Les étudiants de Polytechnique dénoncent l’omniprésence des multinationales dans les grandes écoles

Le 3 octobre, l’Ecole polytechnique organisait sur son campus l’annuel forum des entreprises. Plus de 150 entreprises des secteurs du conseil, de la finance et de l’industrie sont venues rencontrer les étudiantes et étudiants afin de se faire connaître et recruter des stagiaires et futurs employés.

A la fin de la matinée, une trentaine d’étudiants de Polytechnique, d’alumni et d’élèves venus d’établissements voisins se sont effondrés au sol pendant plusieurs minutes, afin de dénoncer la destruction à laquelle participent la plupart des multinationales présentes au forum.

Les étudiants ont ensuite pris la parole pour dénoncer les nombreux liens entre leur établissement et des multinationales destructrices de la vie et à l’origine de l’exploitation de millions de personnes.

« Comment pouvons-nous encore être financés par Total, qui continue de multiplier les projets fossiles à l’encontre des projets du GIEC, comme le projet EACOP, en Ouganda ? Comment pouvons-nous accepter des partenariats avec la Société Générale ou le Crédit Agricole, qui continuent de financer les projets les plus destructeurs ? »

Un autre étudiant explique : « Réduire ! Non pas de dizaines de pourcents mais de facteurs dix ! Essayons d’être honnêtes, cela ne se fera pas à coup d’optimisations technologiques ou d’innovations incrémentales, mais plutôt en remettant complètement en question nos modèles de réussite. »

Une dernière élève invite à la réflexion et l’échange pour réformer ce système : « Nous invitons chacune et chacun à s’ouvrir et à discuter avec d’anciens élèves, des gens d’autres domaines et d’autres milieux. A se questionner, ensemble. »

Des nouveaux et anciens étudiants de la célèbre école d’ingénieurs française se sont battus ces dernières années pour empêcher l’installation à même le campus d’un pôle de recherche Nouvelles énergies et électricité TotalEnergies, d’un centre de recherche sur le luxe durable LVMH et de la réhabilitation du bâtiment la « Boîte à claque » par le dirigeant de LVMH, Bernard Arnault.

En tant qu’ancien polytechnicien, ce dernier se défend de toute influence sur l’établissement public. LVMH assure que la rénovation a été décidée « par pure philanthropie. Bernard Arnault a un lien particulier à l’X (l’Ecole polytechnique) et le choix de ce chantier vient aussi de ce sentiment d’attachement personnel ». Le chantier était estimé en 2019 à 30 millions d’euros.

Le collectif d’actuels et d’anciens élèves reste vigilant. Un représentant de « Polytechnique n’est pas à vendre » explique :

« On parle de creuser en sous-sol un immense amphithéâtre d’au moins 500 places et de recouvrir la cour historique du bâtiment d’une verrière pour en faire un centre de conférence de luxe. Or, ce projet pose des questions écologiques majeures en plus d’avoir donné les clés du projet à LVMH sans garantie ni obligation ».

Thomas Vezin, secrétaire général de la Sphinx, association fondée en 2017 par d’anciens élèves de Polytechnique, explique alors pour Novethic : « Nous continuerons à nous battre pour que les relations entre l’École polytechnique et les entreprises partenaires s’inscrivent dans un cadre transparent et soient accompagnées de garanties concernant l’indépendance de la recherche et de l’enseignement »

En 2020, les étudiants s’opposaient d’ores-et-déjà au projet de Total d’installer un centre d’innovation et de recherche, où devaient travailler pas moins de 250 salariés en plein cœur du campus. En 2022, TotalEnergies avait finalement abandonné ce projet face à la lutte des élèves.

Sources : Laure Gamaury, « Paris : Y a-t-il encore une épine dans le pied de la célèbre école Polytechnique ? », 20minutes, 29/09/23 / Léa Dang, « Les Grandes écoles à la botte des multinationales », Socialter, 13/10/20 / Marina Fabre Soundron, « Après deux ans de polémique, Total renonce finalement à s’installer sur le campus de Polytechnique », 29/01/22