Face à la crise du logement sur le territoire landais, un collectif de sept femmes a lancé « Nomades Landes » : un projet de tiers-lieu alliant espaces partagés et logement social à destination des saisonniers et personnes sous contrat à durée déterminée. Leur but : proposer un lieu de vie écolo et créatif, permettant de recréer du lien sur le territoire, en partenariat avec un bailleur social.
Endiguer la crise du logement
A force de tout miser sur le tourisme, certains territoires traversent une crise du logement sans précédent. Comme de nombreuses communes littorales françaises, c’est le cas dans le Sud des Landes où l’explosion des résidences secondaires et des meublés touristiques empêchent l’accès au logement, que ce soit pour les populations locales ou les saisonniers venant travailler chaque été.
C’est ce constat dramatique qui a donné l’idée à Stéphanie Muraz, cheffe vegane de 37 ans, de créer un projet novateur : « Nomades Landes », un tiers-lieu écologique permettant de loger les saisonniers et personnes sous contrat à durée déterminée.
« Je souhaite créer un tiers-lieu avec au centre de son activité : l’hébergement. A la base, je souhaitais faire un hameau de tiny-houses pour déconstruire toutes nos façons de vivre : l’alimentation, l’hébergement, la façon dont on s’occupe de soi ; et les reconstruire de façon plus durable, via une espèce de communauté de la maison de demain et ce à quoi elle pourrait ressembler dans un monde idéal » explique Stéphanie en souriant pour La Relève et La Peste
Parti seule sans aucun soutien ni financement, Stéphanie a rencontré toutes les institutions et le tissu politique du territoire pour leur présenter son idée. Au point de convaincre le bailleur social XL Habitat de rejoindre au projet en finançant de la construction des futurs bâtis.
« Nous vivons ici les problématiques et les enjeux que traversent tous les littoraux extrêmement attractifs. Le foncier ou le logement sont de plus en plus inaccessibles pour les locaux, avec des prix déconnectés de leurs ressources et revenus. Quand je suis arrivée à la direction de l’Office Public de l’Habitat des Landes, il y avait moins de 4 000 demandes de logement social dans le territoire. Aujourd’hui, on a dépassé 10 000 demandes non satisfaites : on a de plus en plus de personnes avec des salaires mais qui ne trouvent pas de quoi se loger dans le privé à l’année. Résultat, des entreprises ont des difficultés de recrutement et pas uniquement pour les saisonniers » explique Marilyne Perrone, la directrice de XL Habitat, pour La Relève et La Peste
En Juillet, le Maire d’Hossegor a contacté l’équipe de Nomades Landes pour leur proposer de participer à un appel à projets de la commune répondant à cette problématique sur une parcelle de 5000m2, les obligeant à reformater le projet au cahier des charges. Les jeunes femmes se retrouvent en concurrence avec un énorme promoteur immobilier. Pour le moment 100% bénévoles, elles ont lancé une campagne de crowdfunding pour les aider à payer leur cabinet d’expertise comptable et frais de fonctionnement.
« Idéalement, on voulait réhabiliter des friches et pas construire du neuf. Nous souhaitons donc créer un bâtiment exemplaire avec des acteurs basco-landais dans le réemploi et l’aménagement de bâtiments comme SoliBat et Pachama qui font des chantiers de dé-construction. Nous voulons utiliser des matériaux de récupération du sol au plafond » explique Stéphanie pour La Relève et La Peste
Avec 70 lits pour de l’hébergement saisonnier, l’employeur prendra 30% du loyer en charge pour ses salariés. Un tirage au sort permettra de choisir les entreprises bénéficiaires année par année, pour permettre un roulement quelle que soit la taille de l’entreprise.
« De nombreux employeurs achètent des maisons entières pour les saisonniers ou doivent louer des mobil-homes, cette démarche n’est plus possible à cause du prix du foncier. La période estivale sera réservée aux saisonniers, mais on veut aussi pouvoir accueillir des CDD comme des stagiaires, des apprentis, et servir d’hébergement d’urgence le reste de l’année » précise Marion Sadi, membre de l’équipe Nomades Landes, pour La Relève et La Peste
Mais les jeunes femmes ne sont pas dupes : elles savent qu’il faudra une mobilisation populaire et une législation forte pour enrayer véritablement la crise du logement. Leur initiative se veut une pierre à l’édifice, pour une façon d’habiter le monde plus écologique et solidaire.
Un lieu de convivialité
Le tiers-lieu vivra 365 jours par an avec des ateliers de confection vêtements (upcycling), des studios d’enregistrement, ateliers de bien-être, de cuisine collaborative et l’organisation de nombreux événements. Les résidents devront participer à la vie du lieu à hauteur de 2h par semaine : entretien, cuisine, ateliers, gestion du bar, la cantine, construction d’hôtel à insectes, s’occuper du potager, du stand vélo, etc.
Stéphanie a été rejoint dans l’aventure par Marion S., Flora, Amélie, Anaïs, Aurélie et Marion R. qui ont chacune apporté leurs compétences au projet : gouvernance partagée et intelligence collective, communication, upcycling, ou éco-construction.
« On partage le même engagement, la même conviction : l’importance de se reconnecter ensemble, privilégier la loi de l’entraide et revenir à des lieux de vie plus communautaires. La crise du logement a créé de l’animosité entre les locaux et saisonniers, nous voulons leur offrir un espace de rencontres pour recréer du lien » confie Marion Sadi, membre de l’équipe Nomades Landes, pour La Relève et La Peste
Leur candidature lancée, l’équipe de Nomades Landes attend désormais la réponse de la municipalité d’Hossegor d’ici la fin de l’année. Qu’elles remportent le projet ou non, les femmes de Nomades Landes comptent bien finir par implanter leur projet sur le territoire et ont même un rêve : inspirer la création de tiers-lieux similaires selon les besoins de chaque territoire.
« Il faut que les collectivités débloquent des terrains pour favoriser des partenariats privé-public. On n’utilise pas quelque chose qui appartient à la collectivité pour faire ce qu’on veut, on co-construit avec eux malgré des intérêts parfois divergents. Le volet écologique commence à être bien intégré sur le territoire »
« Si tu t’arrêtes à ce qui te paraît impossible, tu ne résous jamais rien. J’étais seule quand j’ai commencé. Deux ans et demi plus tard, nous sommes devenus un interlocuteur de ces personnalités politiques, on avance avec nos convictions écolo et alternatives car personne ne peut plus nier la gravité de la crise écologique en cours et il y a beaucoup de choses à faire pour répondre à ce problème » conclut Stéphanie
Pour en savoir plus : voir le site Nomades Landes