Le Fonds vert créé à l’été 2022 est destiné à la rénovation des bâtiments, la réhabilitation des friches et autres problématiques écologiques. Pourtant, 530 000 euros vont en être utilisés par le gouvernement afin d’installer deux coffres d’amarrage pour les yachts dans le golfe d’Ajaccio. Si l’État prétend qu'il s'agit d'épargner les fonds marins avec leurs ancres, les associations dénoncent une décision inégalitaire et polluante qui n'évitera en rien de gros dégâts écologiques.
Selon l’Etat, la mise en place de ces coffres d’amarrage a pour but d’éviter les ancrages sauvages, afin de préserver les herbiers de posidonie en Méditerranée. A partir de la mi- mai, un arrêté par ordre du préfet maritime interdira par ailleurs de jeter l’ancre partout où il y a des herbiers de posidonie autour de la Corse.
Riad Djaffar, directeur de la mer et du littoral de Corse a expliqué pour Radio France : « [les] yachts paient des services sur le territoire et participent également à l’économie locale ».
Le ministère a avancé dans un communiqué : « Actuellement, les ports insulaires corses, insuffisamment équipés, sont dans l’incapacité de répondre à la fréquentation croissante de navires de la grande plaisance (plus de 24 mètres) ».
Le Fonds vert est un succès c’est pourquoi j’échangerai dès la semaine prochaine avec les associations de collectivités sur la façon dont nous pouvons pérenniser le soutien de l’Etat. C’est ça, concrètement, la territorialisation de la planification écologique.#FranceNationVerte pic.twitter.com/XcGhJT7m0u
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) April 3, 2023
D’après le ministère de la Transition écologique, les deux coffres permettront également l’amarrage sans jeter l’ancre, préservant ainsi un hectare d’herbiers de posidonie.
Riad Djaffar précise : « Il s’agit de coffres de 4 par 5 mètres, sur une surface d’environ 20 m2, qui ont fait l’objet d’une éco-conception. Ils vont aussi avoir une fonction de nurserie pour les espèces marines. »
Les coffres sont ainsi censés faire office de récif artificiel et seront faits en béton recyclé bas carbone. La question de la pollution émise par la consommation de pétrole des yachts n’a pas été abordée par le gouvernement.
Sur les 660 000 euros prévus pour financer les coffres d’amarrage des yachts, 530.000 complété par Michelle Salotti, militante de U Levante, association de protection de l’environnement en Corse, a estimé : « Ça reste du béton quand même ! On balance de l’argent public pour des privés, pour une destination non-écologique et en plus on pollue l’endroit où on est. Nous, ça nous paraît incroyable, invraisemblable !
Il n’y a pas que racler les fonds au niveau des posidonies, quand les hélices des bateaux sont au-dessus, elles provoquent de la turbidité et elles empêchent la faune, d’abord, d’être dans les frayères que sont les posidonies, normalement. Elles empêchent la photosynthèse parce qu’il y a l’ombre des bateaux amarrés, mais il y a aussi tous les sédiments qui sont remués par les hélices et qui se déposent.
En réalité, la vie des posidonies est très perturbée. »
Muriel Segondy, porte-parole de l’association de défense de l’environnement Le Garde, estime pour sa part auprès d’Europe 1 : « Ici, le mouillage est sur de la posidonie, il ne gratte pas, mais il fait de l’ombre sur le champ de posidonie, et le bruit du moteur le perturbe. La posidonie, c’est le poumon de la Méditerranée, pour vivre, elle a besoin de calme. Le commerce n’a pas tous les droits sur les citoyens.»
Michelle Salotti commente également : «Dans la situation de précarité dans laquelle est la population corse, parce qu’on est quand même la région la plus pauvre de France, donner de l’argent pour favoriser des gens très aisés, c’est incroyable.»
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Le golfe d’Ajaccio est également classé zone Natura 2000. Les associations se tiennent prêtes à saisir la justice. En septembre, des militants ont demandé l’instauration de quotas et se sont mobilisés pour dénoncer la pollution générée par les navires. Ce projet de mouillage favorise leur venue.
Michelle Salotti estime : « On va consommer encore plus de CO2. L’objectif de la Corse actuellement, c’est de mettre des bateaux partout, c’est de créer cet appel d’air pour recevoir ces yachts. C’est le miroir aux alouettes, mais c’est un modèle qui est complètement dépassé, qui était peut-être valable au siècle dernier, mais aujourd’hui, il est complètement en dehors des clous. »