Alors que leurs effets délétères sur la santé sont avérés, allant des troubles de l’attention à des retards de langage, les écrans sont désormais interdits dans les lieux d’accueil des jeunes enfants.
Depuis le 3 juillet, les écrans sont officiellement interdits dans les lieux qui accueillent des enfants de moins de trois ans, individuels ou collectifs. « L’interdiction des écrans pour les jeunes enfants est une évidence. Les professionnels de la petite enfance sont convaincus des effets néfastes des écrans », estime Julie Frydzinski, éducatrice de jeunes enfants à la Ville de Paris, où les écrans sont déjà bannis, pour La Relève et La Peste.
« En 10-15 ans, on a vu leur impact. Les enfants exposés sont des enfants qui communiquent peu, qui ont le regard fuyant, peuvent avoir un retard de langage, ont dû mal à gérer la frustration, ont des troubles de l’attention, un imaginaire peu développé… On voit une nette différence entre ceux qui sont exposés aux écrans chez eux et ceux qui ne le sont pas. »
L’officialisation de cette interdiction dans les lieux accueillant les enfants de moins de trois ans fait écho au rapport de la Commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans, remis au président de la République en avril 2024, qui appelle à ne pas exposer les enfants de moins de trois ans aux écrans et à limiter autant que possible l’exposition jusqu’à l’âge de six ans.
Un nouvel arrêté vient ainsi modifier les annexes de la Charte nationale pour l’accueil du jeune enfant, inscrite dans la loi depuis 2021 et qui est bien connue des professionnels de la petite enfance. Dix principes régissent cette charte, parmi lesquels le respect du rythme de l’enfant et le fait que le contact réel avec la nature est essentiel à son développement.
Il est désormais « interdit d’exposer un enfant de moins de trois ans devant un écran (smartphone, tablette, ordinateur, télévision) compte tenu des risques pour son développement », alors que l’arrêté initial n’évoquait qu’une simple recommandation.
Les publics concernés par cette charte sont les établissements et professionnels d’accueil du jeune enfant, les services départementaux de la protection maternelle et infantile (PMI), les caisses des allocations familiales (CAF) et les comités départementaux des services aux familles.
Sensibiliser davantage les professionnels de santé et les parents
Aline Lelievre, assistante maternelle à Rosny-sous-Bois, espère que cette interdiction va permettre de sensibiliser davantage les professionnels de la petite enfance.
« Éducatrice de jeunes enfants de formation, je suis sensibilisée à la question des écrans, mais ce n’est pas forcément le cas de toutes les assistantes maternelles. Chez moi, le zéro écran fait partie de mon projet d’accueil et je discute avec les parents de l’importance de limiter l’accès aux écrans », raconte-t-elle à La Relève et La Peste.
Selon elle, cette nouvelle législation pourra permettre aux parents d’imposer le zéro écran aux assistantes maternelles.
Néanmoins, la question du respect de cette interdiction se pose dans les lieux d’accueil individuels. Les services de PMI, chargés de l’évaluation et du suivi de l’agrément des assistantes maternelles, effectuent des visites annuelles et des visites inopinées, mais celles-ci sont rares, précise Aline Lelievre.
Publié début juillet également, le Référentiel national de la qualité d’accueil du jeune enfant, qui sert de guide aux professionnels, stipule également que « durant l’accueil, les jeunes enfants ne sont pas exposés aux écrans (télévision, tablette, smartphone), que ce soit de manière directe ou indirecte, lorsque les écrans sont laissés allumés en fond. Lorsque l’enfant est dans une pièce où se trouve une télévision, celle-ci est éteinte ».
Ce référentiel souligne également l’importance de sensibiliser les parents. Dans un texte adressé au gouvernement en avril, plusieurs sociétés savantes, dont la Société française de pédiatrie, appellent à étendre le « zéro écran » jusqu’à l’âge de six ans.
« Il faut admettre que les activités sur écrans ne conviennent tout simplement pas aux enfants de moins de six ans : elles altèrent durablement leur santé et leurs capacités intellectuelles », écrivent-ils.
Si l’application du zéro écran peut parfois être difficile à mettre en œuvre en pratique, Julie Frydzinski plaide au moins pour un usage limité et un contenu adapté à l’âge.