Alors que la saison de la fonte des glaces polaires approche, plusieurs études américaines s’accordent sur le retrait inéluctable et sans précédent de six grands glaciers de l’Antarctique Ouest. Cette situation témoigne de la disparition critique globale de la banquise, à l’origine de la montée du niveau des océans.
Consensus scientifique
Comme le rapporte National Geographic ainsi que plusieurs revues scientifiques, un consensus entre plusieurs équipes scientifiques s’est récemment produit au sujet de la disparition des glaciers de l’Antarctique Ouest qui répondent aux doux noms de Haynes, Kohler, Smith ou encore Pope.
On croirait presque qu’il s’agit de personnes quand on lit les études scientifiques sur les glaciers : les scientifiques de la NASA, de l’université Irvine en Californie (UCI) s’entendent pour dire que ces mastodontes de glace sont en voie de disparition. A l’aide de mesures menées par radar ou infrarouge depuis des satellites (du dispositif européen de télédétection) ou depuis des avions (des missions IceBridge de la NASA), ces équipes montrent que le déclin actuellement mesuré est sans précédent : le glacier Smith par exemple s’est réduit de 2 kilomètres par an depuis 1996, avec un rythme jusqu’à 4 fois plus rapide que les estimations sur les dernières années (entre 2002 et 2009).
Le pire pourtant reste à venir et n’est pas encore quantifiable. Selon Eric Rignot, de l’UCI, « l’effondrement de ce secteur de l’Antarctique Ouest semble inévitable » ; en cause, l’accélération probable du phénomène de fonte des glaciers, qui s’appuie sur trois facteurs : la vitesse d’écoulement vers la mer, la proportion du glacier qui flotte sur la mer et la nature du relief sur lequel il s’appuie.
De ce fait, une fois qu’un glacier commence à fondre, il se détache du fond de la mer et se met à flotter comme un gigantesque bateau : plus rien alors ne retient son écoulement vers la mer, où il se dilue plus facilement. Selon les études, les six glaciers recensés dans ce secteur pourraient contribuer à l’élévation du niveau des mers à hauteur de 1,2 mètre, soit autant que l’ensemble de la banquise du Groenland.
Il semblerait donc que l’Antarctique est aussi condamné, malgré sa nature plus résistante, du fait du continent en dessous de la banquise, de la température plus basse, mais aussi du trou dans la couche d’ozone qui la surplombe. Rappelons qu’à l’autre pôle, la banquise a perdu 25 % de sa surface entre 1980 et 2005, un phénomène qui ne cesse de s’accélérer – on pourrait parler d’effet boule de neige mais le jeu de mot serait malvenu. La mer se réchauffe, donc contribue à la fonte, sans compter qu’elle absorbe plus de chaleur que la glace, très réfléchissante. En l’état actuel, les scientifiques s’accordent à dire que le pôle sera entièrement « libre », c’est-à-dire dépourvu de glace, en 2030.
Des réactions en cascade
Les conséquences d’une telle fonte sont connues pour l’Arctique : hausse du niveau des mers et menace sur certains écosystèmes qui vivent sur et sous la banquise (de nombreux organismes marins sont ainsi protégés du froid par le pouvoir isolant de la couche de glace). En Antarctique, où s’étend sous la glace un continent de 14 millions de km2, le risque lié au réchauffement du pergélisol (sol en permanence gelé) est décuplé : avec la disparition des glaces, ce sol accueille de nouveau la fermentation de bactéries, qui dégage du dioxyde de carbone et du méthane dans l’atmosphère, accélérant encore le réchauffement climatique.
Les conséquences de la disparition de la banquise sont innombrables et s’enchaînent en cascade : en vrac, on pourra nommer la disparition d’écosystèmes entiers menacés par la température et l’acidité des océans (notamment les coraux), l’engloutissement d’îles entières contraignant les habitants au déplacement, ou enfin l’ouverture de nouvelles terres à l’exploitation, qui fait déjà sourire les producteurs de gaz et de pétrole.