Bardella a refusé de débattre face à Marine Tondelier, comme cela devait être prévu sur BFMTV pour l’entre-deux-tours. Face au chantage, la chaîne a capitulé et remplacé le débat par la succession des candidats à l’antenne, 1h chacun. La mort du journalisme ?
Bardella face à Marine Tondelier : un échec journalistique
Ces derniers temps, les débats ne volaient pas bien haut sur les plateaux des chaînes TV. Trop occupés à gérer les querelles des candidats politiques, les journalistes-présentateurs en oubliaient de tenir leur rôle, pourtant central : celui de fact-checker les proclamations des candidats pour ne laisser passer aucun mensonge ou contre-vérité.
Aujourd’hui, ce renoncement déontologique journalistique a pris une forme encore plus aiguë à travers l’abandon pur et simple du débat d’entre-deux-tours initialement prévu ce soir sur BFMTV. A 17h hier, le directeur de BFMTV annonçait le refus de Jordan Bardella de se confronter à Marine Tondelier.
En réaction, les salariés syndiqués du groupe ont publié un communiqué pour s’opposer à ce chantage antidémocratique : « Messieurs Bardella et Attal n’ont pas à décider de la composition du plateau de BFM TV et la direction générale n’a pas à se conformer aux desiderata des partis politiques, et encore moins à ceux d’un parti d’extrême droite qui conteste le caractère universel des valeurs de liberté et d’égalité. »
Rien à faire. A la place, BFMTV a créé un format pour le moins original : l’enchaînement de Bardella-Tondelier-Attal, une heure chacun-e, dans cet ordre. Sans aucun débat !
Faut-il voir dans cette décision les premières conséquences du changement de direction de BFMTV ? Mardi soir, l’équipe de la chaîne a dû encaisser le départ surprise de son directeur général, Arthur Dreyfuss, suite au rachat de BFM-TV par CMA CGM, le groupe de Rodolphe Saadé (milliardaire français, le « nouveau Bolloré » version Macron).
« Débattre face à une femme compétente, c’était trop risqué. L’imposture RN risquait de se révéler. Il a donc annulé » ont réagi Claire Nouvian, Camille Etienne, Juliette Binoche, Mathilde Caillard et le collectif Nous Toutes
Un renoncement d’autant plus dommage que Marine Tondelier aurait été la première femme tête de liste de toute la campagne des législatives à débattre. Jusqu’ici, tous les débats ont été exclusivement entre hommes. L’alliance de gauche s’était accordé à ce que chaque force débatte à tour de rôle sur les plateaux de télévision. Pour cette troisième rencontre, c’était en théorie le tour de Marine Tondelier.
Le poulain de Marine Le Pen aura tenté jusqu’au bout de choisir son adversaire : Jean-Luc Mélenchon, qu’il a provoqué en défi à de nombreuses reprises à travers les médias. Un caprice d’autant plus injustifié que le NFP a dit et répété que Jea-Luc Mélenchon ne serait pas présenté comme premier ministre en cas de victoire.
Or, cette bravade était purement stratégique : Jean-Luc Mélenchon a tellement été diabolisé et tourné en ridicule dans les grands médias et sur les réseaux sociaux qu’il est devenu terrifiant pour de très nombreux citoyens. Et ce malgré le fait que le Conseil d’État ait réaffirmé que le RN soit bien un parti d’extrême-droite, et LFI bien un parti de gauche, et seulement de gauche.
Marine Tondelier, un rempart face à l’extrême droite
Il faut reconnaître que Marine Tondelier brille par chacune de ses interventions médiatiques depuis le début de la campagne des législatives en appelant à l’unité et recadrant les questions des journalistes sur le programme politique du NFP. La secrétaire nationale d’EELV s’est faite particulièrement remarquée dans une séquence de C à vous, où elle fustige la droite et l’extrême droite.
Car cette femme politique connaît ses dossiers sur le bout des doigts. Surtout, elle réside à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) où elle se bat dans l’opposition municipale depuis 10 ans face au maire (RN) de cette ville, Steeve Briois, et vit de plein fouet les conséquences du RN au pouvoir.
« Le RN a multiplié les pressions et les procédures disciplinaires contre certains agents municipaux, les attaques violentes et les calomnies contre l’opposition et les syndicats, les intimidations, les favoritismes… Des méthodes que je dénonçais déjà dans un livre en 2017 (« Nouvelles du Front ») et qui se sont amplifiées depuis. Par ailleurs, malgré de beaux discours, aucune solution n’a été apportée sur les questions sociales, sur le travail, le coût du transport… Sur la sécurité, 1,5 million d’euros ont été investis pour la vidéosurveillance, mais la situation n’a pas du tout évolué » résumait-elle dans une interview pour l’Humanité
C’est pourquoi, face à l’extrême droite, elle répète inlassablement qu’il ne faut « baisser ni les yeux, ni la tête, ni les bras ». Le RN a d’ailleurs eu le toupet de se déclarer publiquement en faveur des « droits des femmes », jusqu’à en faire un des slogans de sa campagne, alors que son porte-parole refuse de débattre avec une femme et que les votes du RN montrent une politique régressive envers les femmes.
Dans un bilan, le collectif Grève féministe rappelait ainsi qu’au parlement européen, le parti d’extrême droite s’abstient ou vote systématiquement contre chaque avancée féministe.
« Le 26 novembre 2020 et en novembre 2021 les élu·es RN se sont opposé·es à une résolution condamnant la Pologne qui interdisait quasiment totalement l’avortement. Le 11 avril dernier, ils et elles se sont abstenu·es sur l’introduction du droit à l’avortement dans la Charte européenne des droits fondamentaux » citent-ils ainsi
Dans un plaidoyer politique, des personnalités féministes appellent ainsi à aller voter ce dimanche pour faire barrage au RN en concluant : « Toutes les femmes de France doivent avoir à l’esprit ce qu’une Assemblée dominée par le RN implique pour nos droits et l’égalité femmes-hommes : un recul historique ».
Sources : Marine Tondelier « Nous dévoilons l’arrière-boutique du RN », l’Humanité, 27/01/2020