Des citoyens de tout âge ont décidé d’unir leurs forces pour se battre contre le projet GPSO, vieux de 30 ans. Devant relier Bordeaux à Toulouse, cette LGV détruirait 6000 ha de terres pour un coût de 13 milliards d’euros, financé par de nouveaux impôts. Un weekend de mobilisation a consacré l’arrivée de la jeunesse dans la lutte, qui redouble de créativité pour retarder le projet.
LGV Bordeaux – Toulouse : 30 ans de lutte
Voilà plus de 30 ans que des citoyens déterminés se battent contre le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest, dit GPSO, qui servirait les gares de Bordeaux-Toulouse-Bayonne-Bilbao. En 2009, 15 500 personnes précédées de 130 tracteurs avaient ainsi défilé dans Bayonne pour s’y opposer. Avec le projet relancé par Castex en 2021, la mobilisation a également repris.
Le weekend du 11 au 13 octobre a été rythmé par une grande manifestation intitulée « Freinage d’urgence » rassemblant 1500 personnes dans les forêts de Lerm-et-Musset, ainsi qu’une série d’actions ciblant les entreprises liées au projet en Gironde, où plus de 90% d’avis défavorables ont été déposés lors de l’enquête publique. Le conseiller municipal Philippe Barbedienne n’a ainsi pas hésité à prêter son propre terrain aux citoyens inquiets par l’avenir de la forêt pour le bon déroulé de cette manifestation conçue comme « un grand jeu ».
« C’est 20 ans de lutte. Je suis solidaire avec ces jeunes qui sont contre ce projet stupide. On nous vole le peu de nature qu’il nous reste » a déclaré l’élu lors d’une conférence presse le samedi matin
Au programme du weekend : construction d’une vigie de 6m de haut « comme édifice défensif du vivant et du territoire » dans la vallée du Ciron et sa hêtraie ancestrale, balades naturalistes, la pose de panneaux « LGV NON MERCI » et des banderoles dans les communes tout au long du tracé, la représentation symbolique des ouvrages d’art (tels les ponts) qui seraient construits pour la LGV.
Cette dernière est soutenue par certaines collectivités en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine, notamment à travers la figure du président de Région Alain Rousset qui porte le projet lui-même. Mais depuis le début, l’opposition est vive et multiple, regroupant élus et parlementaires locaux, habitants, viticulteurs, agriculteurs et forestiers.
« Ce weekend a acté l’irruption de la jeunesse dans la lutte, et c’est ce qui est le plus important » explique Victor Pachon, membre historique du CADE en lutte contre le GPSO depuis 1992, pour La Relève et La Peste
Une jeunesse créative et inquiète
En plus du grand rassemblement, des actions diverses ont été menées tout le long du weekend en Gironde. Dans Bordeaux, un convoi vélo a promu la mobilité douce en visitant trois acteurs majeurs du projet : SYSTRA, leader mondial des infrastructures et porteur d’autres méga-projets de LGV dans le monde ; SEGAT, cabinet en charge des expropriations et de la « négociation foncière » ; et l’Hôtel de Région. Des « messages d’amour pailletés » ont été posés sur les petites gares des lignes du quotidien, menacées par les LGV.
C’est pourtant une voiture de gendarmerie enlisée dans le sable qui a fait les gros titres des médias. Un petit groupe de manifestant.e.s en a profité pour voler des équipements dans le véhicule (casques, bouclier, jambières), menant à une perquisition le dimanche 13 octobre.
« Ces jeunes vont connaître les océans qui meurent, les forêts qui disparaissent, l’air suffocant sous le béton… C’est tout à fait normal qu’ils soient plus pressés et plus actifs que nous, leur soi-disant radicalité est à bien des égards légitime. Le truc de la camionnette, c’est rien. » analyse Victor Pachon pour La Relève et La Peste « Est-ce qu’ils vont faire des erreurs ? Bien sûr, on en fait tous. Mais j’ai vu entre eux beaucoup d’ingéniosité, de tolérance, de courage qui me donne espoir pour la suite. »
Les travaux du GPSO ont pour l’instant commencé sur l’entrée et la sortie de Bordeaux. Du côté de Toulouse, des écureuils (ces militants qui occupent le haut des cimes) se sont déjà perchés dans des arbres. Plusieurs recours en justice ont également été déposés.
Si l’occupation terrain est devenue si importante dans les luttes autour des projets d’aménagement du territoire, c’est que la justice est souvent trop lente par rapport aux travaux. Le contournement autoroutier de Strasbourg est un cas d’école sur le sujet. Alors qu’il avait déjà été construit, un jugement est venu donner raison aux écologistes sur cinq des six recours.
En Gironde, les opposants au projet sont bien décidés à continuer les actions, et surveiller l’avancée des travaux du haut de leur vigie. Une nouvelle mobilisation devrait avoir lieu au printemps prochain.
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