Selon la synthèse de 404 études scientifiques publiée par les chercheurs de l’université de Bristol (Angleterre), les girafes formeraient des liens sociaux complexes, particulièrement entre les diverses femelles d’une communauté; un avantage de survie indéniable pour les girafons; l’espèce entière étant classée comme vulnérable par l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Sur les neuf sous-espèces existantes de girafes, deux d’entre elles sont également classées comme en danger d’extinction, et deux autres en danger critique d’extinction.
Leur synthèse a été publiée dans la revue Mammal Review le 2 août 2021, et vient à nouveau contredire les croyances qui ont subsisté jusqu’au début des années 2000 sur l’inexistence de structure sociale chez les girafes, du fait de la fluidité et flexibilité de leurs groupes. Les études avaient jusque là été réalisées ces dernières années à court-terme et sur des populations isolées, mettant à mal les possibilités de conclusions générales sur l’espèce.
Second unique membre subsistant de la famille des giraffidae avec l’okapi, le plus grand des ruminants est un animal paisible qui vit au sein de groupes comportant 3 à 9 individus et dont la composition change selon différents facteurs, sociaux et écologiques notamment. Les girafes femelles vivent près de 8 ans post-reproduction, soit environ 30 % de leur vie.
Cette capacité à vivre de nombreuses années après le déclin de leur fertilité reste jusqu’ici un phénomène rare en éthologie, qu’on attribue aux humains, aux baleines et aux orques qui traversent une période de ménopause. Pour les girafes, il se comprend par l’importance que gardent les femelles âgées au sein d’une horde : si les mâles entretiennent des liens forts majoritairement avec leurs mères et ont tendance à plus de solitude, les femelles girafes développent des liens sociaux et entretiennent des relations stables dans le temps avec d’autres femelles.
Zoe Muller, l’une des deux biologistes de l’Université de Bristol à l’origine de l’étude, explique qu’il est déjà connu que les éléphants fonctionnent en matriarchies guidées par une femelle. Après la reproduction, elle s’occupe de la gestion du reste du troupeau de femelles (les mâles quittent le groupe à la majorité sexuelle et errent en solitaire, mais peuvent parfois former des alliances avec d’autres mâles). C’est la plus vieille éléphante qui assure la cohésion de son troupeau, et les chercheurs ont mis en évidence que plus elle a d’expérience, plus son groupe a de chances de survie pendant les périodes de famine ou de sécheresse. Les girafes femelles ont, de la même façon, une importance au sein de leur groupe même après leur reproduction.
Ces liens sociaux leurs permettent des coopérations, notamment dans le soin apporté aux girafons, et dans la formation de hordes composés uniquement de femelles afin d’assurer plus efficacement leur sécurité. Les girafes forment des « crèches » ou « nurseries », un phénomène en zoologie qu’on trouve rarement chez les mammifères, où les jeunes sont élevés en groupe, et où ici différentes mères s’occupent de différents petits. La mort d’un girafon entraînerait par ailleurs différentes marques de détresse chez toutes les mères impliquées.
Les relations les plus fortes qui ont été repérées sont celles entre mères et petits, mais également des liens établis entre femelles adultes. Certains duos et associations de femelles adultes sont constants pendant au moins six ans. Les chercheurs envisagent ainsi l’hypothèse de matriarchies du fait de ces associations multiples et stables dans le temps, ainsi que la tendance à la philopatrie (qui reste instinctivement ou revient à l’endroit où l’individu est né) des femelles, suggérant des groupes sociaux complexes qui s’entraident dans la gestion, l’éducation et la protection organisée de leurs petits.
Depuis 1985, le nombre de girafes a chuté de 40 % et comptait en 2016 environ 97 500 individus. Selon IFAW, il resterait aujourd’hui quelque 68 000 girafes à l’état sauvage. Les deux raisons derrière sa disparition sont le braconnage (elle est chassée pour sa viande et certaines parties de son corps qui alimentent le trafic international) et la réduction de son habitat (en grande partie la déforestation). Le coprésident de l’IUCN, Julian Fennessy, explique que sa présence dans les parcs et les réserves donne l’illusion que l’animal n’est pas en danger, mais le problème concerne les zones non protégées où l’animal vit ou à vécu. L’espèce comptait un million d’individus au milieu des années 90.
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