10 ans après avoir lancé l’idée, l’Hyperloop d’Elon Musk est un fiasco planétaire qui ne verra jamais le jour. Grands perdants de l’affaire : les start-ups et pouvoirs publics dupés par la communication du multimilliardaire américain sans se soucier de savoir si le projet était techniquement réalisable. A Toulouse, la Métropole a dépensé plus de 5,5 millions d’euros d’argent public pour rien.
Clap de fin pour le projet Hyperloop à Toulouse, où le logo a été recouvert en blanc et la start-up américaine Hyperloop TT sommée de quitter le site de Francazal, une ancienne base militaire, avant septembre 2023. Le conseil de la Métropole Toulousaine avait déjà voté la résiliation du bail le 16 décembre 2021.
Pour les élus, le fiasco est dur. Alors que l’entreprise devait prendre en charge les coûts de dépollution du site et rénover les bâtiments, c’est finalement, la métropole qui s’en est chargée pour un coût de 5,5 millions d’euros. De surcroît, la start-up a bénéficié d’un loyer modéré (pour une base militaire d’une telle ampleur) de 70 000 euros par an.
Las, le centre d’innovation et d’essais de la société, installée là depuis 2017 et tentant de développer la technologie insufflée par le polémique Elon Musk, était une coquille vide. La promesse : construire l’Hyperloop, un « train du futur » se déplaçant jusqu’à 1200 km/h grâce à des capsules ou pods transportant une trentaine de personnes et guidés par la sustentation magnétique dans des tubes à basse pression juchés sur des pylônes.
Seulement, ce transport digne d’un récit de science-fiction était bien illusoire. D’abord pour des questions de coûts, exorbitants par rapport à une ligne de TGV classique. Au Canada, une liaison Hyperloop entre Calgary et Edmonton a ainsi été évalué à 18 milliards de dollars pour 300km.
En moyenne, le coût de construction de l’Hyperloop était estimé à 20 millions d’euros par kilomètre, « soit 60 à 100% du coût d’une ligne à grande vitesse » selon une note publiée en 2018 par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifique et technologique (OPESCT).
Tout ça pour transporter seulement 4 800 passagers par heure, contre 12 000 passagers par heure pour le TGV. Les passagers n’auraient d’ailleurs sans doute pas supporté physiquement le voyage à haute vitesse dans le noir à basse pression, sans oublier les questions de sécurité, de régulation, d’environnement…
Une autre société attirée par le projet, Virgin Hyperloop, l’a d’ailleurs bien compris et a décidé l’an dernier d’abandonner l’idée de transporter des passagers pour se concentrer sur le fret. Elle a licencié au passage la moitié de ses effectifs.
Enfin, l’étude « Assessing Hyperloop Transport Optimizing Cost with Different Designs of Capsule », publiée en 2023, détaille qu’un kilomètre d’Hyperloop a une consommation électrique hors-norme : jusqu’à 1 900 MWh par jour d’énergie électrique pour du fret lourd à 900 km/h, et entre 500 et 600 MWh par jour pour transporter des passagers à 600 km/h. En comparaison, un TGV qui roule à 300km/h consomme 20 kWh/km en moyenne. Sur un trajet Paris-Marseille (800 km), cela représente 16 MWh.
Face à ses écueils technologiques, énergétiques, environnementaux et sécuritaires, la plupart des projets Hyperloop sont au point mort dans le monde, voire complètement abandonnés comme à Toulouse. Si le bail a été résilié en 2021, l’entreprise a laissé sur place ses gigantesques tubes dans lesquels étaient censés voyager les capsules. La Métropole lui a demandé de vider le site avant septembre.
Ce fiasco est d’autant plus regrettable qu’une enquête du Time a révélé qu’Elon Musk n’a jamais réellement eu l’intention de construire l’Hyperloop. Le vrai but du dirigeant de Tesla aurait été de faire annuler un projet de TGV en Californie, où les habitants sont nombreux à avoir acheté une de ses fameuses voitures électriques.
Hyperloop TT n’est pas la seule entreprise à avoir reçu des subventions publiques pour un projet chimérique. La région Nouvelle-Aquitaine a versé une aide de 2 millions d’euros au canadien Transpod pour un centre d’essai Hyperloop près de Limoges où rien n’a encore été construit, plus de 4 ans après le lancement du projet. 10 personnes ont pourtant été embauchées pour travailler à la conception du centre de Droux.
Cet échec rappelle celui du sous-marin construit par OceanGate pour emmener de richissimes touristes voir l’épave du Titanic à 3821 mètres de profondeur, une profondeur où la pression exercée par l’océan est d’environ 380 bars. Alors que dès 2018, des alertes avaient été lancées sur le manque de sécurité de l’appareil, le submersible a implosé sous l’eau le 18 juin 2023, tuant les 5 occupants d’un coup.
Espérons qu’à l’avenir les pouvoirs publics arrêteront de financer des projets portés par de riches mégalos, qui confondent fantasme d’innovation et projet réalisable.
Sources : « Elon Musk Is Convinced He’s the Future. We Need to Look Beyond Him », Time, 08/08/2022 / « Hyperloop : le PDG de Transpod affirme qu’il souhaite rembourser les aides publiques « pour avoir la paix » », France3Regions, 19/09/2022
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