d’autres niveaux d’enseignement et d’autres régions du pays. L’objectif : faire de l’éducation à l’environnement un pilier structurant du parcours scolaire, et non une activité « ponctuelle ou périphérique ».
« Si on réussit à amplifier cette initiative, elle sera bien reçue dans tout le pays », espère Martin. Il souhaite que cette initiative puisse servir d’exemple pour encourager l’émergence d’autres initiatives similaires.
Tel un appel à la solidarité, Martin ne voit que l’union des populations du Burkina Faso afin de « lutter réellement contre ces fléaux auxquels nous faisons face ».
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