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Les prédateurs naturels sont bien plus efficaces que les chasseurs dans l’équilibre des forêts

Le retour du loup pourrait marquer un tournant contre l’apocalypse écologique en cours si on comprend son comportement et respecte son intelligence. Si l’humain apprend à le guider vers les animaux sauvages plutôt que les troupeaux domestiques, et laisse à chaque espèce la possibilité d’habiter le territoire.

Une nouvelle étude scientifique invite à repenser notre rapport au monde sauvage en rappelant un élément majeur : les loups sont indispensables à la pérennité des forêts, car ils régulent les populations de cervidés bien mieux que les humains.

La difficile cohabitation entre cervidés, loups et humains

Publié le 26 février sur le site du CNRS, un article de Romain Hecquet détaille cette nouvelle étude scientifique, menée par une équipe de chercheurs français du Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive de Montpellier et un américain, nommée « des cerfs, des loups et des humains : les coûts, les bénéfices et les challenges de vivre ensemble ».

Leur constat : alors que nous vivions la sixième extinction de masse, l’augmentation des cervidés et le retour des loups dans l’hémisphère Nord est un espoir pour la capacité de régénération des écosystèmes. Pourtant, cette prolifération des cervidés et réapparition des prédateurs naturels ne se fait pas sans heurts avec les agriculteurs, les forestiers, les bergers qui voient leurs troupeaux décimés, et les chasseurs. 

Crédit photo : Thomas Bonometti

Cette étude pose ainsi des questions sur la façon dont cohabitent les humains avec la faune sauvage, la façon de dépasser les clivages et l’importance vitale de reconnaître la valeur intrinsèque de chaque espèce dans l’équilibre d’un écosystème.

Un fragile équilibre

Si nous, humains, sommes facilement émerveillés par l’apparition de cervidés à l’orée d’un bois, leur prolifération a des conséquences majeures dont les forestiers sont les premiers témoins. En effet, ils broutent les jeunes pousses, ce qui empêche la régénération des forêts, compactent les sols, dévorent la végétation du sous-bois ce qui entraîne la disparition ou forte raréfaction de nombreux invertébrés, dont les insectes pollinisateurs, et par ricochet les vertébrés qui mangent ces insectes, comme les oiseaux.

La prolifération des cervidés, mais aussi d’autres espèces comme les sangliers, a également des conséquences sur l’agriculture, pour des dégâts occasionnés d’environ 20 millions d’euros en 2004 en France.

Pourtant, le but de l’étude n’est pas de dénoncer les impacts des cervidés, mais bien de démontrer le rôle essentiel des loups dans l’équilibre écosystémique des forêts et montagnes. Un équilibre écosystémique d’un milieu ne se cantonne pas à la simple addition des individus qui le composent, mais inclue bien la dynamique des relations et comportements des espèces animales et végétales.

« Le coût du risque est conséquent d’un point de vue écologique. Si on enlève le prédateur du système, on enlève quelque chose qui a joué un rôle essentiel dans la construction de la vie telle qu’on la connaît », précise Jean-Louis Martin, chercheur au Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE – CNRS) de l’Université de Montpellier 

Ainsi, la présence du loup oblige leurs proies à se concentrer sur les plantes les plus nourricières et à se déplacer régulièrement pour éviter d’être repérées et pourchassées. Ce comportement dédié à gérer le risque de prédation est nommé « écologie de la peur » et permet à la flore d’avoir le temps et l’espace nécessaire pour se régénérer. 

« Et protéger les forêts, c’est protéger le cycle de l’eau, donc la vie. » nous expliquait un forestier dans une tribune poignante

La place de l’humain

Au milieu de ces espèces : l’humain. A la fin du 18ème siècle, il y avait entre 10 000 et 20 000 loups en France (avec une moyenne de 6000 loups tués annuellement). Une persécution systématique a fini par avoir raison de l’espèce dans les années 1930. Puis, canis lupus est revenu peu à peu sur le territoire jusqu’à atteindre 530 loups à l’issue de l’hiver 2018-2019. Par comparaison, il y a 1500-2000 loups en Espagne et 1000-1500 en Italie.

En France, le débat fait rage entre « pro et anti-loups ». Premiers concernés, les bergers voient leurs troupeaux de plus en plus souvent attaqués par les prédateurs, ce qui met en difficulté leur travail, déjà très éprouvant et difficile, et leur cause des traumatismes émotionnels. Ils sont donc nombreux, notamment chez la Confédération Paysanne, à demander une politique de régulation de l’espèce.

A l’inverse, les associations de protection des animaux, comme cette étude scientifique, militent pour favoriser le retour des prédateurs naturels grâce à la mise en place de continuités écologiques entre les territoires, et surtout « une réforme majeure et en profondeur du monde de la chasse en France, dont la gestion de la faune sauvage est tout entière tournée, non pas vers la nature, mais vers les seuls intérêts des chasseurs qui, en se targuant d’être les « premiers écolos de France », sont en réalité davantage des ennemis de la biodiversité » comme le dénonce l’ASPAS.

D’une culture d’exploitation à une culture de régénération du Vivant

L’un des défis majeurs de l’espèce humaine, si elle veut permettre le maintien de ses conditions de vie sur Terre, est de passer d’une culture d’exploitation à une culture de régénération du Vivant.

Derrière ce changement civilisationnel, c’est toute une façon d’habiter et occuper l’espace qui doit être repensée, et nos relations aux autres espèces, animales et végétales, en est une pièce maîtresse. Ainsi, le rapport de l’humain au loup est symbolique des dégâts qu’une extermination totale et massive peut causer sur un écosystème.

Si les tensions que la présence de cet animal génèrent peuvent violemment diviser la société, des solutions existent pourtant bel et bien comme l’affirme le professeur Farid Benhammou, chercheur associé au laboratoire Ruralités de Poitiers qui étudie le loup et ses conséquences en France depuis 1998 : chien de protection, clôtures électriques, présence humaine mais surtout accompagnement technique et financier.

« Cela peut nécessiter que l’éleveur change sa façon de travailler, il peut alors avoir besoin d’un appui technique, d’une aide financière voire d’un soutien psychologique car certains peuvent légitimement avoir le sentiment d’être remis en cause et que, face au loup, leur monde s’effondre. Ça peut être vécu comme un traumatisme, surtout avec la charge médiatique qu’il y a autour de ce débat. C’est pourquoi il est important de leur donner la parole et de les écouter, bien en amont. » explique ainsi le professeur pour La Nouvelle République

Le retour du loup pourrait marquer un tournant contre l’apocalypse écologique en cours si on comprend son comportement et respecte son intelligence. Si l’humain apprend à le guider vers les animaux sauvages plutôt que les troupeaux domestiques, et laisse à chaque espèce la possibilité d’habiter le territoire.

« Nous faisons partie d’un socio-système complexe. Le défi à relever est d’arriver à mettre en place un mode opératoire qui prenne en compte cette complexité pour reconstruire notre cohabitation avec ces espèces », conclut ainsi Jean-Louis Martin dans son étude.

Le loup représente maintenant une chance d’apprivoiser nos peurs et reconnaître la légitimité et le droit de chaque espèce à vivre. Le loup deviendra-t-il l’animal totem de notre reconnexion au sauvage, et de notre perception de l’humain comme partie intégrante de la Nature ?

Laurie Debove

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