Dans l’Ouest Américain, en Idaho, les sècheresses sont de plus en plus fréquentes et intenses. Pour pallier les diminutions de réserve d’eau potable, l’entreprise d’électricité privée Idaho Power a recours à la technique d’ensemencement des nuages afin de provoquer des chutes de flocons. Certains experts s’inquiètent des conséquences potentielles de cette technique.
Un avion à turbopropulseurs chargé de faire tomber les flocons a décollé en novembre 2021. D’après le Washington Post :
« Volant au-dessus des nuages, l’appareil a largué des fusées qui ont brûlé en descendant, libérant des traînées d’iodure d’argent qui ont entraîné la formation de cristaux de glace et la chute de neige sur les montagnes. »
L’objectif est qu’au printemps prochain, la neige fondue ruisselle depuis les montagnes rocheuses jusqu’aux réservoirs d’eau. Cette dernière sera ensuite utilisée pour irriguer les champs et pourrait être à l’origine de la production de « centaines de milliers de mégawattheures d’énergie hydroélectrique décarbonée pour l’État. »
L’entreprise privée Idaho Power utilise la technique d’ensemencement des nuages depuis pratiquement vingt ans, et compte un demi-million de clients dans le sud de l’Idaho et l’ouest de l’Oregon. Ces dernières années, l’Etat y a fait de plus en plus appel.
Ce mois de novembre, un tiers du pays faisait face à des sècheresses d’une intensité d’ordre extrême à exceptionnel, c’est-à-dire aux plus hauts niveaux potentiels.
Sarah Tessendorf, scientifique au National Center for Atmospheric Research (NCAR), explique que plusieurs études ont tenté d’estimer dans quelle mesure l’ensemencement de nuage augmente les précipitations de pluie ou de neige. Mais la plupart n’ont pas réussi à être statistiquement significatives.
Elle explique : « Le signal indicatif de l’ensemencement est souvent très faible et dans la marge de fluctuations naturelles. »
En 2017, le NCAR a réalisé une étude où les chercheurs ont pu observer la formation de neige dans les nuages et en suivre le sillage jusqu’au sol afin de quantifier les suppléments de neige tombés dans le cadre de trois cas.
Les résultats ont ainsi démontré une augmentation de 0,05 à 0,3 mm de précipitation.
Les études et l’usage de l’ensemencement de nuage se multiplient ainsi à travers le monde et notamment dans l’Ouest des Etats-Unis, pour pallier les pénuries d’eau.
Le Colorado, qui mène des opérations d’ensemencement des nuages depuis 1950, espère installer des générateurs à iodure d’argent à même le sol, près de la rivière North Platte, en partenariat avec le Wyoming. Les deux Etats ensemencent le bassin chacun de leur côté par avion depuis deux hivers.
Cet usage se démocratise notamment parce que la méthode est peu coûteuse. L’Etat de l’Utah qui utilise également la technique depuis 1950, estime que son réseau de 165 générateurs d’iodure d’argent augmente les chutes de neige de 5 à 15 % et coûte 2,18 dollars pour 1 233,5 m3.
Selon le GIEC : « Deux caractéristiques essentielles des méthodes de géo-ingénierie suscitent des inquiétudes particulières : elles utilisent ou touchent le système climatique (ex.: atmosphère, terres émergées ou océans), à l’échelle mondiale ou régionale et/ou elles pourraient avoir des effets considérables indésirables au-delà des frontières nationales. »
En d’autres termes, si les impacts de cette technique à long-terme restent difficiles à évaluer, une chose ne l’est pas : la géo-ingénierie est mise en place par certains humains, sur une planète où nous vivons tous.
Les phénomènes atmosphériques étant très complexes, leur contrôle l’est également, et leurs conséquences peuvent se répercuter au-delà des frontières géopolitiques.
En 2017, 50 pays à travers le monde utilisaient des programmes de modification du climat. Or, toute mesure de géo-ingénierie mise en place sans que les émissions de gaz à effet de serre ne baissent ne permet pas d’atténuer le potentiel réchauffant de ces gaz.
L’étude et le développement continuel de ces techniques font nécessairement courir le risque aux véritables stratégies de décarbonisation d’être négligées.
Selon The Guardian : « On affirme : aux grands maux les grands remèdes. Il y a pourtant encore une voie sûre nous menant à l’avenir, à condition d’éviter les déviations peu judicieuses et les impasses. »