Après un nouvel épisode de contamination des eaux des marques du groupe Nestlé, les préfectures des Vosges et du Gard, départements où sont implantées les sites de production de Vittel et de Vergèze, donnent deux mois à la multinationale suisse pour retirer ses filtres illégaux. La production d’eau minérale du groupe est menacée.
Les filtres illégaux de Nestlé
Il s’agit d’une « série de dysfonctionnements graves » permis par l’État qui s’est placé « en marge de la légalité en validant des investissements » de Nestlé « dans certains processus » souligne Alexandre Ouizille, sénateur socialiste de l’Oise.
Les eaux extraites de certains forages, qui servent notamment à alimenter les bouteilles de Perrier, Vittel, Contrex ou Hépar, sont régulièrement contaminées par des bactéries et des résidus de pesticides. Pour garantir la conformité de ses eaux, Nestlé a mis en place des dispositifs de microfiltration, notamment à 0,2 micron, qui permettent de les désinfecter.
Or, pour qu’une eau minérale soit « pure à la source », elle ne doit subir aucun traitement modifiant ses caractéristiques microbiologiques.
Mise en demeure
La situation avait été rendue publique par des enquêtes du Monde et de Radio France parues en janvier 2023. Un an et quatre mois plus tard, Nestlé n’a toujours pas retiré ses filtres. Si le groupe affirme que « toutes les bouteilles actuellement sur le marché sont conformes » et qu’ « aucun rappel n’a été nécessaire », les autorités sanitaires, elles, s’alarment.
La gravité de la situation a conduit le préfet du Gard à convoquer en urgence la directrice générale de Nestlé Waters, Muriel Liénau, pour lui remettre une lettre de mise en demeure visant spécifiquement le système de filtration de l’usine de Vergèze, où est produite l’eau Perrier.
Même tonalité dans les Vosges : un arrêté préfectoral en date du 15 avril 2025 rejette toutes les demandes de Nestlé visant à maintenir ses systèmes de microfiltration. L’entreprise avait jusqu’au 29 avril pour présenter un plan d’action en vue d’une mise en conformité.
Responsabilité de l’Etat
En février 2023, Matignon, ainsi que les ministères de l’Économie et de la Santé, ont accepté, à la demande expresse de Nestlé, de modifier temporairement les arrêtés préfectoraux pour autoriser la pratique de la microfiltration en dessous de 0,8 micron, en contradiction avec les recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et du directeur général de la santé, Jérôme Salomon.
Dans un récent rapport que s’est procuré FranceInfo, des hydrogéologues agréés ont rendu un avis sanitaire défavorable sur l’eau produite à Vergèze, incitant l’Agence régionale de santé du Gard à demander la fin de la production de l’eau minérale naturelle sur ce site.
Une décision finale sur le statut de cette eau est attendue avant le 7 août 2025, après consultation du CoDERST (Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques).