Des centaines de citoyens, scientifiques, élus et agriculteurs manifestent aujourd’hui à Paris, place des Invalides. Dans leur plus simple appareil, les paysans bio dénoncent haut et fort : « Le gouvernement met la bio à poil ! » Ils sont en colère suite à l’annonce des nouveaux arbitrages concernant la PAC, qui leur feraient subir une perte de 66 % d’aides sur la bio en moyenne. Alors que la PAC va décider du visage de l’agriculture des dix prochaines années, ils demandent la ré-ouverture des arbitrages pour répondre aux objectifs fixés par le gouvernement lui-même sur l’essor des fermes en bio.
La réforme de la PAC contenait beaucoup d’attentes pour les pionniers d’un modèle alimentaire respectueux des populations et des écosystèmes. Hélas, les premiers arbitrages rendus par le gouvernement français ont douché les espoirs des agriculteurs.
En France, la PAC représente 9,1 milliards de subventions qui sont réparties chaque année entre les agriculteurs français. Alors qu’il faudrait attribuer au moins 1 milliard par an dans la prochaine PAC pour développer et pérenniser les surfaces en bio, le gouvernement a décidé d’arrêter l’aide au maintien à la bio (MAB).
Cette décision avait été prise dès 2017, et l’aide au maintien n’est ainsi plus (ou quasiment plus) versée dans plusieurs régions : Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Le gouvernement avait promis que ces aides seraient remplacées par un paiement pour service environnemental. En lieu et place,le ministre a proposé que dans la prochaine PAC (2023-2027), les aides MAB et le paiement vert soient remplacés par une aide de 70€/ha/an pour les bio, au même niveau que des agriculteur-rices qui adoptent des pratiques environnementales moins contraignantes (par exemple la très polémique HVE).
« Les agriculteurs et agricultrices bio sont les grands perdant-es de ces décisions avec une perte moyenne de 132 euros par hectare et par an ! » dénoncent les organisations en agriculture biologique
« Avec cette nouvelle PAC, ils choisissent de subventionner l’agriculture des problèmes en laissant de côté l’agriculture biologique, l’agriculture des solutions ! » résume Philippe Camburet, président de la FNAB
Le collectif Pour Une Autre PAC, regroupant près de 40 organisations, avait notamment mené un travail de fond pour faire entendre leurs revendications et qu’aucun paysan ne soit laissé de côté, peine perdue.
« La plateforme pour une autre PAC c’est 46 organisations qui depuis 3 ans travaillent pour proposer une PAC ambitieuse et réaliste. Le ministre n’a pas répondu. Aucun rdv n’a été accordé. On a un sentiment de mépris à l’encontre des paysans et des citoyens. Les paysans bio seront les grands perdants de cette réforme de la PAC si on ne parvient pas à rouvrir les arbitrages. » explique Mathieu Courgeau, paysan en Vendée et président du collectif Pour une autre PAC
Face au manque de considération, les agriculteurs se sont donc rassemblés aujourd’hui pour faire entendre leurs revendications et demander la réouverture des arbitrages.
« On est ici pour protester contre les décisions gouvernementales et les arbitrages rendus sur la réforme de la PAC où Julien Denormandie a déshabillé complètement la bio. Dans mon cas, je touche un peu plus de 50 000 euros de prime par an, et avec la réforme de la PAC je perds 20 000 euros, soit 40% d’aides en moins alors qu’on est neuf personnes à travailler sur la ferme. » explique le paysan D. Evain, agriculteur bio en céréales
Au-delà de l’aspect économique, c’est tout un modèle de production alimentaire qui doit être repensé face au déclin tragique de la biodiversité et la crise climatique en cours.
Cette PAC est particulièrement cruciale puisqu’elle va modeler le paysage agricole européen pour les sept prochaines années, et que tous les scientifiques s’accordent à dire que la décennie 2020-2030 est peut-être la dernière à éviter des seuils de bascule écosystémiques catastrophiques.
« Pour nous aujourd’hui ce qu’il se passe est extrêmement grave car l’AB est clairement l’un des modes de production incontournable pour résoudre les problèmes qui se posent aujourd’hui à la planète. Si on regarde la crise climatique, 25% des émissions de GES proviennent de l’agriculture industrielle. Si on regarde l’effondrement de la biodiversité, 3 des 5 causes sont dues à l’agro-industrie selon le GIEC et l’IPBES. Aujourd’hui, il y a vraiment une urgence sur les questions environnementales planétaires à développer la bio et voir que le gouvernement français ne donne pas les moyens de ce développement, et même l’entrave avec un mépris absolument inadmissible de la part d’un ministre, c’est vraiment écœurant. C’est tellement grave qu’il faut que l’ensemble des citoyens français et européens se mobilisent pour ne pas laisser l’agro-industrie régir notre alimentation. » tempête l’agronome Jacques Caplat lors de la manifestation
Le temps presse désormais pour que les agriculteurs et citoyens fassent entendre leur voix dans l’adoption d’un modèle agro-écologique à grande échelle. D’ici 6 mois les arbitrages seront terminés pour orienter les 10 milliards d’euros dépensés chaque année sur la politique agricole de la France.
Pour aller plus loin : BASTA : ces géants de l’agro-industrie qui profitent des aides publiques de la PAC