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Les vols de ruche se multiplient partout en France

Selon le président du Syndicat national d’apiculture, Frank Alétru, les vols de ruches auraient augmenté de 50 % cette année : de janvier à mai 2021, 617 cambriolages ont été recensés par l’organisation interprofessionnelle, contre 400 sur la même période l’année dernière.

Comme si les autres ne suffisaient pas, un nouveau fléau frappe le monde de l’apiculture : le vol de ruches. Du Var à la Somme, de l’Aveyron à l’Orne, en passant par le Puy-de-Dôme, la Nièvre, le Morbihan, aucun département ne semble épargné par ce phénomène en croissance évidente depuis quelques années, mais difficile à estimer.  

Un phénomène de plus en plus récurrent

Au début du mois d’avril 2020, deux apiculteurs voisins installés à Vidauban, dans le Var, voient 276 de leurs ruches disparaître en une seule nuit. Les exploitants chiffrent leur préjudice total à 100 000 euros chacun, soit un tiers ou plus de leur production annuelle. 

En février dernier, aux alentours de Toulouse, en Haute-Garonne, ce sont 157 ruches qui s’envolent à plusieurs endroits du département en seulement quelques jours. Denis Sapène, apiculteur professionnel, perd alors une cinquantaine d’essaims. En 40 ans de carrière, c’est la première fois qu’on lui vole ses butineuses.

Un mois plus tard, dans la Somme cette fois, un apiculteur amateur qui se rendait au bois de Gentelles pour vérifier ses 40 ruches découvre avec stupeur qu’elles ont toutes disparu, rapporte Aisne Nouvelle.

Les gendarmes déclarent au journal local que ce larcin ne peut être l’œuvre que de professionnels et que plusieurs autres vols ont été commis dans la région.

Crédit : Annie Spratt

L’ampleur du préjudice

Selon le président du Syndicat national d’apiculture, Frank Alétru, les vols de ruches auraient augmenté de 50 % cette année : de janvier à mai 2021, 617 cambriolages ont été recensés par l’organisation interprofessionnelle, contre 400 sur la même période l’année dernière.

Cependant, « nous n’avons, en chiffres, que la partie émergée de l’iceberg », ajoute Frank Alétru, qui constate que les victimes ont tendance à ne pas déclarer les vols ni porter plainte lorsqu’il ne s’agit que d’une ou quelques ruches.

Le nombre de larcins serait ainsi impossible à estimer, à l’inverse du préjudice que subissent les apiculteurs, facilement chiffrable. La structure d’une ruche seule coûte en moyenne 100 à 150 euros. Pour l’achat d’un essaim, il faut compter jusqu’à 200 euros.

Une colonie pouvant produire entre 15 et 20 kilos de miel par an et le miel se négociant 15 euros le kilo environ, la disparition d’une ruche représente donc, pour un exploitant, une perte minimale de 600 euros, que l’on doit multiplier par la quantité d’essaims dérobés… 

Crédit : Bianca Ackermann

Qui sont les auteurs des vols ?

En France, environ 60 000 apiculteurs professionnels ou amateurs s’occupent de près de 1,25 million de ruches. Au sein de cette large communauté, les vols ont toujours existé.

Ce qui change, aujourd’hui, témoigne Frank Alétru, c’est le nombre de vols massifs (plus de 10 ou 15 essaims à la fois) et leur fréquence, de plus en plus resserrée.

Qui sont les auteurs des vols ? Existe-t-il un véritable trafic ou s’agit-il d’une accumulation de cas isolés ?

« Ce sont des apiculteurs qui volent les ruches des autres apiculteurs », répond à France Bleu Xavier Dischert, président de l’Abeille provençale, un groupement d’amateurs de Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA), la région comptant le plus grand nombre d’apiculteurs en France.

L’ensemble de la profession semble s’accorder sur ce point : les vols sont bien l’œuvre de producteurs de miel. Toutefois, plus le méfait est important, plus ses auteurs doivent être organisés.

Pour dérober un rucher de plusieurs dizaines de colonies en une nuit, explique également Xavier Dischert, il faut enrôler une équipe, affréter un camion, faire du repérage, avoir un plan pour entreposer ou liquider les ruches… 

Opérant du printemps à la fin de l’été, les voleurs ramèneraient leur butin à leur rucher, récolteraient le miel, puis revendraient les ruches à d’autres apiculteurs. Direction l’Espagne, l’Italie, l’Europe de l’Est ou le Maghreb, où des réseaux commencent à se développer.

Crédit : Bee Naturalles

Vols et disparition des abeilles

Mais pourquoi des apiculteurs volent-ils leurs confrères ? La disparition catastrophique des abeilles serait la principale explication. En France, la surmortalité des cheptels s’élève en moyenne à 30 ou 35 % par an, au lieu de 5 à 10 % au cours d’un hiver normal.

À l’origine de cet effondrement, on trouve pêle-mêle les prédateurs, les parasites, les champignons, les bactéries, les virus, les pesticides, le changement climatique. Il n’y a pas de cause unique, mais une conjonction de facteurs créant un cercle vicieux impossible à enrayer.

L’épandage de produits phytosanitaires et d’engrais de synthèse, hautement toxiques pour les insectes volants, se conjugue par exemple à la dégradation de l’environnement et à la disparition des plantes pollinifères et mellifères, indispensables à la survie des colonies.

Glyphosate, Cruiser, néonicotinoïdes, depuis des décennies, scientifiques et apiculteurs alertent les pouvoirs publics sur les effets délétères de l’agriculture intensive.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dénombre par ailleurs 29 agents pathogènes et prédateurs de l’abeille, parmi lesquels le Varroa destructor (21 % des cas de mortalité), un acarien injectant des substances toxiques dans l’organisme des insectes et les rendant vulnérables aux virus.

On peut également citer le frelon asiatique, qui s’attaque aux abeilles à l’entrée des ruches, les mycoses, ou encore les mauvaises pratiques apicoles, dans 14 % des cas.

Cette surmortalité chronique des colonies domestiques provoque une hausse du prix des essaims, qui se marchandent à 180 ou 200 euros aujourd’hui, contre une centaine d’euros il y a seulement quelques années, tandis que la demande bondit en raison du succès de cette pratique agricole.

Crédit : Trollinho

Comment protéger la production ?

Pour faire face à la recrudescence des vols, les apiculteurs s’équipent de plus en plus de systèmes technologiques. Certains disposent des caméras-pièges autour de leurs ruchers, quand d’autres équipent leurs ruches de capteurs GPS qui permettent de suivre en temps réel d’éventuels déplacements.

Apparemment, ces dispositifs ne perturbent pas la vie des abeilles, mais ils coûtent cher et représentent un stress financier supplémentaire. 

Le Syndicat national des apiculteurs, quant à lui, incite les exploitants à signaler les vols et à déposer systématiquement plainte auprès de la gendarmerie.

De la sorte, il espère que les autorités publiques comprendront l’ampleur du problème et réformeront les lois pour les rendre plus dures vis-à-vis des voleurs, tout en investissant dans la traque et la surveillance davantage de moyens. 

Augustin Langlade

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